Le temps fait sa révolution
Posté par othoharmonie le 11 juin 2014
« Penser le temps, c’est comme labourer la mer », affirme le physicien et docteur en philosophie Étienne Klein. Nous ne le comprenons pas et, pourtant, nous en parlons sans cesse. Il est « l’obscur ennemi » qui dérobe notre vie. Nous nous sentons prisonniers de son écoulement, emportés inexorablement par le courant, de l’amont de la naissance vers l’aval de la mort : cause-conséquence, avant-après, hier-demain. Nous vivons obsédés par les blessures d’autrefois, ou par celles que pourrait nous réserver l’avenir. Passé et futur, deux facettes de la même médaille.
Dans Le temps existe-t-il ?, Étienne Klein rappelle que c’est avec Galilée et la physique moderne qu’a commencé la « mathématisation du temps ». En Occident, nous en sommes venus à considérer le temps comme « une sorte d’enveloppe mécanique du monde dans laquelle tout s’inscrit, s’insère et se déploie entre un début et une fin, souligne-t-il. Le monde nous apparaît alors comme une succession d’événements au sein de laquelle l’homme se retrouve coincé entre 2 infinis, le passé et l’avenir. »
L’illusion d’un temps linéaire
Nous avons tendance à penser que notre conception linéaire du temps est « la réalité ». Mais elle est en partie culturelle. La pensée chinoise, par exemple, en a une compréhension totalement différente. Le temps n’y est pas conçu comme une succession de moments indifférenciés, de jours passant à la chaîne, mais comme « un ensemble d’ères, de saisons, d’époques, chacune ayant ses conséquences et ses attributs propres, de sorte que nul fil unitaire ne peut les mettre en correspondance », rappelle Étienne Klein. En science, cette conception linéaire du temps est dépassée depuis longtemps. La théorie de la relativité d’Einstein date de plus d’un siècle et n’a jamais été remise en question. Le temps n’est pas un absolu, et varie en fonction de la position de l’observateur et de sa vitesse. Et notre réalité mouvante est formée de fibres de temps et d’espace entre-tissés. Si nous sommes capables d’observer des étoiles dont on sait qu’elles ont en fait déjà disparu, c’est parce que le temps est élastique. Et ce tissu de l’espace-temps présente des irrégularités. « Imaginez une ambulance qui s’approche à toute vitesse d’un trou noir, elle ralentit progressivement, jusqu’à se figer, tandis que sa longueur se compresse », expliquait récemment l’astrophysicien Morvan Salez.
Le monde subatomique d’où surgit notre réalité est également le théâtre d’événements qui défient en permanence la conception linéaire du temps. Dans ce monde, les particules ne sont pas des petites billes qu’on pourrait situer dans un repère grâce à des coordonnées. Ce sont « des entités imprécises, diluées dans l’espace, de nature ondulatoire », écrit Morvan Salez. Tant qu’on n’a pas essayé de les mesurer, elles sont partout à la fois et il est impossible de connaître en même temps leur position et leur vitesse. Elles ont entre elles des liens instantanés quelle que soit la distance qui les sépare. Même si elles sont éloignées de plusieurs kilomètres, tout changement chez l’une provoque instantanément – c’est-à-dire à une vitesse supraluminique – un changement chez l’autre. Autrement dit, elles ont des relations hors espace-temps.
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