Créer des liens pour exister
Posté par othoharmonie le 16 octobre 2013
L’erreur est douloureuse quand nous faisons de notre histoire familiale notre seule histoire personnelle, sans comprendre les traumatismes qu’elle nous a légués, les enseignements sains qu’elle nous a transmis, et les compétences qu’elle a omis de nous transmettre.
Conséquence: la quiétude interne, qui mériterait d’être construite et étanchéifiée, est ébranlée et le système émotionnel fortement perturbé.
Les heures de travail sont des heures de notre vie. Nous venons de comprendre que nous vivons professionnellement à partir de notre personnalité. Cette personnalité possède des compétences à entretenir et des incompétences à identifier pour les combler.
La souffrance au travail est un symptôme, une plainte. Décrire ce que l’on vit, en identifier les conséquences, trouver des mots pour mieux préciser et classifier tout ce que l’on observe est fondamental pour s’alerter soi-même et alerter les autres, mais peut laisser aussi se développer une passivité observationnelle toxique. Il est certes utile d’avoir des mots pour se plaindre, mais construisons-nous une démarche résolutive en se limitant à cet exercice? Non.
Exemple de définition observationnelle médicale de la souffrance au travail: «La souffrance au travail peut aller du simple malaise (remise en question de son orientation professionnelle) à la mise en danger de sa santé morale (harcèlement). Face à cela, le médecin du travail joue le rôle de médiateur entre l’entreprise et le salarié. Il peut, à la demande du salarié, et si la situation le justifie, établir un arrêt de travail.»
C’est comme dire: «J’ai le pneu avant droit qui s’use sur ma voiture. Il faut que je le change», et oublier d’en décrire la cause: «C’est un défaut de parallélisme». A mes yeux donc, il est préférable de décrire les causes, d’énoncer les faits par des éléments décrivant l’origine des troubles.
Un autre exemple: «Un chef me harcèle, il me dévalorise, je n’en dors plus, je me sens mal à mon poste» devient: «A six reprises sur ces derniers quinze jours, le chef du second service comptable m’a dit «Un escargot déshydraté avancerait plus vite que vous, je n’ai pas choisi de vous avoir comme secrétaire, vous êtes mollasse, quand allez-vous bouger? Faut-il que je vous dé-mollasse?» car il exige que je lui fournisse les tableaux d’amortissement que ma collègue, actuellement en congé maternité, n’avait pas eu le temps d’élaborer. Or, je suis toujours confrontée à la charge de travail de mon service, et je consacre l’intégralité de mon temps restant à la découverte des dossiers de ma collègue. Ces tableaux lui sont nécessaires pour la clôture de l’exercice comptable dans deux mois. J’estime pouvoir les produire dans un délai de deux à trois semaines.
Ce chef, ne connaissant pas mon sérieux et ma capacité de travail, est probablement inquiet, il pense qu’en les exigeant il les obtiendra plus vite.
Il se sentira alors en sécurité.»Mais aujourd’hui la communication qu’il mène avec moi comporte de sa part des exigences irréalistes et improductives. A notre prochain entretien, je pourrai lui témoigner deux choses: d’une part ma compréhension de sa nécessité et de sa crainte, et d’autre part mon besoin de sérénité et de confiance pour être performante.
Accueillir et nommer avec bienveillance sa vulnérabilité me permettront de créer du lien entre nous ce qui favorisera de sa part l’écoute de mes besoins. Nous pourrons alors développer une stratégie commune.»
Commentaire: Évidemment, c’est très idyllique comme propos, mais pas irréaliste ni irréalisable. Professionnellement, on serait en droit d’attendre cela du manager plus que de l’employée. Idéalement, des deux. Certains chefs d’entreprise ont réalisé ce challenge. Ils ont ouvert leur conscience et ont compris que l’homme n’est pas une ressource mais une finalité. Des formations de Communication Non-Violente ont été suivies par le personnel et la hiérarchie, aboutissant à un épanouissement de tous.
Identifier l’agression…La souffrance au travail est une réalité, mais toute souffrance provient d’une agression. Je raisonnerai dès lors à partir de cette nouvelle vision: l’agression au travail. Selon ma classification personnelle, l’agression au travail provient de trois domaines qui peuvent se cumuler et interagir entre eux par la voie de leurs conséquences: domaine physique, domaine physiologique, domaine psychologique.
J’entends par causes physiques d’agression: les charges matérielles manipulées (le poids), la sédentarité, l’ergonomie défaillante, la cadence de travail excessive, les objets contondants, l’exposition au froid, à la chaleur, à l’humidité, à la sécheresse, au vent, aux radiations, aux rayonnements lumineux, au bruit, aux allergènes, aux bactéries, aux virus, aux parasites, aux champignons, aux toxiques. Tous ces éléments agissent sur notre corps, directement, d’autant plus qu’il est inadapté à ces fonctions professionnelles (constitution insuffisante ou corps mal entretenu). J’entends par causes physiologiques d’agression: les amplitudes horaires (longues), les décalages horaires (travail constant de nuit), les variations d’horaires (les trois huit), les rythmes alimentaires bouleversés (sources d’hypoglycémies avec leur cortège secondaire de troubles d’humeur ou de concentration et de troubles physiques), les erreurs alimentaires (excès et insuffisances), les carences en micronutriments, le manque de sommeil, l’excès de repos, le manque de luminosité, le tabac, l’alcool, les autres drogues ou dépendances.
J’entends par causes psychologiques d’agression: le manque de sens ou d’utilité du travail, les harcèlements moraux ou sexuels, le manque de valorisation, le manque de reconnaissance verbale ou pécuniaire, le manque de communication de qualité, le manque de capacité à gérer sa motivation ou ses émotions ou son estime personnelle, le manque de capacité à communiquer de manière constructive.
Pour en traiter les conséquences. Ces diverses causes s’entremêlent. Un manque de sommeil peut créer une compensation alimentaire sucrée qui provoque dans les deux heures une hypoglycémie réactionnelle qui ensuite diminue la tolérance au stress et laisse émerger une agressivité, orientant vers de mauvais choix alimentaires et perturbant le sommeil. La boucle est bouclée. Et la qualité de ce que j’offre au travail est faussée. Donc, on peut soi-même se mettre en mauvaise condition physique, physiologique ou psychologique pour travailler.
Nos collègues ou supérieurs peuvent faire les mêmes erreurs. L’effet miroir fonctionne alors en amplificateur. Quel que soit le point de départ, moi ou le/les autres, les réactions maladroites se succèdent. Un cumul d’incompétences crée rarement la vertu, plus facilement la médiocrité. Petit mode d’emploi de la vie. Pour Christophe Dejours «Les stratégies collectives de défense contribuent de façon décisive à la cohésion du collectif de travail, car travailler n’est pas seulement avoir une activité c’est aussi vivre: vivre le rapport à la contrainte, vivre ensemble, affronter la résistance au réel, construire ensemble le sens du travail, de la situation et de la souffrance».
L’origine de tout cela est encore antérieure: c’est le manque d’éducation à vivre. Le système d’éducation nationale est défaillant actuellement. Les familles le sont parfois aussi. Les médias le sont pleinement. A mes yeux, l’éducation d’un être humain (d’un enfant par des adultes, d’un adulte par d’autres adultes ou par lui-même) se définit ainsi : Eduquer un être humain, c’est l’aider à:
– devenir autonome dans la gestion de son estime personnelle,
– percevoir sa zone de quiétude émotionnelle intérieure inébranlable (la sérénité spirituelle),
– comprendre comment communiquer avec les autres de manière constructive et bienveillante (à partir de cette zone de quiétude),
– connaître ses besoins nutritionnels et corporels et en même temps, l’aider à:
– acquérir les capacités d’exploiter son environnement à son profit sans que cela ne se fasse au détriment d’autrui ou de la Nature.
L’éducation nationale enseigne et n’éduque pas. Elle enseigne des matières souvent stériles et provenant d’une perception archaïque de l’existence humaine à travers notre historique, sans laisser de place à un futur. Le passé est le chemin de l’expérience. Nos erreurs nous indiquent d’agir autrement. Cet autrement, à nous de l’imaginer. C’est pour cela que notre origine est notre futur.
Ainsi, voici une liste de compétences contenues dans ce que je considère être «le petit mode d’emploi de la vie»:
Compétences physiques: assouplissements, activité cardio-pulmonaire d’endurance, activité pour développer la tonicité des muscles posturaux et des muscles moteurs, hygiène corporelle, ergonomie fonctionnelle. Compétences physiologiques: suppression des irritants (agents infectieux, allergisants, rayonnements (son, lumière, radiation), équilibre alimentaire (le bon aliment, en bonne quantité, au bon moment et de bonne humeur), entretien du système immunitaire, régularité des horaires de vie, bonne gestion du repos et du sommeil, utilisation de la lumino-thérapie, comblement des carences micro nutritionnelles (Fer, Vitamine D, Iode, Magnésium, Acides Gras Essentiels, Acides Aminés Essentiels, …).
Compétences psychologiques: connaissance et pratique de la gestion de la motivation, des émotions et de l’estime personnelle, compréhension de l’origine des blocages dans l’enfance et connaissance des étapes pour s’en libérer, connaissance et pratique de la communication autour des sentiments et des besoins (avec les autres, en couple et avec soi -même), connaissance et pratique des cinq langages de l’amour, perception de la sérénité par la libération du conditionnement négatif des acteurs médiatiques.
Il est évidemment nécessaire d’associer à ces compétences personnelles des compétences techniques professionnelles spécifiques. Ainsi, on pourra exercer son métier en pleine conscience, en tant qu’individu fonctionnel en rapport avec des individus eux aussi fonctionnels, en communion autour d’une activité productive, créatrice pour le genre humain.
Je suis ce que je pense
En résumé, le travail étant en fait inclus dans notre vie, nous y projetons nos maladresses qui deviennent des agressions envers nous-mêmes ou envers les autres, et nous recevons des agressions par les maladresses des autres. Nous souffrons de nos incompétences à vivre sur le plan personnel (physiquement, physiologiquement, psychiquement) et nous y subissons les incompétences des autres à vivre leur personnalité, et aussi l’effet miroir de nos incompétences que nous exerçons sur eux.
On ne vit pas ce que l’on fait, on vit la manière dont on le fait. On le fait en fonction de ce que l’on est. Je suis ce que je pense! Penser, dans sa forme de raisonnement philosophique et spirituel, me fait «être». «Etre» a des besoins. Il est fondamental de déterminer ce que l’on veut «avoir» (en restant vigilant au contentement de ce que l’on a déjà et en quoi le nouveau participera à notre bonheur).
Puis de «faire» pour l’obtenir. Donc, en partant de la qualité d’ «être», on peut définir quoi «avoir» et quoi «faire» pour l’obtenir, dans le contentement et la qualité de vie.
Le malheur provient du ressenti de la frustration de possession. On regarde le vide de ce que l’on n’a pas et on fait pour «avoir» en oubliant l’utilité à l’«être». Alors c’est «avoir» qui détermine ce que nous sommes et qui nous fait paraître (=«pas être»). Nos pensées (philosophiques ou spirituelles), devenues inutiles par l’éloignement de nos préoccupations et par l’oubli, nous déshabitent. Ainsi, nous appauvrissons l’esprit et nous souffrons. La souffrance de vie se retrouve alors au travail. Pour aider quelqu’un en souffrance, nul besoin d’écouter l’intégralité de son discours. Son besoin d’expression est chronophage et une vidange totale est improductive. Il peut en ressentir un soulagement réel et cela s’impose souvent en première étape d’écoute. Mais il reste dans son manque d’habileté à se comprendre et à se soulager. En décryptant le récit, on repère les outils dont la personne a besoin pour avancer. Et à la première opportunité, après avoir validé son autorisation, on lui enseigne. J’appelle cela: partir du factuel pour monter au niveau éducatif conceptuel, puis redescendre analyser le factuel grâce au nouvel outil.
Le factuel est mal vécu par manque de connaissance conceptuelle. De suite, le soulagement se produit. Pour finir, j’observe que le pire dans la souffrance, c’est de l’évaluer en terme d’injustice. En psychologie, l’injustice se définit comme un mécanisme mental d’interprétation empêchant le processus de résolution personnel. La justesse des habiletés remplace favorablement l’évaluation prenant forme d’injustice.
Apportons-nous plus de douceur, ne serait-ce que pour montrer l’exemple. Identifions nos manques et mettons en œuvre les compétences personnelles et relationnelles en pleine conscience de nos responsabilités. C’est un chemin de bonheur.
Laurent Delachery – Médecin – La REVUE de l’U.L.V. www.universite-libre-des-valeurs.com
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