Comment faire face à la peur ?
Posté par othoharmonie le 3 décembre 2011
- par Lama Tsoknyi : Article publié dans le magazine Tricyle Automne 2006. Traduction Christian Ousset. Comment méditer quand on est trop effrayé pour s’asseoir sur son coussin de méditation ?
Question :
Récemment j’ai été confronté à beaucoup de peur pendant ma méditation. Elle semble surgir de nulle part, et soit elle se concentre sur un attachement particulier, soit elle se manifeste comme quelque chose de plus existentiel, sans identification précise. Comment puis-je y faire face ?
Lama Tsoknyi Rinpoche :
La peur arrive quand la réalité entre en collision avec nos fictions personnelles. Notre pratique est basée sur des attentes – des attentes vis-à-vis de qui nous sommes, de pourquoi nous pratiquons, et de ce que notre pratique devrait-être. Quand nos espoirs se désintègrent, ils peuvent provoquer l’apparition de la peur. Nos caractéristiques, notre personnalité, tous nos beaux plans et nos belles idées sont comme des flocons de neige qui vont tomber sur la pierre chaude de notre pratique de méditation.
Peut-être avez-vous déjà gouté à la sensation d’espace qui se manifeste quand on réussit à déchirer le voile de l’ennui. Tant que votre expérience ne s’est pas stabilisée, la peur demeure que vos rêves, votre vie et la base même de notre existence s’écroulent. Plus vous contemplez l’espace, plus vous êtes conscient de la dissolution de tout ce que vous avez présumé être réel, durable, et fiable – y compris votre motivation et votre pratique. Maintenant tout cela semble passager et peu fiable. Cette crise, basée sur une dissolution, se traduit par l’émergence de la peur.
C’est un moment crucial de notre pratique. Chaque fois qu’elle se manifeste, chaque fois que nous sommes conscients de la peur, nous sommes face à un choix : nous pouvons admettre notre problème et y travailler, ou nous pouvons le fuir et chercher refuge ailleurs, dans les distractions, les médicaments, les ateliers de développement personnel et de bien-être, ou quoique ce soit d’autre. Nous sommes libres de refuser l’inconfort et la dissolution. Nous pouvons décider de ne pas nous replacer dans une situation dans laquelle les fondements de notre être sont bouleversés par l’expérience de l’impermanence et du vide.
Mais si nous décidons de persévérer, si nous sommes convaincus du caractère fondamentalement sain des Quatre Nobles Vérités et que nous décidons de prendre refuge dans le Dharma du Bouddha, il nous faut être courageux. Nous pouvons choisir de prendre refuge dans la brillante santé de l’éveil, le Bouddha; avoir confiance dans le processus du chemin, le Dharma; et nous reposer sur l’expérience de ceux qui nous guident le long du chemin, le Sangha. Nous pouvons choisir d’explorer notre esprit, d’en apprendre plus sur ses zones d’ombre et ses trésors cachés, mais ce ne sera pas confortable. Les conseils d’un ami spirituel ou d’en enseignant sont cruciaux à cette étape de notre pratique.
En même temps, il nous faut être doux avec nous-mêmes, nous devons nous accepter tels que nous sommes et laisser tomber ce que nous prétendons être. Notre crise est une phase normale. Nous entrons tous sur le chemin spirituel avec notre égo, et nos espoirs et nos peurs proviennent de l’égo. La pratique correspond rarement à nos attentes. Quelquefois nous pensons que nous avons tout faux : « Plus je médite, pire je deviens ». Mon maître, Gendun Rinpoche, y répondait en disant :
« Quand vous voyez vos propres défauts, c’est l’aube des qualités. Si vous ne voyez que vos qualités, il y a un problème ».
Si le but de notre pratique est d’essayer de créer notre nirvana personnel, nous allons souffrir encore davantage. Si nous utilisons les outils de la pratique, qui développent l’intelligence et la clarté, avec une motivation confuse, égoïste, la réalité va inévitablement entrer en collision avec notre fiction. C’est là que la pratique est censée nous mener. C’est la preuve que le Dharma fonctionne. C’est la fin de notre monde confus, fictif, et la naissance de la vérité.
Quand la peur apparait dans notre méditation, nous appliquons un antidote. En reconnaissant comme un produit du mental ce qui surgit à chaque instant, nous restons dans le présent. Il est important de se souvenir que nous ne sommes pas condamnés à reproduire éternellement nos vieux schémas. En restant dans le présent, nous pouvons laisser aller le passé et le futur – les quartiers généraux de nos peurs. Nous reconnaissons ce qui se passe et nous lâchons prise, en revenant au point focal de notre méditation – la posture, la respiration, la visualisation – ou à l’espace non conceptuel. Par la motivation, l’honnêteté, et la confiance nous pouvons pratiquer avec nos peurs et aller au delà d’elles d’une façon que nous n’aurions jamais crue possible.
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