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Envier l’animal – pourquoi

Posté par othoharmonie le 11 février 2014

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     Le sort des autres animaux paraît plus supportable que celui de l’homme. Examinons de plus près l’un et l’autre. Sous quelques formes variées que l’homme poursuive le bonheur ou cherche à éviter le malheur, tout se réduit, en somme, à la jouissance ou à la souffrance physique. Combien cette base matérielle est étroite : se bien porter, se nourrir, se protéger contre le froid et les intempéries, et enfin satisfaire l’instinct des sexes ; ou bien, au contraire, être privé de tout. Par conséquent, la part réelle de l’homme dans le plaisir physique n’est pas plus grande que celle de l’animal, si ce n’est que son système nerveux, plus susceptible et plus délicat, agrandit l’impression de toute jouissance comme aussi de toute douleur. Mais combien ses émotions surpassent celles de l’animal ! A quelle profondeur et avec quelle violence incomparable son cœur est agité ! pour n’obtenir à la fin que le même résultat : santé, nourriture, abri, etc. Cela vient en premier lieu de ce que chez lui tout s’accroît puissamment par la seule pensée du passé et de l’avenir, d’où naissent des sentiments nouveaux, soucis, crainte, espérance; ces sentiments agissent beaucoup plus violemment sur lui que ne le peuvent faire la jouissance et la souffrance de l’animal, immédiates et présentes. L’animal, en effet, n’a pas la réflexion, ce condensateur des joies et des peines ; celles-ci ne peuvent donc s’amonceler, comme il arrive pour l’homme, au moyen du souvenir et de la prévision : chez l’animal la souffrance présente a beau recommencer indéfiniment, elle reste toujours comme la première fois une souffrance du moment présent, et ne peut pas s’accumuler. De là l’insouciance enviable et l’âme placide des bêtes.

Chez l’homme, au contraire, la réflexion et les facultés qui s’y rattachent, ajoutent à ces mêmes éléments de jouissance et de douleur que l’homme a de communs avec la bête, un sentiment exalté de son bonheur ou de son malheur qui peut conduire à des transports soudains, souvent même à la mort ou bien encore à un suicide désespéré. Considérées de plus près, les choses se passent comme il suit : ses besoins qui, à l’origine, ne sont guère plus difficiles à satisfaire que ceux de l’animal, il les accroît de parti pris dans le but d’augmenter la jouissance : d’où le luxe, les friandises, le tabac, l’opium, les boissons spiritueuses, le faste et le reste. Seul aussi il a une autre source de jouissance, qui naît également de la réflexion, une source de jouissance et par conséquent de douleur d’où découleront pour lui des soucis et des embarras sans mesure et sans fin, c’est l’ambition et le sentiment de l’honneur et de la honte : -autrement dit, en prose vulgaire, ce qu’il pense de ce que les autres pensent de lui. Tel sera, sous mille formes souvent bizarres, le but de presque tous ses efforts qui tendent bien au delà de la jouissance ou de la douleur physiques. Il a sur l’animal, il est vrai, l’avantage incontesté des plaisirs purement intellectuels, qui comportent bien des degrés divers, depuis les plus niais badinages ou la conversation courante, jusqu’aux travaux intellectuels des plus élevés: mais alors comme contre-poids douloureux apparaît sur la scène l’ennui, l’ennui que l’animal ignore, du moins à l’état de nature, car les plus intelligents parmi les animaux domestiques, en soupçonnent déjà les légères atteintes : chez l’homme, c’est un véritable fléau ; en voulez-vous un exemple ?

Voyez cette légion de misérables gens qui n’ont jamais eu d’autre pensée que de remplir leur bourse et jamais leur tête, et pour qui le bien-être devient alors un châtiment, parce qu’il les livre aux tortures de l’ennui. On les voit, pour s’y soustraire, galoper de côtés et d’autres, s’informer avec angoisse des lieux de plaisir et de réunion d’une ville dès qu’ils y arrivent comme le nécessiteux des endroits où il trouvera des secours, – et, en effet, la pauvreté et l’ennui sont les deux pôles de la vie humaine. Enfin il reste à rappeler que dans les plaisirs de l’amour, l’homme a des choix très particuliers et très opiniâtres, qui parfois s’élèvent plus ou moins jusqu’à l’amour passionné. C’est là encore pour lui une source de longues peines et de courtes joies …

Pensées, maximes et fragments, traduction Burdeau. De Schopenhauer   

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Le Pouvoir du silence

Posté par othoharmonie le 11 février 2014

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     »Notre silence intérieur a un pouvoir. Si, au lieu de répondre à la vibration qui nous vient, nous restons dans une immobilité intérieure absolue, nous verrons que cette immobilité dissout la vibration; c’est comme un champ de neige autour de soi, où tous les heurts sont saisis, annulés. Nous pouvons prendre l’exemple simple de la colère; au lieu de nous mettre à vibrer intérieurement à l’unisson de celui qui parle, si nous savons rester immobile au–dedans, nous verrons la colère de l’autre se dissoudre peu à peu, comme une fumée…Seulement, il ne s’agit pas d’avoir un masque impassible et de bouillonner en dedans; on ne triche pas avec les vibrations (la bête le sait bien); il ne s’agit pas de la soi–disant « maîtrise de soi », qui n’est qu’une maîtrise des apparences, mais de la vraie maîtrise, intérieure. Et ce silence peut annuler n’importe quelle vibration pour la simple raison que toutes les vibrations, de quelque ordre qu’elles soient, sont contagieuses, les vibrations les plus hautes comme les plus basses, notons–le; c’est ainsi que le Maître peut transmettre des expériences spirituelles ou un pouvoir à un disciple et il dépend de nous d’accepter la contagion ou non; si nous avons peur, c’est que déjà nous avons accepté la contagion, et donc accepté le coup de l’homme en colère.

    Mais ce pouvoir de silence ou d’immobilité intérieure a des applications beaucoup plus importantes; nous voulons parler de notre propre vie psychologique. Ce vital, nous le savons, est le lieu de bien des misères et des perturbations, mais aussi la source d’une grande force; il s’agit donc – un peu comme dans la légende indienne du cygne qui séparait l’eau du lait – d’extraire la force de vie sans ses complications et sans s’extraire soi–même de la vie.

     Faut–il dire que les vraies complications ne sont pas dans la vie mais en nous–même, et que toutes les circonstances extérieures sont à l’exacte image de ce que nous sommes. Or, la grosse difficulté du vital est qu’il s’identifie faussement à tout ce qui semble sortir de lui, il dit: « ma » peine, « ma » dépression, « mon » tempérament, « mon » désir, et se prend pour toutes sortes de petits je qui ne sont pas lui. Si nous sommes persuadés que toutes ces histoires sont notre histoire, il n’y a rien à faire, évidemment, qu’à supporter la petite famille jusqu’à ce qu’elle ait fini sa crise. Mais si l’on est capable de faire le silence au dedans, on voit bien que rien de tout cela n’est à nous; tout vient du dehors.. Nous accrochons toujours les mêmes longueurs d’onde, nous nous laissons gagner par toutes les contagions. Par exemple, nous sommes en compagnie de telle ou telle personne, nous sommes tout silencieux et immobile au–dedans (ce qui ne nous empêche pas de parler au–dehors et d’agir normalement), tout à coup, dans cette transparence, nous sentons quelque chose qui nous tire ou qui cherche à entrer en nous, comme une pression ou une vibration autour (qui peut se traduire par un malaise indéfinissable), si nous attrapons la vibration, nous nous retrouvons, cinq minutes après, en train de lutter contre une dépression, ou d’avoir tel désir, telle fébrilité – nous avons attrapé la contagion. Et quelquefois, ce ne sont même pas des vibrations, ce sont de véritables vagues qui nous tombent dessus. Il n’est pas besoin, non plus d’être en compagnie pour cela; on peut être seul dans l’Himalaya et recevoir aussi bien les vibrations du monde. Où est « notre » fébrilité, « notre » désir là–dedans ? Sinon dans une habitude d’accrocher indéfiniment les mêmes impulsions.

Sri Aurobindo ou L’Aventure de la Conscience, Buchet Chastel. De Satprem  

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