Le sens sacré des dents
Posté par othoharmonie le 24 décembre 2012
Carrefour entre différents mondes, point de rencontre entre haut et bas, intérieur et extérieur, visible et invisible, la bouche et les dents sont le support de multiples fonctions
Si la mastication est la plus évidente, c’est loin d’être la seule. Nos dents servent également à parler, fonction spécifiquement humaine. Elles participent à la séduction, à l’esthétique du visage, et sont le support de l’image sociale.
Autre fonction, malheureusement ignorée, les dents sont un système de perception ultra sophistiqué, un référentiel spatial qui participe à la verticalité de la posture. Richement innervées, connectées directement au cerveau par un nerf crânien (trijumeau), les dents sont des sources d’informations (température, pression), aussi essentielles que les yeux, dans un autre registre de sensations. Même si c’est la plus mal connue, ce n’est pas la moindre de leur fonction car elle concourt à la station debout qui signe notre humanité. Là où l’animal s’empare de son environnement d’une manière concrète, en l’incorporant au sens littéral par la prise de nourriture, l’homme l’appréhende de manière plus subtile en prenant des informations grâce aux capteurs ultrasensibles que sont les dents. Ainsi on constate que les personnes édentées vieillissent moins bien que les autres. La perte des dents affecte leurs repères spatiaux. Leur mémoire et leur capacité de s’orienter dans l’espace s’en trouvent altérées.
Voir dans la dent un simple outil de mastication est très réducteur. Pourtant c’est cette fonction animale qui a conditionné de manière profonde notre perception de la dent. En effet, le mot dent vient de la racine ed qui signifie mâcher. La dent est d’abord vue comme une meule broyeuse, un instrument qui malaxe. Du moins est-ce la fonction que nous avons choisi de privilégier dans une vision matérialiste, extérieure ou animale. Les Hébreux voient bien autre chose dans ces fragments minéraux qui garnissent nos mâchoires. La lettre Shin a pour hiéroglyphe d’origine une dent, plus exactement une molaire dont elle reproduit les trois racines dirigées vers le haut, symbolisant ainsi la racine dans la tête, c’est à dire l’esprit. Shin, qui a donné shen la dent, représente l’esprit, le feu divin qui pénètre toute la création. Comme les hébreux, les peuples anciens ont su percevoir la nature hautement spirituelle de nos dents. Dans l’Amérique précolombienne, les Mayas les limaient pour leur donner une forme particulière et y incrustaient des pierres (jade, pyrite, obsidienne). Ces ornements constituaient un code en rapport avec le rôle social ou spirituel dont le personnage qui les portait était investi. On peut voir, aujourd’hui encore, au musée de Mexico les dents incrustées de disques de jade de l’empereur Maya. Les dents sont associées au pouvoir, à la force intérieure ou spirituelle. C’est ainsi qu’on a retrouvé des bracelets faits de défense de sanglier dans des tombes préhistoriques. En Orient, on pensait que les sages ou les personnes supérieurement évoluées avaient plus de dents que le commun des mortels. Le Bouddha est traditionnellement représenté avec quarante dents. Au début de notre ère, une confrérie de philosophes avait pour coutume d’examiner la bouche de tout candidat potentiel à leur cercle avant de l’admettre. Ils affirmaient en effet pouvoir lire dans la conformation de la bouche et des dents le reflet de l’âme plus sûrement que dans n’importe quelle autre partie du corps. Les romains considéraient la bouche comme le vestibule de l’âme. Le rituel de la pièce d’or ou d’argent glissée dans la bouche du défunt sitôt après sa mort afin qu’il puisse s’acquitter de son obole auprès de Charon, le passeur des enfers, et ainsi gagner le séjour des âmes, atteste de la haute valeur symbolique qu’ils attribuaient à cette zone. A travers le mythe de Charon, on devine que la bouche est un lieu de passage: entre jour et nuit, mort et vie, soi et Soi. C’est une porte ouverte sur les profondeurs de l’inconscient ou de l’âme. C’est un lieu d’initiation.
A mi-chemin entre extérieur et intérieur, la bouche est un sas interposé entre deux mondes. Les mots en sortent et la conscience s’y intériorise comme dans un temple. La bouche est un lieu de transition, de transformation: de la nourriture à un premier niveau, de soi à un niveau plus subtil. Transposé à l’âme, le processus de digestion qui commence dans la bouche s’apparente à une décantation, à la purification et au raffinement des éléments qui composent la personnalité, à la transformation de la matière vile en matière noble, telle que la rêvaient les anciens alchimistes. Une dent qui s’abîme est le signe qu’on est resté bloqué dans le passage, faute de pouvoir mener à son terme le processus de transmutation. Le langage des dents est celui de l’âme, de l’inconscient. Chaque problème dentaire est porteur de sens ou peut le devenir pour peu qu’on accepte l’initiation proposée. La bouche est un temple, une cathédrale dont chaque dent est un pilier qui possède une fonction et un sens bien précis. Aucune dent, fut-elle de sagesse, n’est superflue, chacune de nos trente-deux sculptures vivantes a sa place dans notre bouche. Si les anciens l’avaient compris, nous, les modernes, avons malheureusement oublié cette vérité. Tandis que la science progressait, le sens sacré de nos dents s’est perdu. Pour beaucoup, la dent n’est plus que ce corps inerte, sorte de cailloux planté dans nos mâchoires, dont la fonction se limite à mâcher et qu’on livre par nécessité aux soins du dentiste. La perte du sens nous a conduit à maltraiter nos dents. On n’hésite pas, par exemple, au nom de la « prévention » à extraire systématiquement les dents de sagesse au prétexte qu’elles seraient vouées à disparaître (ce qui est faux). Ces extractions mutilantes infligent souvent des dégâts irréparables à la cathédrale dentaire et à l’être. En effet, c’est par ces dents qu’on entre en contact avec le divin. Au dix-septième siècle on les surnommait les « dents du sens ». La dent de sagesse représente notre noyau d’énergie le plus profond, notre potentiel créateur, notre germe d’immortalité. L’arracher de manière prématurée (comme cela se pratique actuellement dès l’âge de douze ans), c’est tronquer le potentiel de l’individu, le couper de la part la plus sacrée de lui-même, lui fermer la porte de l’âme en quelque sorte.
Abordé sous l’angle symbolique, la question des « plombages », tant controversés, trouve une réponse évidente. Songeriez-vous à restaurer une cathédrale avec de la tôle ondulée ou un temple égyptien avec du béton armé? De nombreuses personnes les font aujourd’hui retirer. Cependant, remplacer un matériau toxique par un autre biocompatible n’est pas suffisant si on reste dans la logique mécanique du trou qu’il faut boucher. Il est impératif de comprendre le sens de la dent plombée et pourquoi la carie l’a détruite. Cette prise de conscience est de la responsabilité du patient qui doit se préparer à la dépose et s’y investir activement et non attendre du dentiste « holistique » qu’il prenne en charge l’intégralité du problème. Mené dans cet esprit, la dépose des « plombages » s’apparente à un véritable travail spirituel de transmutation du plomb en or. Quelque soit le problème, la participation du patient, sa manière de vivre l’acte s’avèrent déterminantes dans le processus de guérison. L’état d’esprit avec lequel est abordé le soin compte au moins autant que le soin dentaire lui-même. Il est vain, voire dangereux, d’attendre du dentiste, même « holistique », qu’il prenne en charge l’intégralité du problème. Restaurer sa cathédrale dentaire, c’est se restaurer soi-même. Fait avec la conscience, le soin et l’amour qu’il mérite, ce travail donne l’opportunité d’être un peu plus enraciné et présent à soi-même. Un peu plus vivant en somme. La cathédrale dentaire redevient alors ce qu’elle n’a jamais cessé d’être: le temple de l’âme.
Estelle Vereeck
http://www.holodent.com/
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