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La petite fille aux cheveux bleus

Posté par othoharmonie le 28 octobre 2013


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II était une fois un homme et une femme qui n’avaient pas d’enfant.
Cela les désolait beaucoup car ils désiraient très fort en avoir un, au moins un.

Le monsieur disait souvent : je donnerai n’importe quoi pour avoir un enfant : le ciel, la mer, et toutes les richesses de la terre et tous les animaux du vaste monde. Et cela me serait égal que ce soit un garçon ou une fille, qu’il soit brun, qu’elle soit blonde, qu’il soit rouquin, et cela me serait égal qu’il soit gros, qu’elle soit petite.
Sa femme ne disait rien mais elle pensait les mêmes choses, elle aurait tant voulu avoir un enfant depuis le temps. Ce n’était pas qu’elle se sentit vieille, non, mais enfin tout de même, le temps passait et rien ne se passait.

Un soir que le monsieur répétait en encore :
« et cela me serait égal qu’il ait les yeux noirs ou verts, que son nez soit pointu ou en pied de marmite. »
Sa femme ajouta : « ou qu’elle ait les cheveux bleus.
Le bleu c’est tellement beau. »

Neuf mois après, presque jour pour jour quand naquit la petite fille, la première chose que tous ceux qui assistaient à la naissance virent, ce fut ses cheveux bleus et tous étaient émerveillés,
jamais ils n’avaient vu de pareils cheveux et jamais bien sûr de si beaux cheveux.
Naturellement, ils n’osaient pas dire : « c’est tout à fait les cheveux de sa maman ou les cheveux de son papa » parce que la maman avait des cheveux comme vous et moi et parce que ceux du papa ressemblaient à ceux de la maman.

Mais l’un disait : « on croirait voir le ciel quand perce le soleil du matin. »
Mais un autre disait : « elle ressemble à la mer quand il fait pleine lune. » Chacun en la voyant pensait à tout le bleu qu’il y a dans le vaste monde ; aux pierres précieuses, aux torrents qui courent dans les montagnes, aux petites fleurs qu’il y a dans les prairies, aux gros insectes qui volent en bourdonnant, au lac paresseux et aux reflets du ciel sur la neige en hiver.

Au début, il semblait bien qu’il ne lui arriverait rien, tellement son papa et sa maman la surveillaient pour qu’il ne lui arrive rien. Elle s’éveillait le matin, le soir on la mettait au lit et toute la journée, elle restait à la maison.
Parfois, s’il faisait beau, elle sortait dans le jardin pour jouer et courir comme le font les petits enfants.
Mais il ne fallait pas qu’elle enjambe la clôture, ni même qu’elle regarde trop au-delà des limites du jardin ; ses parents avaient si peur qu’il ne lui arrive quelque chose.

Pourtant, un jour, elle avait déjà sept ans, en coiffant ses cheveux, qui étaient devenus très longs et qui étaient toujours bleus, elle trouva dans sa brosse un petit cheveu blond. Elle
courut le dire à sa mère qui répondit tranquillement :
« Ce n’est rien ma fille, c’est un reflet de soleil sur la mer. »
Mais la petite fille n’avait jamais vu le soleil sur la mer.

Le lendemain, la petite fille découvrit dans sa brosse un petit cheveu blanc, elle courut le montrer à son père qui lui répondit tranquillement :
« Ce n’est rien ma fille, c’est une étoile dans le ciel. »
Mais la petite fille n’avait jamais regardé les étoiles dans le ciel.

Et bientôt, chaque jour une couleur nouvelle apparut dans sa chevelure.
Sa mère ou son père lui disait que ce n’était rien, que c’était la queue d’un renard sur une prairie au soleil couchant ou une écaille de poisson faisant la pirouette dans la mer ou bien un chaume de blé vert mêlé à des bleuets en fleurs, à la fin, la petite fille eut envie de connaître, elle aussi, toutes les choses dont lui parlaient son père et sa mère et qu’elle n’avait jamais vues et elle dit à ses parents : « j’ai envie de sortir de la maison, je rendrai ses reflets au soleil, au ciel ses étoiles, sa queue au renard, tout le monde sera content. »
Son père et sa mère pleurèrent beaucoup mais elle leur promit de revenir une fois qu’elle aurait rendu à chacun ce qui leur appartenait.

La petite fille donc s’en fut à travers le vaste monde n’emportant dans son sac que sa brosse en poils de sanglier.
Elle demanda le chemin de la mer, on lui indiqua une direction vague : « là… par là. » et elle se mit en route et la route montait, montait si bien qu’elle se retrouva tout près du ciel.
« Ce n’est pas par là » : se dit-elle, mais au moins maintenant je connais le ciel et la montagne.
Elle était si fatiguée qu’elle s’allongea n’importe où et qu’elle s’endormit en plein soleil.

Un vieux berger qui passait avec son troupeau la réveilla brusquement, « je cherche la mer » : lui dit-elle, « j’ai dû me tromper de chemin. »
Le vieux berger lui dit : « pour aller vers la mer il suffit de descendre, tu ne peux pas t’égarer. » et il la regarda qui s’éloignait pensant que cette petite fille avait de beaux cheveux.

Après plusieurs heures de marche, elle s’arrêta au bord d’une rivière. Il faisait nuit depuis longtemps.
« Maintenant, je connais les rivières et la nuit, mais comment ferai-je pour savoir où est la mer ? »
« La mer, c’est facile à trouver, il te suffit de penser très fort à la couleur de ses vagues pour qu’elle vienne jusqu’à tes pieds. »
Elle ne sut jamais qui lui avait parlé cette fois-là, elle pensa que c’était le vent ou le murmure des eaux, mais elle fit comme la voix lui avait conseillé de faire et tout devint facile tout à coup.

Elle connut ainsi l’eau scintillante de la mer et celle immobile des glaciers
Elle marcha à la rencontre de la nuit éclairée par la lune, elle parla au renard et aux poissons, aux oiseaux et aux papillons et les herbes et les branches se courbaient sur son passage comme pour peigner sa longue chevelure.
À chacun, elle rendit ce qui lui appartenait. À la mer elle dit : « Mer, je te rends les reflets sur tes vagues et les éclairs lumineux des poissons qui font le dos rond sur ton ventre mais donne-moi le cri de tes mouettes et le vacarme de tes tempêtes. »

La mer lui dit merci et lui donna tout ce qu’elle voulut.
À la nuit elle dit : « Nuit, je te rends tes étoiles, garde-les longtemps à la même place pour que je vienne leur dire bonjour de temps en temps, mais donne-moi les étoiles filantes et les nuages longs qui coupent parfois le visage de la lune. »
La nuit la remercia et lui donna tout ce qu’elle voulut.

Au renard et aux autres animaux qu’elle rencontra elle dit :
« - Renard, je te rends l’éclat fauve de ta fourrure mais donne-moi en échange 1’éclair trouble de ton regard.
– Oiseau, reprends les couleurs éclatantes de ton plumage, elles sont à toi et donne-moi la fine pointe de ton bec et la justesse de ton chant.
– Insecte, voilà ta carapace coriace, est-ce que je peux te prendre un peu du pollen de tes pattes ? »
Le renard, 1′oiseau et tous les autres reprirent chacun ce qui leur appartenait et lui donnèrent en échange tout ce qui lui plaisait.

Chaque fois, la petite fille ouvrait son sac pour y mettre avec précaution les cadeaux qu’elle venait de recevoir, elle en reçut beaucoup.
Bientôt son sac fut plein et elle, elle se sentait libre et légère, alors elle décida de rentrer chez elle, maintenant elle savait retrouver son chemin entre la mer et le ciel, la terre et les étoiles, au milieu des animaux et des insectes qui lui semblaient auparavant des géants lointains et menaçants. Elle marcha longtemps sans avoir l’impression de se fatiguer, elle prenait seulement son élan dans les descentes pour escalader les montées, quand la mer voulait bien la porter, elle se laissait pousser par les vagues. Si le soleil se couchait, elle se couchait elle aussi et quand la nuit la rendait à la lumière, elle se remettait en route.

Elle était sûre d’arriver un jour et de retrouver ses parents comme elle les avait laissés.
Une fois à proximité de sa maison, elle ouvrit le petit sac qui ne l’avait jamais quittée et en tira tous ses trésors pour s’en parer. Elle frappa à la porte. Ses parents ne la reconnurent pas d’abord.
Les traits de son visage et les formes de son corps étaient, devenus si fins et si harmonieux qu’à la voir on aurait cru entendre le cri de la mouette et le chant du rossignol.
Son regard aussi avait changé.

Plus lumineux et plus voilé à la fois, car c’était le regard de quelqu’un qui avait regardé le monde en face et tutoyé la mer, le ciel, la lumière et la nuit.
Mais de quelle couleur étaient maintenant ses cheveux ?


Blonds sans doute ou châtains clairs avec des reflets roux peut-être aussi.
images-131 dans Librairie / vidéothèque
En tout cas c’était les cheveux d’une jolie petite fille de douze ans qui avait eu les cheveux bleus.


Quand ses parents l’eurent enfin reconnue, car ses parents la reconnurent bien sûr, c’était toujours leur fille.
Ils se jetèrent dans les bras les uns des autres et cela dura si longtemps que je ne sais pas s’ils ont fini de s’embrasser à l’heure qu’il est.

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L’INHUMANITE DE L’HOMME

Posté par othoharmonie le 28 octobre 2013

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Par Osho

Note : Osho est un mystique contemporain qui apporte une vision nouvelle sur l’être humain, ses réponses aux questions sont spontanées et prononcées devant diverses audiences.

Pourquoi les gens se traitent-ils les uns les autres comme ils le font ? Est-ce un conditionnement ou est-ce là quelque chose d’inhérent chez l’homme qui le fait s’écarter volontairement ?

Réponse d’Osho :

C’est les deux.

En premier lieu il y a quelque chose en l’homme qui le mène à s’égarer et deuxièmement, il y a des gens dont l’intérêt est de conduire les êtres humains à s’égarer. Ces deux créent ensemble un être humain faux. Son coeur aspire à l’amour, mais son mental conditionné l’empêche d’aimer.

C’est le problème. L’enfant est né avec un coeur qui aspire à l’amour, mais il est également né avec un cerveau qui peut être conditionné.

La société doit le conditionner contre le coeur, parce que le coeur sera toujours en rébellion contre la société, il suivra toujours son propre chemin, il ne peut pas être transformé en un soldat, il peut devenir un poète, il peut devenir un chanteur, il peut devenir un danseur, mais il ne peut pas devenir un soldat.

Il peut souffrir pour son individualité, il peut mourir pour son individualité et sa liberté, mais il ne peut pas être asservi. C’est le fait du coeur.

51jbmasheyl._bo2204203200_pisitb-sticker-arrow-clicktopright35-76_sx385_sy500_cr00385500_sh20_ou08_ dans SPIRITUALITE c'est quoi ?Mais le mental… l’enfant arrive avec un cerveau vide, un simple mécanisme que vous pouvez arranger de la façon dont vous le voulez. Il apprendra la langue que vous lui enseignez, il apprendra la religion que vous lui enseignez, il apprendra la moralité que vous lui enseignez. C’est simplement un ordinateur; vous l’alimenter simplement avec de l’information et chaque société prend soin de rendre le mental de plus en plus fort de sorte que s’il y a un conflit quelconque entre le coeur et le mental, le mental gagnera. Mais chaque victoire du mental sur le coeur est une misère. C’est une victoire des autres sur votre nature, sur votre être, sur vous et ils ont cultivé votre mental aux fins de servir leur cause.

Ainsi le mental vide, c’est cerveau; vous pouvez y mettre n’importe quoi et avec vingt-cinq ans d’éducation vous pouvez le rendre si fort que vous en oubliez votre cœur, vous resterez toujours malheureux. La misère est que votre coeur peut seulement vous donner de la joie, peut seulement vous donner du bonheur, peut seulement vous faire danser.

Le mental peut faire de l’arithmétique, mais il ne peut pas chanter une chanson, ce ne sont simplement pas les capacités du mental. Ainsi vous êtes déchiré entre votre nature, qui est votre coeur et la société qui est dans votre tête et certainement vous êtes né, tout le monde naît avec ces deux centres. Là est la difficulté.

Et un centre est vide; dans une société meilleure il sera utilisé en accord avec le coeur, pour servir le cœur, ce sera alors une belle vie, pleine des réjouissances. Mais jusqu’ici nous avons vécu dans une société laide, avec des idées putréfiées. Ils ont utilisé le mental et cette vulnérabilité est là: le mental peut être utilisé.

Les communistes l’utilisent d’une façon, les fascistes l’ont utilisé en Allemagne d’une façon, toutes les autres religions l’utilisent de différentes façons. Mais cette vulnérabilité est là en chaque individu, vous avez un mental que vous apportez vide. C’est en fait une bénédiction de l’existence, mais abusée, exploitée. Il vous est donné vide de sorte que vous puissiez en faire un parfait serviteur de votre coeur, de vos aspirations, de votre potentiel. Rien n’est mauvais en lui. Mais les intérêts particuliers, partout dans le monde, ont trouvé là une belle occasion pour eux, d’utiliser le mental contre le coeur. Ainsi vous restez malheureux et ils peuvent vous exploiter de quelques façons qu’ils le souhaitent. C’est pourquoi le monde entier est malheureux.

Tout le monde veut être aimé, tout le monde veut aimer; mais le mental est une telle barrière qu’il ne vous permet ni d’aimer, ni ne vous permet d’être aimé. Dans les deux cas le mental vient en barrage et commence à distordre tout.

Même si par chance vous rencontrez une personne pour laquelle vous ressentez de l’amour et que cette personne ressent de l’amour pour vous, vos mental ne vont pas s’entendre; ils ont été éduqués par différents systèmes, différentes religions, différentes sociétés.

C’est le droit de tout le monde d’être heureux, mais malheureusement la société, les gens avec qui nous avons vécu, ceux qui nous ont introduit dans le monde, n’ont jamais pensé à cela. Ils ont simplement reproduit les êtres humains comme les animaux; pire encore, parce qu’au moins les animaux ne sont pas conditionnés. Ce processus de conditionnement devrait être complètement changé. Le mental devrait être formé pour être le serviteur du cœur, la logique devrait servir l’amour. Alors la vie peut devenir un festival de lumières.

Osho
Extrait de : « Beyond Psychology »

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Un Maître Homme

Posté par othoharmonie le 28 octobre 2013


Graf Dürckheim (par Jacques Castermane) SON SITE / http://www.centre-durckheim.com/v2/voie.html

 

Un Maître Homme dans LECTURES Inspirantes kgdecharpew

L’un des grands disciples du sage allemand qui a quitté son vêtement de chair, nous donne ici son feeling sur l’enseignement et l’héritage de cet homme qui se servait des états d’âme quotidiens comme matière première de la transformation intérieure.

Nouvelles Clés : Graf Dürckheim est mort le 28 décembre 1988. Vous dirigez le Centre qui porte son nom. Vous étiez donc très proches ?

Jacques Castermane : Rien, mais alors rien ne semblait devoir aboutir à cette rencontre, à ces vingt- deux ans de travail avec lui et à cette sorte de filiation. Sans doute est-ce le hasard qui s’écrit destin ? Notre rencontre date de l’année 1967. C’était à Bruxelles à la Maison d’Erasme, où Graf Dürckheim participait à un colloque. Tout de suite le courant est passé. J’étais profondément touché par ce qu’il disait et surtout par sa façon d’être là. Et comme il a bien voulu l’écrire dans la préface de mon livre « je vois encore Jacques Castermane à la Maison d’Erasme, dans son habit bleu, assis sur ma droite. Et, comme cela arrive parfois lorsqu’on fait une conférence, j’avais l’impression que je parlais plus particulièrement pour lui, impressionné par sa capacité d’écouter. »

N. C. : Vous êtes devenu son disciple ?

J. C. : Je ne savais rien de ce que pouvait être une relation entre maître et disciple. Mais il est vrai que quelques années plus tard je ne pouvais plus l’appeler autrement. Après cependant beaucoup d’hésitations, au point de lui demander un jour comment il voyait la différence entre les deux. « La différence entre celui qu’on appelle le maître et celui qu’on appelle le disciple ?

Il n’y en a pas, tous deux sont sur le même chemin, si ce n’est que chez celui qu’on appelle le maître cela se voit déjà un peu plus ! »

N. C. : Il était difficile d’être le disciple de Graf Dürckheim ?

J. C. : Par rapport à lui, non. Par rapport à moi-même, oui. Parce que je me suis senti accompagné, jamais dirigé. Autrement dit j’avais l’impression que ma responsabilité était totale, que jamais il ne me dirait faites ceci ou ne faites pas cela. Dans son beau livre sur le Maître intérieur il dit clairement que le maître est en nous-même, que c’est notre noyau profond, ce qu’il appelle notre Etre essentiel. Pendant ces années d’accompagnement il ne m’a jamais demandé d’obéir à sa voix mais il m’a appris à écouter et à prendre au sérieux ma voix intérieure.

N. C. : Avez-vous un souvenir qui domine les autres ?

J. C. : Mille ! Et sans doute est-ce normal après sa mort, ils sont plus vivants que jamais, précis. Mais il est vrai qu’il en est deux qui sans doute dominent les autres. Le premier est la rencontre, déjà évoquée plus haut, le second est le jour où il m’a invité à travailler en son nom.

N. C. : Comment cela s’est-il passé ?

. C. : C’était en juin 1980. Depuis quelques années j’avais pris la décision d’aller voir Graf Dürckheim une fois par mois, dans la mesure du possible. Mille deux cents kilomètres pour être une heure ou deux avec lui ! Je me réjouissais chaque fois de cette rencontre et je sais qu’il était heureux de ce moment passé ensemble. Ce jour-là il m’a reçu dans sa petite maison en haut du village. Son lieu, son refuge du soir et du dimanche. Un véritable petit musée composé des objets qui l’accompagnaient depuis plus d’un demi-siècle. Une maison où peu de personnes sont entrées ; les leçons se donnaient dans une autre maison au centre du village, le Doktorhaus. Bien que malade d’une sérieuse bronchite il aimait être seul. Tout à coup le cours de la conversation a changé et il m’a dit : « Je fais confiance à votre façon de me comprendre et j’aimerais que vous travailliez en mon nom. »

N. C. : Vous vous y attendiez ?

J. C. : Pas du tout. J’avais l’impression curieuse de recevoir sur mes épaules un seau d’eau glacée qui en même temps était chaude ! Un long silence a profondément relié sa proposition et ma réponse. Je l’ai remercié et je me souviens exactement des mots que j’ai prononcés : « C’est un cadeau que je ne mériterai jamais et, en même temps, je m’en sentirai responsable le temps qui me reste à vivre. » Graf Dürckheim a inauguré le Centre qui porte son nom le 12 juillet 1981.

N. C. : Qu’avez-vous ressenti lorsque vous avez appris sa mort ?

J. C. : Des amis allemands m’ont téléphoné en fin de soirée le 28 décembre. Ce n’ était pas inattendu, au contraire. Je savais pour l’avoir revu quelques semaines plus tôt que cela pouvait arriver à chaque instant. Il n’empêche que ce qui m’a envahit, doucement, c’est une profonde tristesse. La tristesse de la séparation définitive de l’être proche. Mais en même temps je peux dire que j’ai reçu cette nouvelle très calmement parce que dans l’ordre des choses, c’est-à-dire qu’un travail sur le Chemin vous invite à intégrer ce qu’on appelle la vie et ce qu’on appelle la mort. Nous avions bien souvent envisagé le thème de la mort.

N. C. : Que vous disait-il de la mort ?

J. C. : Là encore me reviennent en mémoire quantité de souvenirs. Le 29 décembre, Christina et moi avons pris la route à quatre heures du matin pour le revoir une dernière fois. Graf Dürckheim reposait dans son bureau, là où je l’avais rencontré si souvent. Dès l’instant où je pénétrais dans cette petite pièce de quatre mètres sur quatre, je me sentais touché par une ambiance pénétrante et enveloppante : un silence.

Et dans cette dernière rencontre s’imposait le souvenir de ce qu’il disait du silence : « il y a le silence de la mort, où plus rien ne bouge ; et il y a le silence de la vie où plus rien n’arrête le mouvement de la transformation ». Ce silence impressionnant était celui de la vie. Ou, comme il aimait à le dire, le silence de la grande Vie ?

Dans le cadre d’une leçon, Graf Dürckheim me pose une question inattendue : « Jacques, pensez-vous à la mort chaque jour ? » Il ne me faut pas réfléchir longtemps pour répondre que non. « Quel âge avez-vous ? » J’avais quarante-deux ans. « Si à quarante-deux ans on ne pense pas à la mort chaque jour c’est l’expression d’un manque de maturité ! »

N. C. : Graf Dürckheim avait accepté sa mort ?

J. C. : Oui. Non seulement sa mort mais son mourir. « La mort, cette amie qui vous prend par la main pour vous conduire sur le seuil d’une nouvelle vie… » Voilà encore une phrase qui remonte à ma mémoire. Je ne l’oublierai jamais, bien que je ne l’ai entendu prononcer qu’une seule fois. A entendre les proches qui l’ont accompagné les derniers jours il s’est laissé prendre par la main sereinement. Mais pendant plus d’un an Graf Dürckheim était entré dans ce que j’appelle le mourir. Il était alité, il a été hospitalisé, il a souffert.

durkheim-643a5 dans SAGESSESe mettant en Chemin, beaucoup espèrent pouvoir éviter ces ennuis. Le maître est alors cette sorte de superhomme qui a le droit de vieillir mais en gardant une apparence jeune et en restant en super-santé ! C’est mettre le Chemin au service du petit moi qui a peur de souffrir. Ce qui m’a touché, profondément, chez Graf Dürckheim c’est combien il est resté humain, tout simplement humain, jusqu’au bout. Le 25 octobre, au lendemain de son quatre-vingt-douzième anniversaire j’allai le voir à la clinique de Schopfheim. Savez-vous ce qu’il me dit ? « Le dernier danger pour le moi est de vouloir mourir héroïquement » ! Voilà ce qu’il expérimentait à deux mois de son départ. Le danger de rester encore prisonnier du moi-façade, du moi-rôle.
Un mois plus tôt il m’avait dit quelque chose de très touchant : « Je souffre assez fort. Mais c’est curieux, en acceptant cette souffrance autant qu’il m’est possible, j’ai chaque fois l’impression que ce qui en sort est quelqu’un de plus mûr ! »

Ceux qui idéalisent le maître à leur convenance en imaginant qu’il va se retirer du monde dans une ultime méditation et droit comme un I doivent être déçus. En ce qui me concerne je suis bouleversé par ce témoignage authentiquement humain, profondément humain. Je sais aujourd’hui que le chemin n’a pas pour sens un surhomme mais qu’il peut faire d’un homme… un homme.

N. C. : Si vous aviez à choisir entre les qualités qui caractérisent la vie de tel ou tel homme, quelle est celle que vous choisiriez pour Graf Dürckheim ?

J. C. : Sans hésiter je choisis la bonté. Maria Hippius, sa compagne depuis une quarantaine d’année a annoncé le décès de Graf Dürckheim de la façon suivante – un grand coeur a cessé de battre. C’est très beau et c’ est tellement vrai. La chaleureuse humanité qui émanait de Graf Dürckheim est sans doute la qualité qui a le plus touché ceux et celles qui l’ont approché.

N. C. : Il avait aussi beaucoup d’humour ?

J. C. : Oui, toute rencontre avec Graf Dürckheim aboutissait plus tôt ou plus tard à un grand éclat de rire. Il y a une dizaine d’années un petit groupe était réuni autour du Père Lassalle et de Graf Dürckheim. Afin de se présenter, chaque personne était invitée à se nommer puis à dire ce qui lui était facile et, au contraire, ce qui lui était particulièrement difficile. Arrive le tour du Père Lassalle qui dit : « Ce qui m’est facile c’est de me taire… ce qui m’est difficile c’est de parler. » Vient ensuite Graf Dürckheim qui sourit déjà et en regardant le Père Lassalle annonce: « Ce qui m’est facile c’est de parler… ce qui m’est difficile, par contre, c’est de me taire ! »

Une autre fois, en Belgique, nous étions à table. Graf Dürckheim avait à sa droite Marie-Madeleine Davy. Un garçon s’approche d’elle et lui présente un plateau garni de mets variés. Cet immense plateau était lourd de bonnes choses. Madame Davy arrête le garçon alors qu’il a à peine posé sur son assiette deux morceaux de carottes et une petite feuille de salade.

Le garçon présente le plateau à Graf Dürckheim et lui demande ce qu’il désire. Après avoir regardé, successivement et plusieurs fois ; l’assiette de Marie- Madeleine Davy et l’immense plateau, il regarde le garçon et lui dit : « Tout ce que Madame n’a pas pris ! »

Cet humour il l’a manifesté jusqu’à la fin de sa vie, encore sur son lit à l’hôpital il arrivait à faire éclater de rire la personne qui lui rendait visite. Je crois qu’il manifestait de cette façon un état d’être au-delà des conditions, une sorte de détachement tout en étant au coeur des circonstances difficiles qu’il avait à vivre.

{{{« La vie ne peut plus être ennuyeuse dès qu’un fil d’or
vous relie à votre profondeur »}}}

N. C. : Graf Dürckheim est reconnu comme étant un maître spirituel de notre temps. il était lui-méme très religieux ?

J. C. : Il faut savoir, lorsqu’on évoque la dimension religieuse de Graf Dürckheim, que sa première préoccupation est l’homme et pas telle ou telle religion. Il est lui-même très clair sur ce sujet : « m’intéresse l’homme dans sa profondeur, dans son Etre essentiel ». Pour Graf Dürckheim, l’homme est prédisposé à l’expérience de l’Etre non pas parce qu’il est chrétien ou bouddhiste mais parce qu’il est un homme ! Il n’a jamais fait l’amalgame entre religiosité et confession religieuse. Lorsque nous avons travaillé ensemble à l’ébauche de mon livre
Les leçons de Dürckheim , c’est lui qui m’a proposé d’y insérer son article intitulé « L’expérience religieuse au-delà des religions ». Peu lui importait votre appartenance à tel ordre conceptuel ou philosophique, que vous soyez croyant ou incroyant. « N’oubliez jamais que dans notre travail ne doit nous préoccuper que ce que l’homme devient, et pas ce qu’il est. « Lorsque vous me demandez si lui-même était un homme religieux il est clair que je dois répondre oui ! Marie-Madeleine Davy , déjà citée, me disait un jour en désignant Graf Dürckheim qui était avec d’autres personnes « vous avez vu ses yeux ? Des yeux lavés par la grande expérience » ! C’est en ce sens que je réponds par l’affirmative. Il était nourri par ces expériences religieuses qui n’appartiennent à aucune religion particulière. Expériences qui sont au centre de son enseignement. Je l’ai vu accompagner sur ce qu’il appelait lui-même « le chemin vers l’essentiel » des hommes et des femmes de confessions différentes aussi bien que d’autres qui confessaient un athéisme réfléchi. Au fond il s’intéressait à ce qui en chaque personne est au-delà de ces différences tout en acceptant chacun dans sa différence. Il est dommage que certains, bien inconsciemment sans doute, enferment Graf Dürckheim dans leur différence. Respecter sa mémoire exige sur ce plan d’être très conscient.

N. C. : Cet homme religieux est un thérapeute de l’âme ?

J. C. : Un thérapeute de l’homme, de l’homme entier. Graf Dürckheim reconnaît les maladies physiques, psychiques, psychosomatiques et, en regard de celle-ci, les thérapies pragmatiques qui peuvent aider l’homme a retrouver la santé, c’est- à-dire l’état d’équilibre relatif qui précède la maladie. Mais il envisage ce qu’il appelle lui-même la thérapie initiatique sur un tout autre plan. L’homme en bonne santé, sur les plans qui viennent d’être évoqués, peut être malade de ne pas être celui qu’il est au fond. Dans un langage bouddhiste, on dirait sans doute que l’homme est malade de la distance qu’il a prise avec sa vraie images-12nature. Graf Dürckheim parle de la distance qui nous sépare de notre Etre essentiel. Les symptômes de cette maladie sont le désordre intérieur, le manque de calme intérieur, le sentiment d’insécurité qui conduit à une angoisse existentielle et aussi, il insistait beaucoup sur ce point, un manque de joie de vivre. Lorsque je dis que ce qui m’a touché lors de notre rencontre est sa façon d’être là, c’est bien de ces qualités dont il s’agit. J’avais là, devant moi, un homme de plus de soixante-dix ans duquel émanait une intense joie de vivre. De sa façon d’être là émanait la confiance, un état de confiance. Et il était calme, en ordre. Enfin il avait du temps, cette denrée si rare aujourd’hui. Non pas qu’il était inactif, au contraire. Il était à la fois un homme du monde, un écrivain, un orateur. Chaque jour il recevait huit personnes. A ces huit heures s’ajoutait l’assise en silence quotidienne. Et c’était ainsi toute l’année ! Lorsque j’évoquais son être là et son faire existentiel il revenait toujours à la dimension de l’essentiel. « L’essentiel est présent au fond de nous-même. C’est la lumière qui traverse le jade. Dès que l’homme est plus transparent à l’Etre présent dans son Etre essentiel, un premier critère est l’ouverture à une force qui ne le lâche plus. Cette force est à l’origine d’un ordre intérieur qui s’impose de lui-même. Et cette force a son origine et son aboutissement dans l’unité universelle. Vous vous sentez alors bien en vous- même, sans vous enfermer, et ouvert au monde, sans vous y perdre. » Lorsque je lui dis qu’il avait bien de la chance, que plus rien ne le touchait, que plus rien ne pouvait lui faire perdre l’équilibre, l’énerver, il sourit et dit : « J’aimerais assez qu’il en soit ainsi ! Mais croyez bien que chaque jour encore il y a quelque chose qui me dérange. Le travail sur le chemin n’élimine pas l’insupportable mais il vous permet de le supporter. »

N.C Un facteur important de l’enseignement de Graf Dürckheim est l’exercice. il était lui- méme un homme d’exercice ?

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