Que dire de notre prénom : un choix
Une décision importante
Choisir le prénom de son enfant, lorsqu’on l’attend ou lorsqu’il vient de naître, procède d’une réflexion intime. C’est une
décision importante dans laquelle interviennent toutes sortes de facteurs appartenant à la vie du couple. Mais c’est aussi un grand moment de joie qui offre au petit garçon ou à la petite fille une sorte de passeport pour une existence heureuse. Ce moment a souvent été précédé d’hésitations, de discussions, de recherches. Le choix final peut être le résultat d’un coup de foudre qui impose aux deux parents son évidence… ou bien, une sorte de compromis entre deux choix différents.
L’origine latine
La plupart des prénoms en usage aujourd’hui sont profondément liés à l’histoire de notre pays. Ils en reflètent les principaux
épisodes et, en premier lieu, la colonisation romaine qui commença à partir du IIIe siècle avant J.-C.. La langue latine s’imposa alors peu à peu comme une sorte de langue officielle. C’est à cette époque que beaucoup de Gaulois ajoutèrent à leur nom celte un qualificatif latin qui en vint rapidement à les désigner à lui seul. Cette implantation de la langue des Romains fut renforcée par la christianisation des différentes provinces de la Gaule. Le latin était, en effet, la langue de la plupart des premiers évangélisateurs. De sorte qu’à partir du IIIe siècle après J.-C. de très nombreux Gaulois adoptèrent lors de leur baptême un nom appartenant à la culture romaine.
La source hébraïque
Mais le christianisme se référait en premier lieu à une autre tradition, celle du peuple juif. Ce peuple, installé dans la lointaine Palestine, parlait une langue sémitique, l’hébreu, et possédait une longue et précieuse histoire, conservée fidèlement dans un recueil d’archives, la Bible. Les missionnaires qui se mirent à répandre la » bonne parole » dans tout l’Empire romain évoquaient nécessairement les parents, les ancêtres, les disciples de J.-C.. Leurs noms étaient entourés d’une sorte de prestige sacré et très vite s’imposèrent à leur tour comme noms de baptême

L’empreinte grecque
La religion chrétienne véhiculait également de très nombreux noms grecs. En effet, depuis la conquête d’Alexandre le Grand, au IVe siècle avant notre ère, le Moyen-Orient (et donc la Palestine) avait adopté, de gré ou de force, la culture hellénique. La colonisation romaine n’y mit pas fin et le grec devint, avec le latin, l’une des deux langues officielles de l’Empire. Parmi les plus proches disciples de Jésus, plusieurs portaient des noms grecs, Marc, Philippe, André… Tous ces noms deviendront, à la suite de l’évangélisation de la Gaule, des noms usuels répandus dans la plupart des provinces.
L’influence germanique
Latin, hébreu, grec, les trois premières langues à avoir donné naissance à des prénoms français vont décliner brutalement et durablement. À partir du Ve siècle en effet les grandes invasions germaniques vont mettre fin à l’Empire romain en Occident et les noms des conquérants » barbares » vont vite s’imposer, auréolés de leur prestige guerrier. Les Berthe et les Clovis, les
Enguerrand et les Mathilde, les Henri et les Hildegarde se répandent, d’abord dans les classes fortunées puis, peu à peu, chez un grand nombre d’habitants de la France naissante. Cette arrivée massive de prénoms venus de l’Est et du Nord de l’Europe va occulter progressivement les prénoms romains et même une grande partie des prénoms » évangéliques « … Bien sûr, ces derniers demeureront attribués, mais nombre d’entre eux se feront rares et certains même disparaîtront définitivement.
Les premiers calendriers chrétiens
Ce n’est que vers le XIe ou XIIe siècle qu’on assistera à un retour aux sources, sous l’influence de l’Église qui va privilégier durablement les grands prénoms chrétiens issus du Nouveau Testament. Les premiers calendriers faisant figurer pour chaque jour de l’année le nom d’un saint commencent à circuler et les curés des paroisses reçoivent des instructions pour attribuer le plus souvent possible ces prénoms » sacrés « . C’est l’époque où Jean, Jacques, Michel, Marie, Anne, Elizabeth… s’imposent jusqu’à créer une étonnante uniformité sur les registres paroissiaux.
Des effets de mode
L’histoire des prénoms français connaîtra ensuite un certain nombre d’effets de mode mais tous puiseront, jusqu’au XIXe siècle, dans ce même patrimoine. Il y aura, par exemple, aux XVe et XVIe siècles la redécouverte des noms de l’Antiquité gréco-latine sous l’influence des auteurs de la Renaissance. Un peu plus tard les protestants, que le culte des saints et le trafic des indulgences qui les accompagne révoltent profondément, chercheront… et trouveront dans la Bible (Ancien et Nouveau Testaments réunis) des prénoms jusqu’alors inutilisés ou passant pour être réservés aux juifs. Au XVIIe siècle, l’aristocratie et la grande bourgeoisie s’inspireront des noms de la mythologie et, au siècle suivant, les fervents révolutionnaires feront appel
aux héros de l’histoire romaine. Les romantiques, quant à eux, remettront en usage, à partir de 1800, les prénoms germaniques du Moyen Âge…
La migration des prénoms celtes
Il faudra attendre la seconde partie du XIXe siècle pour que les prénoms celtes fassent leur apparition. Attribués depuis la nuit des temps dans la péninsule bretonne, ils n’avaient curieusement jamais émigré en France sauf dans quelques familles aristocratiques. Ils étaient considérés avec un certain dédain, comme s’ils reflétaient les traditions d’un peuple inférieur au » patois » et aux coutumes incompréhensibles. À partir de 1850, cette attitude changea progressivement et le goût pour les prénoms bretons commença à s’affirmer. Il s’est accentué depuis avec une remarquable continuité et la Bretagne continentale a sans doute servi ensuite de tête de pont dans la découverte, vers les années 1950, des prénoms gallois ou irlandais, deux autres langues celtes au riche patrimoine. Leur vogue aujourd’hui continue d’augmenter.
L’invasion de l’anglais
Enfin, à la même époque, nous avons assisté à l’invasion d’une autre langue… l’anglais. Cette langue germanique est devenue aujourd’hui une sorte de latin des temps modernes ; elle sert de moyen de communication international et sa diffusion ne cesse de s’étendre. La culture anglaise et surtout sa variante américaine s’imposent, notamment par l’intermédiaire de la télévision et de la musique. Leurs auteurs, acteurs, chanteurs sont désormais connus dans le monde entier et leurs prénoms sont adoptés dans de très nombreux pays… dont la France. Ils sont d’une diversité bien supérieure à celle des pays de l’Europe continentale. En effet, la loi anglaise, suivie plus tard par celle des États-Unis, a, depuis le XVIe siècle, renoncé à exercer un contrôle sur leur attribution. Elle permet donc de se servir de patronymes, d’utiliser des noms de lieux, des diminutifs, des substantifs courants
L’émergence des prénoms arabes
À ces différentes sources linguistiques s’ajoute aujourd’hui l’arabe. Cette langue sémitique assez proche de l’hébreu apparaît de plus en plus souvent dans les prénoms déclarés à notre état civil. C’est le résultat de l’importante proportion des familles d’origine maghrébine dans la population française. Ces prénoms sont, pour une grande partie, issus de la tradition coranique et ont souvent une connotation religieuse. Toutefois de nombreux prénoms arabes courants sont antérieurs à la religion musulmane et, comme beaucoup de prénoms latins ou germaniques, se rapportent à la grâce féminine ou aux qualités viriles. Certains d’entre eux (c’est le cas de Yasmina, par exemple) commencent du reste à se répandre hors de leur milieu d’origine.
Les prénoms et la loi
La loi, parue au Journal Officiel du 8 janvier 1993, ne met plus de bornes au libre choix des parents. Elle précise cependant que, lorsque l’officier d’état civil juge que les prénoms choisis ou l’un d’eux » sont contraires à l’intérêt de l’enfant « , il doit en aviser sans délai le procureur de la République qui pourra saisir le juge des affaires familiales. C’est ce dernier qui sera chargé de trancher. Si lui aussi estime que le ou les prénoms ne sont pas conformes à l’intérêt de l’enfant, il peut en ordonner la suppression des registres de l’état civil et demander aux parents de faire un autre choix. À défaut, c’est lui qui attribuera à l’enfant un nouveau prénom. Une circulaire administrative évoque des cas pouvant justifier cette procédure : signification ou consonance ridicule, péjorative ou grossière, trop grande complexité orthographique, référence à un personnage contesté de l’actualité, prénom formé sur un patronyme qui pourrait constituer une usurpation de nom…