Tous les hommes sont philosophes
Posté par othoharmonie le 18 février 2014
»Il faut détruire le préjugé très répandu que la philosophie est quelque chose de très difficile du fait qu’elle est l’activité intellectuelle propre d’une catégorie déterminée de savants spécialisés ou de philosophes professionnels ayant un système philosophique. Il faut donc démontrer en tout premier lieu que tous les hommes sont « philosophes », en définissant les limites et les caractères de cette « philosophie spontanée>, propre à tout le monde >, c’est-à-dire de la philosophie qui est contenue :
1. dans le langage même, qui est un ensemble de notions et de concepts déterminés et non certes exclusivement de mots grammaticalement vides de contenu ;
2. dans le sens commun et le bon sens ;
3. dans la religion populaire et donc également dans tout le système de croyances, de superstitions, opinions, façons de voir et d’agir qui sont ramassées généralement dans ce qu’on appelle le folklore. Une fois démontré que tout le monde est philosophe, chacun à sa manière, il est vrai, et de façon inconsciente – car même dans la manifestation la plus humble d’une quelconque activité intellectuelle, le « langage » par exemple, est contenue une conception du monde déterminée -, on passe au second moment, qui est celui de la critique et de la conscience, c’est-à-dire à la question :
Est-il préférable de » penser » sans en avoir une conscience critique, sans souci d’unité et au gré des circonstances, autrement dit de « participer » à une conception du monde » imposée mécaniquement par le milieu ambiant ; ce qui revient à dire par un de ces nombreux groupes sociaux dans lesquels tout homme est automatiquement entraîné dès son entrée dans le monde conscient (et qui peut être son village ou sa province, avoir ses racines dans la paroisse et dans l’ »activité intellectuelle » du curé ou de l’ancêtre patriarcal dont la « sagesse » fait loi, de la bonne femme qui a hérité de la science des sorcières ou du petit intellectuel aigri dans sa propre sottise et son impuissance à agir) ; ou bien est-il préférable d’élaborer sa propre conception du monde consciemment et suivant une attitude critique et par conséquent, en liaison avec le travail de son propre cerveau, choisir sa propre sphère d’activité, participer activement à la production de l’histoire du monde, être à soi-même son propre guide au lieu d’accepter, passivement et de l’extérieur, une empreinte imposée à sa propre personnalité ?
Introduction à l’étude de la philosophie et du matérialisme historique, Editions sociales, éditions de 1977. par Gramsci
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.