Un peu prise de tête, hier sur un forum…
et oui, j’ai été confrontée à la mauvaise foi. Pas facile de communiquer dans ses conditions !
A croire qu’il n’y a rien à y faire, même pas pouvoir faire taire qui que ce soit… finalement, j’ai préféré ne pas répondre à la mauvaise foi, mais cela n’a pas empêché une mure réflexion !!!!
Un des paradoxes de notre société, c’est que l’on trouve aujourd’hui plus de personnes pour témoigner contre quelqu’un que pour soutenir cette même personne. Tout se passe comme si dans le vocabulaire même, il existait plus de mots et d’arguments pour être contre que pour être pour. Dire de quelqu’un qu’il est un brave type, sérieux, honnête, fiable ne pèse rien face à l’accusation d’être « violent, de mauvaise foi, d’une brutalité insupportable, agressif ou pervers ! »
Si j’ajoute la diffamation, la circulation de rumeurs…, nous voyons que la vie sociale est une jungle habitée de beaucoup de dangers. De toute façon, on voit bien autour de nous que La mauvaise foi fait vivre tout un monde de greffiers, de juges, d’avocats, d’huissiers….
La mauvaise foi semble avoir de beaux jours devant elle, elle est devenue une façon d’être ? un moyen pour certains de survivre ? de tenir la tête hors de l’eau ? ou pour d’autres, de dévitaliser la vie et de maintenir la tête des autres dans… l’eau ??
Je me suis donc tournée vers une réflexion de J.P Sartre : voici ce qu’elle nous dit :
« On peut juger un homme en disant qu’il est de mauvaise foi. Si nous avons défini la situation de l’homme comme un choix libre, sans excuses et sans secours, tout homme qui se réfugie derrière l’excuse de ses passions, tout homme qui invente un déterminisme est un homme de mauvaise foi.
On objecterait: mais pourquoi ne se choisirait-il pas de mauvaise foi?
Je réponds que je n’ai pas à le juger moralement, mais je définis sa mauvaise foi comme une erreur. Ici, on ne peut échapper à un jugement de vérité. La mauvaise foi est évidemment un mensonge, parce qu’elle dissimule la totale liberté de l’engagement. Sur le même plan, je dirai qu’il y a aussi mauvaise foi si je choisis de déclarer que certaines valeurs existent avant moi ; je suis en contradiction avec moi-même si, à la fois, je les veux et déclare qu’elles s’imposent à moi.
Si l’on me dit: et si je veux être de mauvaise foi?
Je répondrai: il n’y a aucune raison pour que vous ne le soyez pas, mais je déclare que vous l’êtes, et que l’attitude de stricte cohérence est l’attitude de bonne foi. Et en outre je peux porter un jugement moral. Lorsque je déclare que la liberté, à travers chaque circonstance concrète, ne peut avoir d’autre but que de se vouloir elle-même, si une fois l’homme a reconnu qu’il pose des valeurs dans le délaissement, il ne peut plus vouloir qu’une chose, c’est la liberté comme fondement de toutes les valeurs.
Cela ne signifie pas qu’il la veut dans l’abstrait. Cela veut dire simplement que les actes des hommes de bonne foi ont comme ultime signification la recherche de la liberté en tant que telle. Un homme qui adhère à tel syndicat, veut des buts concrets ; ces buts impliquent une volonté abstraite de liberté ; mais cette liberté se veut dans le concret. Nous voulons la liberté pour la liberté et à travers chaque circonstance particulière. Et en voulant la liberté, nous découvrons qu’elle dépend entièrement de la liberté des autres, et que la liberté des autres dépend de la nôtre.
Certes, la liberté comme définition de l’homme ne dépend pas d’autrui, mais dès qu’il y a engagement, je suis obligé de vouloir en même temps que ma liberté la liberté des autres, je ne puis prendre ma liberté pour but que si je prends également celle des autres pour but.
En conséquence, lorsque, sur le plan d’authenticité totale, j’ai reconnu que l’homme est un être chez qui l’essence est précédée par l’existence, qu’il est un être libre qui ne peut, dans des circonstances diverses, que vouloir sa liberté, j’ai reconnu en même temps que je ne peux vouloir que la liberté des autres. Ainsi, au nom de cette volonté de liberté, impliquée par la liberté elle-même, je puis former des jugements sur ceux qui visent à se cacher la totale gratuité de leur existence, et sa totale liberté. Les uns qui se cacheront, par l’esprit de sérieux ou par des excuses déterministes, leur liberté totale, je les appellerai lâches ; les autres qui essaieront de montrer que leur existence était nécessaire, alors qu’elle est la contingence même de l’apparition de l’homme sur la terre, je les appellerai des sal…o.. Mais lâches ou sal…o ! ne peuvent être jugés que sur le plan de la stricte authenticité. »
(Sartre, l‘existentialisme est un humanisme LP. pp. 68-71)

Je considère donc là que « Autrui », d’après ce que dit Sartre, est le « médiateur entre soi et soi-même » : ce que je suis pour moi-même, en conscience, je ne le suis véritablement et en moi-même que si j’obtiens des autres la confirmation de ma croyance. Si la conscience de soi n’est pas connaissance de soi, du moins y parvient-elle en étant confirmée par la conscience des autres. Merci Sartre !
