Confrontés à la mort et la souffrance extrême, nous pouvons avoir une ouverture… mais cette ouverture est perdue quand les conditions changent.
Baser son bonheur sur la recherche de la souffrance et la fuite du plaisir, c’est juste faire le contraire de ce que font les gens ordinaires, c’est passer d’un extrême à l’autre. Bon, d’un point de vue didactique c’est peut-être excellent, car voir les choses de 2 manières extrêmes et opposées, ça peut nous donner l’intuition de la Voie du Juste Milieu. Autrement, on reste prisonnier de l’attachement à un bonheur conditionné, alors que le vrai bonheur ne peut pas dépendre de causes et de conditions.
Quel est le but de l’existence ? Se dissoudre dans ce que l’on peut appeler le grand « Oui ». C’est la Vie Eternelle, le Nirvana des bouddhistes, et pour y arriver il ne faut pas essayer de changer le monde (jusqu’à aujourd’hui personne n’a réussi !) car c’est la voie de ceux qui croient à l’utopie matérielle (généralement ceux qui s’intéressent à la politique) ; il ne faut pas non plus essayer de changer de monde car c’est la voie de ceux qui croient à l’utopie spirituelle (généralement ceux qui s’intéressent à la religion). Tout ce qu’il faut, c’est transformer notre perception afin d’accepter pleinement ce qui est ici et maintenant.
Pour ceux qui accomplissent cet exploit, car il s’agit bien-là de quelque chose de subtil et de difficile à faire, la récompense est une félicité insurpassable. Mais cet exploit s’accomplit au-delà de notre volonté ; simplement un jour cela advient, plus rien ne fait obstacle à la dissolution de notre être dans le grand « Oui », qui est la nature véritable du réel.
Ce grand « Oui » naît dans notre ventre (le centre de notre être) et se déploie dans l’espace jusqu’à remplir tout l’univers. Il s’agit d’une présence merveilleuse, d’une présence aimante qui pénètre tout, imbibe tout… il s’agit de la quintessence de la beauté, de la pureté, et du mystère…
Il s’agit d’un Oui total, inconditionnel et sans limite à ce qui est… Et dans cette ouverture, dans ce Oui, apparaît une joie surhumaine, qui ne va pas de l’extérieur vers l’intérieur, comme les joies ordinaires, les joies mondaines ; mais une joie qui part du cœur, de l’intérieur, et rayonne vers l’extérieur… Etre dans cet état, c’est être véritablement heureux…
Voici les conséquences :
- Quand nous sommes heureux nous n’avons plus peur de la mort. En effet, si nous avons peur de la mort, c’est parce que nous sentons intuitivement que si nous mourons sans avoir le cœur en paix, en étant dans le refus de ce qui est, cet état continuera après. Et donc ce dont nous avons peur, c’est donc d’être éternellement malheureux. Celui qui est vraiment heureux ne peut pas avoir la moindre peur de la mort, car mourir en ayant le cœur ouvert, en étant dans le Oui, n’est aucunement problématique ni affligeant.
- Celui qui est vraiment heureux n’a pas non plus la moindre inquiétude pour autrui. Quand tout l’univers est remplit par la Joie Vivante, jouissance et souffrance, bien et mal, sont perçus comme les 2 pôles d’une illusion, d’une hallucination…
- Celui qui est vraiment heureux n’est plus préoccupé par la recherche des causes du bonheur. Plus besoin de se demander « qu’est-ce que je dois faire ? », « qu’est-ce que je ne dois pas faire ? ». Plus besoin de s’inquiéter pour l’avenir, de se demander de quoi demain sera fait. Plus besoin d’imaginer l’avenir, plus besoin de faire constamment un effort pour contrôler notre vie. Quand nous sommes pleinement heureux, pourquoi essaierions-nous de contrôler notre vie, notre destin… Plus besoin de s’obsessionner sur notre histoire personnelle, plus besoin de penser sans cesse à notre petite vie, à nos petits problèmes et à nos petites solutions… C’est le grand lâcher-prise, la fin de l’attachement à notre histoire personnelle, la fin de toutes les crispations, la fin de toutes les tensions (physiques et mentales). C’est la grande paix, le grand repos, auquel notre cœur et notre esprit aspirent depuis le commencement.
- Celui qui est vraiment heureux n’est plus séparé de quoi que ce soit. C’est ça le grand miracle du Oui !
Celui qui vit dans le monde d’En-Haut, si par exemple il regarde une montagne à l’horizon, il ne la voit pas comme étant « loin » de lui, mais au contraire comme étant infiniment proche, en quelque sorte « collée » à lui, comme si nos yeux et ce que perçoivent nos yeux étaient sur le même plan.
Et si il n’y a plus rien au loin, si tout est infiniment proche, alors les notions de distance et de mouvements tombent. Si il n’y plus de mouvement, il n’y plus de temps (c’est le mouvement de l’aiguille de la montre qui créé la notion de temps).
Mais surtout il n’y plus de souffrance ni de peur. La souffrance et la peur apparaissent quand nous sommes confrontés à une situation qui est selon notre jugement « une mauvaise situation ». Nous essayons alors de mettre de la distance entre cette situation et nous. C’est cette folle tentative pour mettre de la distance entre la situation et nous, qui fait naître la souffrance et la peur en nous. En effet, il est évidement impossible de créer une séparation entre moi et ce qui est.
Quand notre esprit perçoit quelque chose de douloureux, il commence à s’agiter et essaye de se séparer de ce quelque chose de douloureux. Et c’est cette attitude qui permet à la souffrance de nous nuire. Si au contraire, quand notre esprit perçoit quelque chose de douloureux, il reste uni et « collé » à ce quelque chose de douloureux, tout en restant calme et paisible, la souffrance « reste seule avec elle-même » et se dissout. C’est « la folie du Oui » selon l’expression de A. Desjardins.
En résumé, si nous disons Oui à quelque chose, cette chose devient notre amie ; si nous disons Non à quelque chose, cette chose devient notre ennemi.
Et c’est valable pour n’importe quoi… Un coup est douloureux parce que nous croyons qu’il l’est, et que nous le refusons ; une caresse est agréable parce que nous l’acceptons. Mais si nous disions Oui aux coups et Non aux caresses, les coups nous seraient agréables et les caresses pénibles !
Donc, 1000 ou 10 000 fois par jour, nous devons face aux différentes situations qui se présentent et choisir de dire Oui ou Non à ce qui se présente. Si nous disons Oui, le monde apparaît comme Nirvana et nous comme des éveillés ; si nous disons Non, le monde apparaît comme Samsara et nous comme des non-éveillés. Comme l’a dit Sogyal Rinpoché, le Nirvana et le Samsara sont co-émergeants, et à chaque instant nous devons choisir entre les 2.
Donc, l’éveil n’existe pas comme on le croit, et la réalisation suprême… c’est juste la fin d’une sale habitude, la fin de l’habitude de dire non à certaines choses. Par la grâce du maître intérieur, puissé-je être définitivement délivré de cette mauvaise habitude, et puisse tous les êtres aspirer à une telle délivrance !
En fait, comme l’a bien dit Karl Renz, tous nos efforts, toutes nos techniques, nos pratiques, etc, pour réaliser Cela sont vaines. La réalisation de Cela, la totale dissolution dans le réel advient non pas grâce à nos tentatives pour y parvenir, mais malgré nos tentatives pour y parvenir. Selon K. Renz :
« Reconnaître spontanément que l’existence précède rien et tout. Sans aucune préparation, en dépit de – et non à cause de – la recherche de la connaissance. La révélation du présent éternel. L’absence du » moi » et donc l’absence de tout concept de séparation et d’union, de naissance et de mort, de Dieu et du monde, de jaillissement et de disparition, etc.
L’absolu est conscient de lui-même, c’est pourquoi il est ce qui est. Pure connaissance de Soi, en découvrant que tout ce qui peut être connu est une fausse connaissance. La disparition définitive du temps et de tout ce qui paraît s’inscrire dans le temps. Et cela s’applique également à ce que je viens de dire sur la libération, la vérité, etc. »
Ces descriptions ne font qu’indiquer ce qu’il n’est pas nécessaire de connaître ou de réaliser pour être ce qui est. Et c’est ce que tu es : l’Etre absolu, éternellement harmonieux. »
Donc, fondamentalement il n’y a rien à faire ! Quand nous disons Oui à ce qui est, nous progressons vers le but de l’existence (d’une manière joyeuse); quand nous disons Non à ce qui est, nous progressons vers le but de l’existence, mais d’une manière douloureuse ! En fait, c’est quand nous prenons clairement conscience que les effets du Non sont toujours pires que ses causes, que nous abandonnons définitivement l’habitude de dire Non à ce qui est.
Toute nos expériences de vie nous conduisent, que nous en soyons conscients ou non, que nous voulions le provoquer ou l’empêcher, vers le but de l’existence, qui l’acceptation sans condition de ce qui est, la capacité d’aimer les choses telles qu’elles sont et d’être constamment en totale adhésion avec le réel.
La non-pratique ne conduit pas à l’éveil, mais au non-éveil. Il ne s’agit pas d’une voie, mais d’une non-voie puisque dans cette non-voie, que l’on nomme aussi voie immédiate, la cause et l’effet, le moyen et le but, le travail et le salaire, etc, ne sont aucunement séparés.
Voici un exemple pour illustrer cela : un petit enfant joue à un jeu vidéo à l’ordinateur et s’identifie au personnage principal, le « héro ». Ses parents l’ont appelé il y a déjà longtemps pour qu’il vienne manger. Malgré le fait qu’il ait faim, qu’il soit fatigué, nerveux et tendu par le jeu, il continue à jouer… Pour quitter le jeu, il n’a pas quelque chose de spécial à faire, il doit juste reprendre conscience et se désidentifier du personnage auquel il s’identifie.
Le but de la voie progressive c’est de terminer le jeu, vaincre tous les monstres et les démons, franchir tous les niveaux et conclure glorieusement en sauvant la princesse ! Le petit enfant dit à ses parents qui l’appellent : « Je quitterai le jeu lorsque ma partie sera finie », sous-entendu lorsque j’aurais gagné. Mais même si il arrive à franchir tous les niveaux et à obtenir la victoire finale, qu’est-ce qui nous dit que le petit enfant ne va pas recommencer une nouvelle partie ?
Le but de la voie immédiate, c de quitter le jeu ici et maintenant. Pour ce faire, il n’y rien de spécial à accomplir. Il s’agit juste de reprendre conscience de ce qui se passe ici et maintenant, ce qui détruit notre identification au personnage que nous jouons habituellement. Il faut bien comprendre que lorsque le petit enfant abandonne le jeu et retourne vers ses parents, il revient dans son état normal, habituel. Etre un avec ce qui est, vivre dans la lumière sans subir la peur et la souffrance, c’est notre état normal, notre état habituel. Par contre, ce que nous vivons en ce moment, cette identification à un personnage qui n’a rien à voir avec ce que nous sommes réellement, notre pauvre esprit enfiévré qui est constamment en proie au délire et à l’hallucination et se débat dans un monde qui n’est pas du tout perçu pour ce qu’il est, voilà bien un état extraordinaire et anormal !
Jésus Christ a réussi l’exploit de s’incarner dans notre rêve délirant, comme un père à la fois bon et tout-puissant qui aurait compris que son fils est en quelque sorte « piégé » par le jeu, et qui aurait réussi à s’incarner dans le jeu pour aider son fils. Hélas, les gens ne perçoivent pas du tout Jésus pour ce qu’il est, ils le perçoivent seulement comme un personnage faisant partie du jeu, un personnage un peu spécial peut-être… Comme ils ne perçoivent pas Jésus pour ce qu’il est, ils ne peuvent pas interpréter ni comprendre correctement son enseignement. Jésus déclare : « Voilà, je suis venu dans le monde pour apporter mon enseignement aux hommes. Mais ceux-ci ne me comprennent pas, car leur esprit est enivré avec du vin mauvais ; plus tard, lorsqu’ils auront vomi ce vin, ils me comprendront. »
Notre esprit est tout-puissant. C’est lui qui a créé tout ce qui nous semble bon et tout ce qui nous semble mauvais dans l’univers : c’est bien pour cela qu’il est tout-puissant ! Mais ayant créé le bien et le mal, il est lui-même au-delà du bien et du mal.
Il est ce qui est. C’est lui qui joue tous les rôles, rien ni personne n’existe hors de lui, séparément de lui. Il joue le rôle de celui qui enseigne et de celui qui apprend, il joue le rôle du sage et le rôle de l’idiot, il joue le rôle du père et le rôle de l’enfant. C’est lui qui a écrit ce texte, et c’est lui qui est train de le lire…
Extrait Tiré du site d’origine de Xavier Plantefol, créateur de Terra Incognita – Rejoignez la totalité de ses écrits sur : http://www.terre-inconnue.ch/