« Notre bien-aimé Nelson Mandela, le président fondateur de notre nation démocratique, nous a quittés. Il est décédé en paix entouré de sa famille aux environs de 20H50 (…) Notre nation a perdu son plus grand fils », a déclaré le président Zuma lors d’une intervention en direct à la télévision peu après 21H30 GMT jeudi.
La date des funérailles n’a pas été annoncée, mais le corps de Nelson Mandela a été transféré dans un hôpital militaire de Prétoria, selon la radio publique sud-africaine SABC.
Dès l’annonce du décès de celui que le monde entier vénérait comme une incarnation de la réconciliation raciale, des centaines de personnes de toutes origines ont commencé à se rassembler près de la maison de Mandela, à Johannesburg.
L’ambiance n’était pas au recueillement mais à la célébration, avec des chants anti-apartheid ou à la gloire de Madiba (son nom de clan), repris en choeur par la foule qui agitait des drapeaux et scandait parfois « Viva Mandela » ou « Longue vie à Mandela ».
« Je savais que ce jour devait arriver, mais je peux dire que notre bien-aimé Mandela a mené le bon combat, maintenant il est temps de reposer en paix », a déclaré Ashleigh Williams, une voisine venue dès l’annonce du décès à la télévision.
« Au cours de 24 années (depuis sa libération, ndlr) Madiba nous a appris comment vivre ensemble et croire en nous-mêmes et en chacun », a déclaré dans la soirée un autre héros de la lutte anti-apartheid, l’archevêque anglican Desmond Tutu, considéré à 82 ans comme la conscience morale de son pays.
« Suggérer que l’Afrique du Sud pourrait partir en flammes (après le décès de Mandela) -comme certains l’on prédit- revient à discréditer les Sud-Africains et l’héritage de Madiba », a-t-il ajouté.
« Il était une inspiration pour le monde entier », a réagi Frederik De Klerk, le dernier président blanc sud-africain, qui avait fait sortir Mandela de prison avant de négocier la transition démocratique et de partager en 1993 le Nobel de la Paix avec lui.
Toute la nuit, des hommages unanimes ont afflué de quasiment toutes les capitales du monde. Aux Etats-Unis, le président Barack Obama, lui aussi premier président noir de son pays, a ordonné de mettre les drapeaux américains en berne jusqu’à lundi soir.
Pour le chef de l’Etat français François Hollande, qui a également ordonné de mettre les drapeaux français en berne, Nelson Mandela a été « l?incarnation de la Nation sud-africaine, le ciment de son unité et la fierté de toute l?Afrique ». Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a salué en lui « une source d’inspiration » pour le monde entier.
Le Dalaï Lama, autre prix Nobel de la Paix, a dit de son côté avoir perdu un « ami cher ».
Le monde du sport, auquel Mandela était attaché, n’est pas en reste: « Grâce à son extraordinaire vision, il a réussi à faire de la Coupe du monde 1995 un instrument pour favoriser l’émergence d’une nation, juste un an après les premières et historiques élections démocratiques en Afrique du Sud », a rappelé le président de la Fédération sud-africain de rugby Oregan Hoskins, ajoutant: « Son nom prendra place parmi les plus grands libérateurs et humanistes aussi longtemps que vivra l’humanité ».
Au Brésil, qui accueille vendredi le tirage au sort de la prochaine Coupe du monde de football, l’émotion était immense également: « Il était mon héros, mon ami, mon compagnon dans la lutte en faveur de la cause du peuple et pour la paix dans le monde », a écrit sur son compte Twitter Pelé, la légende du football brésilien.
Nelson Mandela, qui avait fêté ses 95 ans le 18 juillet, avait été hospitalisé quatre fois depuis décembre 2012, à chaque fois pour des récidives d’infections pulmonaires.
Ces problèmes récurrents étaient probablement liés aux séquelles d’une tuberculose contractée pendant son séjour sur l’île-prison de Robben Island, au large du Cap, où il a passé dix-huit de ses vingt-sept années de détention dans les geôles du régime raciste de l’apartheid.
Absent de la scène politique depuis plusieurs années déjà, « Madiba » faisait l’objet d’un véritable culte qui dépassait largement les frontières de son pays.
Il restera dans l’histoire pour avoir négocié pied à pied avec le gouvernement de l’apartheid une transition pacifique vers une démocratie multiraciale. Et pour avoir épargné à son peuple une guerre civile raciale qui, au début des années 1990, paraissait difficilement évitable.
Sous les couleurs du Congrès national africain (ANC), Mandela a été le premier président de consensus de la nouvelle « nation arc-en-ciel », de 1994 à 1999.
Un rôle notamment magnifié dans le film « Invictus » de Clint Eastwood, où on le voit conquérir le coeur des Blancs en venant soutenir l’équipe nationale de rugby lors de la Coupe du monde de 1995, remportée par l’Afrique du Sud.
« Je ne doute pas un seul instant que lorsque j’entrerai dans l’éternité, j’aurai le sourire aux lèvres », avait-il dit à l’époque, heureux de voir son pays grandir en paix après des décennies de ségrégation raciale.
Né le 18 juillet 1918 dans le petit village de Mvezo, dans le Transkei (sud-est) au sein du clan royal des Thembus, de l’ethnie xhosa, le jeune garçon avait rapidement déménagé dans le village voisin de Qunu, où il a passé, dira-t-il, ses « années les plus heureuses » –une enfance libre à la campagne peut-être idéalisée–, avant de recevoir une bonne éducation.
C’est à Qunu qu’il voulait être inhumé.
Si son institutrice l’a nommé Nelson, son père l’avait appelé Rolihlahla (« celui par qui les problèmes arrivent », en xhosa).
Après avoir fondé la Ligue de la jeunesse de l’ANC (Congrès national africain), il prend rapidement les rênes du parti, jugé trop mou face à un régime qui a institutionnalisé l’apartheid en 1948.
Après l’interdiction de l’ANC en 1960, Nelson Mandela passe dans la clandestinité. C’est lui qui préside à la fondation d’une branche armée de son parti et il restera longtemps catalogué comme terroriste en Occident.
Arrêté de nouveau en 1962, il est condamné à la prison à perpétuité deux ans plus tard.
Invisible en public depuis 2010, il était devenu une sorte de héros mythique, intouchable, invoqué tant par le pouvoir que par l’opposition dans son pays, et une icône à travers le monde.
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