La mutation de la conscience
Posté par othoharmonie le 18 août 2013
Krishnamurti : Déconditionner la totalité de la conscience.[1]
Carlos Suarès. (…) Pouvez-vous, en une phrase, me donner l’essentiel de ce que vous vous proposez de faire ?
Carlos Suarès : Vous voulez dire que vous demandez à chacun de déconditionner l’absolue totalité de sa propre conscience ? Permettez-moi de vous dire que ce qui déconcerte le plus, dans votre enseignement, c’est votre insistante affirmation que ce déconditionnement total de la conscience n’a besoin d’aucun temps.
Krishnamurti : Si c’était un processus évolutif, je ne l’appellerais pas mutation. Une mutation est un changement d’état brusque.[2]
La mutation psychologique n’est pas ce que vous croyez
Carlos Suarès : Je n’imagine pas un « mutant », c’est-à-dire un homme changeant d’état de conscience, qui n’emporterait pas avec lui la résultante de tout le passé. L’homme modifie le milieu et le milieu le modifie…
Krishnamurti : Non : l’homme modifie le milieu et le milieu modifie telle partie de l’homme qui est branchée sur la modification du milieu, non l’homme tout entier, dans son extrême profondeur. Aucune pression extérieure ne peut faire cela : elle ne modifie que des parties superficielles de la conscience. Aucune analyse psychologique ne peut non plus provoquer la mutation car toute analyse se situe dans le champ de la durée. Et aucune expérience ne peut la provoquer, quelque exaltée et« spirituelle » qu’elle soit. Au contraire, plus elle apparaît comme une révélation, plus elle conditionne. Dans les deux premiers cas – modification psychologique produite par l’analyse ou introspection, et modification produite par une pression extérieure – l’individu ne subit aucune transformation profonde : il n’est que modifié, façonné, réajusté, de manière à être adapté au social.
Dans le troisième cas, modification amenée par une expérience dite spirituelle, soit conforme à une foi organisée, soit toute personnelle, l’individu est projeté dans l’évasion que lui dicte l’autorité de quelque symbole.
Dans tous les cas il y a action d’une force contraignante prenant appui sur une morale sociale, c’est-à-dire un état de contradiction et de conflits. Toute société est contradictoire en soi. Toute société exige des efforts de la part de ceux qui la constituent. Or contradiction, conflit, effort, compétition sont des barrières qui empêchent toute mutation, car mutation veut dire liberté.
Extrait de Entretien : Carlo Suarès – J.Krishnamurti – Revue Planète N°14 (1964)
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