La nourriture des Dieux
Posté par othoharmonie le 7 novembre 2013
Par Christian Troncy
En Inde, comme dans bien des pays, la nourriture se fait offrande envers la divinité censée pourvoir à nos besoins. Pour les Hindous, par exemple, les divinités sont avant tout des personnes.
Il est fréquent de voir un commerçant offrir un « puja », une adoration avec de l’encens, des fleurs, de l’eau ou des fruits, à Lakshmi Devi, la déesse de la fortune ainsi qu’à Ganesh, dès l’ouverture de son magasin, faisant attendre même son premier client. Mais aussi un musicien se recueillir avant de jouer ou encore un chauffeur de camion, de bus ou de taxi parer sa divinité préférée d’une guirlande de fleurs fraîches ou séchées à même son tableau de bord.
La nourriture joue un grand rôle dans les offrandes car pour un Hindou, toutes les divinités sont des personnes, si extraordinaires soient-elles ! Donc, elles mangent, à leur manière bien sûr, puisqu’elles ne sont pas limitées comme nous le sommes pour l’instant. Elles peuvent goûter en posant simplement leur regard, en percevant la sincérité du yogi à travers les vibrations sonores de ses mantras.
Il existe différentes divinités accordant leurs bénédictions selon le but convoité pour chacun. Pour être protégé, c’est à Ganesh ou à Sri Nrishimadev qu’il faut s’adresser, tout deux très friands de pâtisseries. Durga (Kali) est choisie par ceux qui désirent des bienfaits matériels et jouir d’une alimentation carnée.
Personnellement, j’ai été initié par des brahmanes à préparer des mets pour satisfaire le couple divin : Radha et Krishna, source de toutes bénédictions. Les bases d’une offrande leur étant destinée se situent dans le domaine de la vertu ou satvique (de satva = pureté).
Les ingrédients sont lacto-végétarien doux, juteux, frais, sucrés, salés et plein de saveur comme les fruits, les légumes, les céréales et les produits laitiers. Les épices participent largement à la confection des plats qui varient à l’infini, tant dans la simplicité que dans la complexité de leur élaboration. Le shutney, qui est une sauce d’accompagnement, illustre fort bien cette cuisine. Il doit être très fort pour qu’on ne puisse y goûter mais assez doux et sucré pour ne pouvoir y résister.
La propreté concerne tous les aliments, le cuisinier et la cuisine elle-même. Un plateau garni de coupelles de différentes tailles est utilisé juste à cet effet. L’attitude avec l’élément Feu est très importante car celui-ci représente Agni, un deva (dieu) que l’on invite à coopérer. Bien sûr, il faut tenir compte des temps et circonstances, comme un voyage ou l’activité professionnelle. L’attitude intérieure sera le seul critère pour que l’offrande soit acceptée.
La divinité est libre de recevoir ou non le présent qui lui est offert car elle-même n’a besoin de rien, sinon d’amour qui représentera toujours l’ingrédient principal. L’élan du cœur ne dépend d’aucun critère extérieur, riche ou pauvre, beau ou laid, petit ou grand… Sur le plan spirituel nous sommes tous égaux. Mais, comment puis-je offrir quoi que ce soit à Dieu ou l’Énergie créatrice, si je ne reconnais pas cette nature en moi ? C’est en réalisant mon essence divine que je peux graduellement la reconnaître et ressentir Sa présence. Et l’offrande joue un grand rôle pour acquérir cette réalisation car en agissant de manière concrète, la réalité d’un lien naît et crée une réciprocité qui devient évidente une fois connectée avec la source. Je réalise de plus en plus la magie de sa présence, la synchronicité. Je me reconnais comme son digne enfant, empli de gratitude pour tout ce qu’il me donne. La guerre intérieure est finie et une grande paix s’installe alors en moi.
Lorsque l’offrande est retirée de l’autel, elle porte le nom de Prasada ou maha-Prasada de grande miséricorde. Le repas entier est ainsi béni pour être distribué à tous sans discrimination ; cet état d’esprit est issu de la bhakti, le sentiment de dévotion lié au Divin.
Christian Troncy est un passionné de la cuisine indienne, qu’il pratique et enseigne à domicile comme une expérience à vivre, une fête des sens, du mental et de l’âme.
L’auteur
L’amour, l’ingrédient principal
Des mets pour satisfaire le divin
Publié dans SAGESSE, VOYAGE EN INDE | Pas de Commentaire »