RITUELS DES SITES ARCHÉOLOGIQUES
Posté par othoharmonie le 14 janvier 2014
Actuellement la principale manifestation ritualisée de la religiosité néo-païenne au Mexique et dans d’autres pays d’Amérique latine, surtout dans les pays aux racines indigènes, sont les rituels d’équinoxe. Depuis à peine vingt ans, des groupes ésotériques, des réseaux d’adeptes de la spiritualité new age, des indigénistes, des militants de la mexicanité ou néo-indiens et, évidemment, des touristes du monde entier se donnent chaque année rendez-vous sur les principales pyramides d’Amérique le 21 mars pour réaliser des rituels énergétiques et purificateurs.
Ces rituels actualisent la croyance diffuse mais massivement étendue que ce jour, durant lequel la durée du jour est égale à celle de la nuit pour donner naissance au printemps, se crée une énergie spéciale dont les humains peuvent profiter pour se recharger en énergie et se purifier. Se charger d’énergie se fait par un rituel simple qui consiste en général à s’habiller de blanc, à retirer ses chaussures, et, au moment où le soleil atteint sa hauteur et intensité maximale (le zénith), on lève les mains au ciel pour se charger d’énergie. Une expression commune dit qu’à cette heure l’équinoxe “arrive”. Cependant, les groupes et les individus qui assistent aux cérémonies d’équinoxe sont divers : cela peut être aussi bien des mouvements de la mexicanité qui réalisent des rituels dédiés aux quatre éléments de la nature ou aux quatre points cardinaux ; des pro-écologistes qui sacralisent “la terre mère” ; des néo-indigènes improvisés qui, bien que métis et cosmopolites, s’habillent ce jour-là en Indien et inventent à l’improviste un rituel ; des groupes de yoga et de méditation fondés sur des techniques orientales ; les propriétaires de magasins ésotériques qui agissent comme des officiants et profitent de la présence du public pour vendre leurs produits et pour promouvoir leur négoce ; des célébrants New Age ; des marakames wicholes qui font des rites de purification ; des énergetiseurs, ou simplement des touristes qui en tant qu’individus cherchent de nouvelles expériences corporelles, ésotériques et/ou spirituelles.
Pour les adeptes de la néo-mexicanité, les pyramides sont des espaces sacrés de la géographie de la terre mère qui permettent, au moyen de rituels par vibrations, de réveiller l’énergie préhispanique du pays. Selon Velasco Piña, idéologue de la néo-mexicanité, ces lieux constituent des chakras, définis comme des centres “nerveux fluidiques” qui entretiennent une relation étroite avec les glandes de sécrétion interne, parce qu’ils sont parmi les lieux archéologiques les plus importants du Mexique. Ainsi, se mêlent les notions les plus typiques du new age selon lesquelles la terre (définie comme Gaia), tout comme les personnes, est considérée comme un organisme vivant, dont la géographie contient sept centres énergétiques ou chakras, et dont la localisation coïncide avec les centres des civilisations passées. Dès lors, beaucoup de rituels ont non seulement un caractère cérémonial, mais ils sont aussi réalisés comme une contribution pour relancer les flux énergétiques de la terre (une espèce de reiki pour l’anatomie de la planète). De ce principe new age, dérive la croyance au Mexique et en Amérique latine que les cérémonies réalisées sur des sites archéologiques préhispaniques, ou sur les routes sacrées des “ancêtres”, contribuent à la réactivation du système énergétique cosmique de la planète.
Ces cérémonies, telles que Renée de la Torre et Cristina Gutiérrez Zuñiga les ont décrites, se convertissent aussi en stands de marchandises spirituelles. Elles sont médiatisées par le marketing de produits magiques et ésotériques, et par les circuits d’ateliers et de cours new age. Au fil des années, de nouveaux visiteurs se sont joints à la cérémonie d’équinoxe sur les pyramides. Cette fréquentation a été favorisée par la promotion massive du tourisme ésotérique ou spirituel, qui invite les touristes (nationaux et internationaux) à vivre une expérience unique et spirituelle dans les zones archéologiques.
Au Mexique, les sites archéologiques les plus importants, comme le sont Teotihuacán, le Tajín et ChiChen Itzá, ont été relancés par le tourisme ésotérique, en majorité originaire des centres urbains pour les transformer à nouveau en centres cérémoniaux vivants. Teotihuacán fait mention en 2006 de deux millions de personnes célébrant le rituel de l’équinoxe. Cette situation met en danger la conservation patrimoniale des zones archéologiques et a suscité un conflit avec l’INAH (l’Institut national d’anthropologie et d’histoire), dont la position a oscillé entre différentes lignes politiques : privilégier la conservation et faire cesser ces pratiques – et même l’interdire de façon discriminatoire à certains groupes indigènes-, ou donner la priorité à la conversion de ce patrimoine en attirant un tourisme international, en octroyant des permissions et des contrats à des promoteurs privés.
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