L’inde et les Intouchables ; ceux que je préfère

Posté par othoharmonie le 24 novembre 2013

 

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La question des « basses castes » en Inde

Malgré l’inscription dans la Constitution, rédigée sous l’autorité d’Ambedkar et promulguée en 1950, de l’abolition de l’intouchabilité, la caste demeure le principe structurant de la société indienne. La caste n’a pas fait que survivre, elle a pris de nouvelles formes afin de s’adapter aux nouvelles réalités socio-économiques.

Depuis 1951, les castes ne sont plus dénombrées dans les recensements conduits par le gouvernement indien, et seuls les groupes dits « répertoriés » le sont. Ces groupes répertoriés incluent : les scheduled castes ou SC (castes répertoriées), catégorie qui regroupe les castes traditionnellement considérées comme « intouchables » ; les scheduled tribes ou ST (tribus répertoriées), catégorie rassemblant un ensemble de groupes censés constituer la population aborigène de l’Inde, population également considérée comme « intouchable » ; les other backward classes ou OBC (autres groupes défavorisés), catégorie incluant principalement des castes de la catégorie de shûdras (basses castes, occupant traditionnellement des emplois subalternes, mais n’étant pas considérées comme « intouchables »). Les membres de ces trois catégories bénéficient, selon des modalités différentes, des politiques de « réservations » (discrimination positive) dans le secteur public, dans l’enseignement supérieur et en politique (des sièges leur sont réservés lors des élections).

Les scheduled castes représentent aujourd’hui plus de 16 % de la population indienne, et lesscheduled tribes environ 8 % , soit plus de 24 % du total de la population indienne pour ces deux groupes. L’évaluation de la population des other backward classes est l’objet de nombreux débats entre spécialistes (du fait de la difficulté à cerner les limites de ce groupe) : elle comprendrait environ 36 % de la population. Aujourd’hui, beaucoup des membres des OBC font encore l’objet de fortes discriminations sur la base de la caste, mais les membres des catégories SC et ST souffrent, eux, davantage de cette discrimination en continuant d’être victimes, notamment en milieu rural, de la pratique de l’intouchabilité. Une étude récente menée auprès d’un échantillon de 565 villages dans onze États différents montrait que, dans un dixième de ces villages, les personnes considérées comme intouchables n’ont toujours pas le droit de porter des chaussures, des vêtements neufs, des lunettes de soleil, ni d’utiliser un parapluie ou de posséder un vélo . Dans la moitié des villages étudiés, ces personnes n’ont pas un accès libre aux infrastructures communes permettant d’obtenir de l’eau potable. De même plus de 40 % des écoles pratiquent l’intouchabilité lors des repas du midi en obligeant les enfants issus de groupes SC et ST à s’asseoir à l’écart de leurs camarades de classe. Les statistiques de police, qui sont loin d’enregistrer la totalité des faits commis, montrent que, parmi la population SC et ST, chaque semaine treize personnes sont assassinées, cinq de leurs maisons sont brûlées, six personnes sont kidnappées, tandis que chaque jour trois femmes sont violées, onze personnes sont agressées et qu’un crime contre un membre de ces groupes est commis toutes les dix-huit minutes .

C’est sur la base de cette expérience d’une discrimination extrêmement violente qu’une partie des membres de ces groupes (notamment le groupe des scheduled castes) a développé une identité politique forte. Cette conscientisation politique s’est notamment accélérée dans la période d’entre-deux-guerres sous l’impulsion d’Ambedkar . Premier « hors-caste » à avoir étudié aux États-Unis et en Angleterre, principal rédacteur de la Constitution de l’Inde, Ambedkar a en effet été l’initiateur d’un mouvement de lutte contre le castéisme qui continue aujourd’hui de structurer les répertoires politiques de lutte contre la discrimination. Ce mouvement de lutte s’est prolongé après la mort d’Ambedkar en 1956, et on parle désormais de « mouvement dalit ». Le terme dalit, qui provient du marathi, signifie littéralement brisé et opprimé. L’Arya Samaj, mouvement réformateur de l’hindouisme, puis Ambedkar, dès les années 1930, ont été les premiers à utiliser ce terme pour désigner les membres des castes anciennement intouchables dans la sphère publique. Cependant le terme s’est réellement popularisé à partir de 1973 avec la publication du manifeste des Dalit Panthers. Au départ éminemment politique car impliquant une posture de lutte, le terme dalit est aujourd’hui souvent mobilisé comme un terme politiquement correct pour se référer à l’ensemble des groupes anciennement intouchables (mais toujours victimes, de fait, de l’intouchabilité). L’utilisation de ce mot est souvent sujette à débats en sciences sociales mais nous n’hésitons pas à l’employer car, comme nous le verrons, il est particulièrement révélateur de la façon dont les personnes auprès de qui nous avons enquêté se définissent dans l’espace social indien.

 

par http://www.laviedesidees.fr/spip.php?page=auteur&id_auteur=0Jules Naudet  

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