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Que faire de ses dix doigts en philosophie ?

Posté par othoharmonie le 18 mai 2014

 

images (14)Pas grand chose, voilà sans doute ce que vous pensez, comme tout le monde. Bien sûr, on peut toujours mettre le doigt sur un problème, tout en évitant de se le mettre dans l’oeil, mais ce ne sont que des façons de parler. En fait, quand il s’agit de réfléchir, vos doigts vous seraient bien inutiles. C’est faux et archi-faux, je vais vous le montrer.

Faites passer votre index sous le médium de la même main. Au bout de ces deux doigts croisés, placez une bille en verre, en métal, en bois ou en plastique, peu importe. Palpez, faites rouler, attrapez… Vous aurez vite l’impression qu’il y a deux billes, et non une. Remplacez la bille par un crayon, tenu entre vos doigts croisés, vous aurez deux crayons pour le prix d’un…

Cette illusion est connue depuis plus de vingt-cinq siècles. Aristote, le fondateur de la métaphysique, fut le premier à la mentionner. Ensuite, on l’a bien oubliée. Voilà pourtant une petite expérience qui, loin d’être seulement une curiosité amusante, pourrait bien nous mettre sur la voie de réflexions importantes. Il suffit de croiser les doigts pour… comment dire ? « Toucher double », comme on parle de « voir double » : le réel semble profondément perturbé par cette simple inversion des doigts, qui entrecroise nos capteurs sensoriels.

Posez maintenant votre index sur le pouce de la même main, pulpe contre pulpe. Fermez les yeux, frottez doucement un doigt contre l’autre, et demandez-vous : qui touche ? Et qui est touché ? C’est vertigineusement indiscernable. Cette fois, c’est vous qui êtes dédoublé, tout en restant entier des deux côtés ! Voilà un jeu élémentaire qui permet de soulever quantité de questions abyssales. Où donc est le sujet, où donc est l’objet ? Qui est sentant, qui est senti ? A quel registre de réalité appartient cette sensation ? En fait, vous voilà aux portes de la métaphysique. A deux doigts de toucher à l’essentiel.

Car ces petits jeux peuvent vous faire voir autrement ce rapport à soi qu’on appelle la « réflexivité », tout comme le fait de s’éprouver soi-même ou « autoaffectivité », mais aussi les relations complexes, et mal élucidées, de la chair et du monde, du dehors et du dedans de nous-mêmes. De proche en proche, vous pourriez bien vous retrouver en balade dans différentes « logies » (psycho-, onto-, phénoméno-, théo- et quelques autres). Comme quoi, on a tort de penser que jouer avec ses doigts est juste bon pour la cour de récréation de l’école primaire. Décidément, avec ces trucs qui n’ont l’air de rien, on sait quand on commence, mais il suffit d’envisager les conséquences pour être encore à l’auberge longtemps après. Quand vous en aurez assez, dites « pouce ! ».

par Roger-Pol Droit

Publié dans Philosophie de la VIE | Pas de Commentaire »

La tentation du déni

Posté par othoharmonie le 18 mai 2014

 

 

images (13)Nous nous trouvons dans l’ashram interreligieux de Pipal Tree, à vingt kilomètres de Bangalore, triomphante cité informatique de l’Inde du XXIe siècle. Quelques semaines avant la conférence écologique mondiale Rio + 20 qui doit s’ouvrir le 20 juin sur le thème de « l’économie verte », une centaine d’experts et de militants sont venus du monde entier échanger leurs visions, à l’invitation de l’association Fireflies présidée par le journaliste indien Siddhartha, et des Dialogues en humanité * animés par le philosophe français Patrick Viveret et par Geneviève Ancel, chargée du développement durable à la mairie de Lyon. Il y a là des Australiens, des Népalais, des Italiens, des Sri-Lankais, des Suisses, des Américains… Les trois délégations les plus importantes sont indienne, française et brésilienne, et leurs chiffres convergent vers ce que tout le monde redoute : nous nous dirigerions vers l’hypothèse « forte » du réchauffement global. Commentaire du biochimiste brésilien Emerson Sales (lire l’encadré ci-contre) : « Nous savons que la capacité d’autorégulation de la biosphère s’est enrayée en 1984, du fait des activités humaines. Treize ans après, à Kyoto, les Etats s’étaient engagés à faire baisser leurs émissions de CO2 de 5 % d’ici 2020. Ils n’y parviendront pas alors qu’il faudrait faire passer ce chiffre à 85 % d’ici 2050 ! Préparons-nous donc au pire. » 

Toute l’humanité est concernée, mais à court terme, les premiers à souffrir, ou à mourir, seront évidemment les plus défavorisés. Le problème est si énorme que le déni est une forte tentation. Le très pince-sans-rire John Clammer, chargé d’explorer les effets culturels du chaos climatique pour l’Institut de la soutenabilité et de la paix de l’université des Nations unies, nous invite à lire « Effondrements », de Jared Diamond (Folio, 2009). Ce biologiste évolutionniste américain a plongé dans l’histoire pour comprendre comment des sociétés humaines avaient déjà pu « décider de disparaître ». Comment ? Dans une inhibition fébrile, face aux dangers qu’elles voyaient pourtant arriver de loin…

 Pays du sud et durs à cuire 

La fresque est sombre. Qu’est-ce qui explique alors que je sois revenu de ces Dialogues de Bangalore plutôt regonflé d’espoir ? Trois raisons. La première est la confirmation d’une incroyable floraison d’initiatives locales, écologiquement intelligentes, que prennent les sociétés civiles, dans le monde entier, parfois au sein de populations très défavorisées. Comme les participants aux forums sociaux mondiaux depuis 2001, ceux des Dialogues voient là un « localisme » dont la force contrebalancerait celle de la mondialisation capitaliste (lire p. 68). Que ce phénomène se produise surtout dans les pays du Sud change la donne planétaire.

La seconde raison d’espérer est que les acteurs de ces initiatives sont plutôt des durs à cuire – beaucoup d’ex-révolutionnaires marxistes – qui ont traversé de nombreuses épreuves et désillusions et parlent aujourd’hui à partir, non pas de projets, mais de dix, vingt, trente ans de pratique, souvent réussie. 

Quant à la troisième raison, elle aurait plu aux prophètes visionnaires de l’écologie, de Henry D. Thoreau à Ivan Illich, d’Elisée Reclus à Rachel Carson, de Gandhi à Ernst Schumacher : bien que venus d’horizons philosophiques variés, la quasi-totalité des participants à ces Dialogues affirme que le cœur de la crise n’est ni écologique, ni économique, ni politique, mais spirituel. Ce sont nos valeurs profondes qui sont en jeu, nos raisons et façons de vivre. Dire que la terre est sacrée n’est pas une parole en l’air. Sans elle, nous n’existerions pas. Cela implique de notre part une conversion de vie radicale que, pour la plupart, nous n’avons pas encore accomplie – dans le sens d’une plus grande frugalité, cela va de soi. Et donc de plus de temps de vivre, de plaisir, de solidarité, de joie. 

* La suite, du 6 au 8 juillet, à Lyon : www.dialoguesenhumanite.org

 

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Les Hippies de la forêt

Posté par othoharmonie le 18 mai 2014

 

290px-Bonobo1_CincinnatiZooLes chimpanzés forment une société dictatoriale et xénophobe, avec des mâles dominants qui règnent sur les femelles, se livrent à des guerres, fomentent des complots et usent de tromperie pour détrôner leurs rivaux. Les bonobos, eux, ont inventé une société non violente et égalitaire, s’appuyant sur un système hiérarchique sans dominant ni dominé. Leur ciment social est l’amour pratiqué de façon assidue et multiforme. La gentillesse des mâles envers les femelles, typique de l’espèce, favorise une relation égalitaire entre les sexes. « Faites l’amour, pas la guerre » semble être la devise de ces hippies de la forêt. Un langage de paix qui porte ses fruits : il est rare que ces créatures d’une sensibilité et d’une douceur extraordinaires (tous les éthologues s’accordent sur ce point) adoptent un comportement belliqueux ou jaloux.

« Les chimpanzés résolvent les questions sexuelles par le pouvoir, les bonobos les questions de pouvoir par le sexe,

explique Frans de Waal, directeur du centre de primatologie Yerkes, à Atlanta, aux Etats-Unis, mondialement connu pour ses travaux sur les deux espèces. Chez les bonobos, les conflits ne prennent jamais d’ampleur : l’activité sexuelle se substitue à l’agressivité. Comme source de plaisir d’abord, mais aussi comme tactique subtile pour apaiser les tensions liées à la nourriture, obtenir une faveur, un épouillage. Un peu comme les couples qui font la paix sur l’oreiller après une dispute. »

Dans la lignée de Diane Fossey ou Jane Goodall, de Waal bouleverse tranquillement notre vision des grands singes – et, par la même occasion, des millénaires de pensée philosophique. « Que la vie sociale de l’un de nos plus proches parents soit pacifique et égalitaire apporte un démenti à l’idée si répandue que nous provenons d’un lignage assoiffé de sang, animé d’un désir irrépressible de triompher les uns des autres, dit-il. Une preuve que le singe en nous n’est pas seulement un tueur. Ce n’est pas parce que la sélection naturelle est un processus d’élimination cruel et sans pitié qu’elle doit produire des créatures cruelles et sans pitié. Elle favorise les organismes qui survivent et se reproduisent. Or, ces derniers peuvent propager leurs gènes en devenant moins agressifs, plus coopératifs. C’est ce qu’ont fait les bonobos. »

Le sexe comme une alternative à l’hostilité. Pour perdurer, les bonobos ont choisi la voie du Kama Sutra. Le nouveau gardien du zoo de San Diego s’en souvient. Pas encore initié aux mœurs du Pan paniscus, il avait accepté un jour d’être embrassé par Kevin. Il a failli tomber à la renverse quand il a senti la langue du singe dans sa bouche. Ce french kiss n’était pour le primate qu’une marque d’amitié, le b.a.-ba de l’amour bonobo qui se pratique en toute saison, sans tenir compte des périodes d’ovulation, à deux ou en groupe, entre partenaires de sexe opposé ou non (Frans de Waal parle de « pansexualité » pour dire qu’ils sont ouverts à toutes les relations). Et les bonobos adoptent les positions les plus variées, y compris celle du missionnaire longtemps considérée comme propre à l’homme : massage croupe contre croupe ou ventre contre ventre, masturbation, fellation, long baiser mouillé ou encore une sorte d’« escrime pénienne » qui, en Arabie saoudite, vaudrait aux mâles qui jouent à ce frotti-frotta libertin d’être décapités. Maîtres de la communication érotique, les bonobos ont un langage constitué de plus de vingt gestes et vocalisations distinctes pour indiquer leur désir de copuler ou de s’embrasser. Car les sons émis, comme leurs expressions faciales ravies, ne laissent aucun doute : il s’agit bien de plaisir. Y compris chez les femelles qui atteignent régulièrement l’orgasme et dont la sexualité est non reproductive puisqu’elles ne mettent un petit au monde que tous les cinq ans.

Les bonobos seraient-ils obsédés ? Loin s’en faut. Le sexe, dans leur espèce, fonctionne comme un ciment social. Quand deux mâles se battent, une femelle s’interpose et semble dire : « Bon, les machos, on se calme, venez me faire l’amour et vous verrez, vous serez plus détendus. » Chez ces stakhanovistes du sexe, capables d’aligner huit à dix coïts quotidiens, les compétions entre mâles pour avoir accès aux femelles sont ainsi évitées, de même que les guerres entre communautés. Lorsqu’ils se rencontrent, les groupes se mêlent sans se combattre. Au début, chacun fait un peu son cinéma, les mâles traînent quelques branches pour impressionner l’étranger. Mais très vite, tout le monde se mêle, s’enlace, s’accouple. Le bed-in de John Lennon et  Yoko Ono, en signe de protestation contre la guerre du Vietnam, n’avait d’autre message.  

L’homme, un singe bipolaire 
  « Les bonobos se comportent comme si le contact érotique était la chose la plus normale qui soit pour apaiser les corps et les esprits, assure de Waal. Une activité parmi d’autres qui pimente brièvement, mais fréquemment, la vie sociale. En un rien de temps, ils passent de la nourriture au sexe, du sexe au jeu, de l’épouillage à un baiser, et ainsi de suite… »

Avoir deux proches parents, chimpanzés et bonobos, formant des sociétés si différentes, est fort instructif. D’un côté singes guerriers, de l’autre créatures pacifiques et érotiques. Nous sommes des singes bipolaires, dit de Waal. Alors pourquoi ne pas privilégier la bonobo attitude qui sommeille en nous ? Après tout, faire l’amour toutes les soixante-dix minutes dans le cadre d’un doux matriarcat, il y a pire comme programme…  

Extrait de Soyons Bonobos sur http://www.cles.com/

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