Le Génie Indien
Posté par othoharmonie le 3 décembre 2012
Sri Aurobindo
Textes tirés du livre La Renaissance en Inde de Sri Aurobindo écrit en 1918
Mis en ligne avec l’aimable autorisation des Éditions Auroville Press International
Nous n’appartenons pas au passé, mais aux soleils éblouissants de l’avenir.
Il est certain que l’Inde conservera son esprit essentiel, elle conservera l’âme qui la caractérise, mais il y aura probablement un grand changement dans le corps extérieur.
L’âme qui la caractérise ?
La spiritualité est la clé fondamentale de l’esprit indien ; le sens de l’infini lui est naturel. L’Inde dès le commencement a perçu, — et n’a jamais oublié, même durant ses époques de raison et d’ignorance croissante — que l’on ne pouvait correctement saisir la vie ni parfaitement la vivre à la seule lumière et par le seul pouvoir de ses manifestations extérieures. L’Inde était sensible à la grandeur des lois et des forces matérielles ; elle avait une conscience aiguë de l’importance des sciences physiques ; elle savait comment organiser les arts de la vie ordinaire. Mais elle voyait que le physique ne prend son sens plein que s’il se tient en juste relation avec le supraphysique ; elle voyait que la complexité de l’univers ne peut s’expliquer dans les termes actuels de l’homme ni être appréhendée par sa vision superficielle, qu’il est d’autres pouvoirs derrière, qu’il existe à l’intérieur de l’homme lui-même d’autres pouvoirs dont il n’est pas conscient dans son état normal, qu’il n’est conscient que d’une petite partie de lui-même, que toujours l’invisible entoure le visible, le suprasensible le sensible, de même que l’infini entoure toujours le fini. Elle voyait aussi que l’homme a le pouvoir de se dépasser, de devenir lui-même plus totalement et plus profondément que ce qu’il est…
Par delà l’homme, elle vit les dieux innombrables. Par delà les dieux, elle vit Dieu. Et par delà Dieu, sa propre éternité ineffable; elle vit qu’il y avait des étendues de vie au-delà de notre vie, des étendues mentales au-delà de notre mental actuel, et au-dessus de tout cela, elle vit les splendeurs de l’esprit.
Alors, avec cette calme audace d’une intuition qui ne connaissait ni peur ni petitesse, et ne reculait devant aucun acte de courage, fût-il spirituel, intellectuel, moral ou vital, elle déclara qu’il n’était aucune de ces choses que l’homme ne pût atteindre s’il entraînait sa volonté et sa connaissance ; il pouvait conquérir ces étendues de mental, devenir l’esprit, devenir un dieu, devenir un avec Dieu, devenir le Brahman ineffable. Et, avec la logique pratique, et le sens de la science et de la méthode organisée qui distinguaient sa mentalité, elle entreprit immédiatement de trouver le chemin.
La spiritualité est certes la clé fondamentale de l’esprit indien, mais ce n’est pas, ce ne pouvait être, tout ce à quoi se résumait sa mentalité. Ce qui frappe le plus quand on regarde le passé de l’Inde, c’est cette vitalité stupéfiante, cette puissance de vie et cette joie de vivre inépuisables, cette créativité d’une richesse à peine croyable. Pendant trois mille ans au moins —, et en réalité pendant bien plus longtemps — sans relâche, abondamment, avec une infinie diversité de talents, à profusion, elle a créé républiques et royaumes et empires, philosophies et cosmogonies et sciences, croyances et arts et poèmes, monuments de toutes sortes, palais et temples et édifices publics, communautés et sociétés et ordres religieux, lois et codes et rituels, sciences physiques, sciences psychiques, systèmes de yoga, systèmes politiques et administratifs, arts spirituels, arts temporels, commerces, industries, artisanats, — il n’y a pas de fin à cette liste et dans chaque domaine il y a une quasi pléthore d’activités. Elle crée et crée encore et ne se satisfait point et ne se lasse point ; elle n’entend pas s’arrêter, c’est à peine si elle semble avoir besoin d’un moment d’inertie et de repos pour reprendre son souffle…
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