Quel héritage spirituel pour le XXIème siècle ?
Posté par othoharmonie le 25 décembre 2013
par Jean Biès
Pour l’auteur de « Paroles d’urgence » et de « Passeport pour des temps nouveaux », l’événement majeur du XXème siècle dans l’ordre spirituel est la découverte de l’Orient par l’Occident. Un Occident épuisé de matérialisme, avide de solutions pour ses angoisses, soucieux de clés, désireux de se revivifier avant qu’il ne soit trop tard.
En l’espace de cinquante ans, l’Occident a découvert toute une pléiade d’initiateurs qui continuent de lui être précieux : René Guénon, Frithjof Schuon, Karl G. Durckheim, Marie-Magdeleine Davy, Mircea Eliade. Il a découvert en particulier le christianisme oriental – autrement dit l’Orthodoxie – dont il s’était séparé depuis dix siècles, et qui lui a révélé, sous l’impulsion de Berdiaev et d’Olivier Clément en particulier, une théologie non-dualiste, une liturgie immuable, empreinte du sens de la sacralité, une méthode d’intériorisation : la « Prière du Cœur », fondée sur la répétition du nom du Christ et la respiration contrôlée, véritable yoga chrétien.
Cette exploration du christianisme oriental s’accompagne naturellement de celle des Pères grecs, sensiblement éloignés de la scolastique latine et du rationalisme cartésien qui a suivi. L’Occident a découvert dans le même temps la psychologie des profondeurs élaborée par Carl G. Jung, rompant avec le réductionnisme freudien, apportant des notions décisives comme celle des quatre fonctions, de l’animus et de l’anima, de l’amplification des rêves, et aidant l’analysant à la réconciliation des contraires à partir des données de l’alchimie médiévale et du taoïsme chinois (le Yi King). Sa disciple la plus éminente, Marie-Louise von Franz, a appliqué ces principes à l’interprétation des contes de fées.
Conquête pacifique de l’Orient
Non content de s’en tenir à son propre territoire, l’Occident, à la faveur de nouveaux moyens d’ouverture, s’est également lancé à la conquête pacifique des philosophies orientales. L’Inde était connue dès le XVIIe siècle ; elle le sera beaucoup mieux désormais, grâce en particulier aux traductions qu’a données Jean Herbert des enseignements de Ramakrishna, Swami Ramdas, Ma Ananda Mayi, Ramana Maharshi, Aurobindo. Seront simultanément mis en relief l’importance de la nature et celle du féminin, (rôle des shakti, ou « Energies divines »), la non-violence, popularisée par Gandhi, la loi du karma faisant de nous les héritiers de nos pensées et de nos actes, la variété des points de vue (les darshana), gage de tolérance, et celle des principaux yoga (jnana, intellectuel ; bhakti, affectif ; karma, opératif ; hatha, corporel), adaptés à la nature de chacun. La bhakti se fonde sur l’invocation d’un nom divin (R‚ma, Krishna,…), inclus dans un mantra (le japa-yoga). Lekarma-yoga se fonde sur l’action désintéressée.
Plus récemment, l’Occident s’est familiarisé avec le bouddhisme, déjà décrit par Alexandra David-Neel, lequel offre la singularité de ne pas parler de Dieu, ce qui l’a fait qualifier à tort d’athée. Sa virulente dénonciation de l’illusion cosmique, piège suprême, son balisage du chemin vers la vacuité (shunyata), l’enseignement de la compassion universelle, sont quelques-uns des joyaux qu’il propose à notre contemplation. La version japonaise du bouddhisme est le Zen, d’une pédagogie abrupte, et combattant tout spécialement le mental et ses phantasmagories.
Le soufisme, « âme de l’Islam », son ésotérisme, offre de semblables voies d’accès à « l’autre face du Réel », en privilégiant, outre diverses ascèses, la répétition du nom d’Allah (le dhikr).
Des notions d’ordre universel
Ces démarches, aussi dérangeantes que salutaires, ont rendu à un Occident qui n’entendait pas se laisser endormir, des notions d’ordre universel, oubliées ou perdues depuis longtemps : l’interprétation symbolique des textes sacrés, la formulation paradoxale des vérités métaphysiques, l’aspect ternaire et non-duel du macrocosme, la Sur-Essence, Dieu, le monde phénoménal, auquel répond le microcosme humain : l’esprit, l’âme et le corps. Il faut y ajouter la nécessité de se connaître soi-même et la panoplie des exercices indispensables et appropriés : sans une pratique régulière et patiente, le savoir théorique reste lettre morte.
Il n’y a pas lieu de devenir « oriental », par exotisme ou originalité forcée, mais bien plutôt, de retrouver en soi les valeurs éternelles qui transcendent aussi bien l’Orient que l’Occident. Il ne s’agit donc pas en fait d’une découverte mais d’une redécouverte, d’un recouvrement ; car la vérité ignore les frontières et habite en tout homme. Elle n’est autre que notre propre patrimoine retrouve.
Je vous souhaite de rentrer dans vos biens et de vous faire héritiers de votre héritage, de cet héritage singulier, bien souvent mystérieux, qui a pour vocation de faire passer du multiple à l’un, de l’avoir à l’être, du néant à la plénitude.
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