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Jusqu’où peut-on aller pour les gens qu’on aime ?

Posté par othoharmonie le 15 juin 2014

téléchargement (2)Quand il apprend que son fils est autiste, le journaliste Rupert Isaacson se lance dans une aventure extraordinaire qui le mène à la rencontre des chevaux guérisseurs du Texas et des chamanes de Mongolie. La quête d’un père pour soigner son fils. Témoignage.

« Jamais je n’aurais imaginé devenir un spécialiste de l’autisme, mais quand Rowan a été diagnostiqué en 2004, à l’âge de deux ans, il a bien fallu que je m’y mette ! » sourit le journaliste, ancien rédacteur de guides de voyage et activiste des droits de l’homme (banni du Botswana pour son soutien aux Bushmen, expulsés de leurs terres afin d’en exploiter les mines de diamants).

Premières années : malgré des traitements biologiques et comportementaux parfois très lourds, l’enfant ne progresse pas ; ses crises sont violentes, il crie et pleure pendant des heures, incapable d’échanger par le geste ou la parole. Jusqu’au jour où il échappe à son père et fonce dans l’enclos du voisin se jeter aux pieds d’une jument réputée difficile. « Elle a spontanément baissé la tête et remué les lèvres, en signe de soumission, raconte Rupert. Moi qui monte à cheval depuis l’enfance, je n’avais jamais vu ça ! Comme si mon fils avait un lien mystérieux à l’animal, une forme de communication directe avec lui. »

Le lien se confirme : sur le dos de la jument, Rowan se calme, commence à exprimer ses sentiments et volontés. « Les animaux pensent en images, comme beaucoup d’autistes, commente Temple Grandin, professeur de sciences animales à l’université du Colorado, elle-même autiste. Nous avons du mal à entrer en contact avec les gens qui pensent avec des mots ou suivant d’autres schémas mentaux, mais il nous est souvent facile de communiquer avec les animaux. Certains enfants autistes font savoir ce qu’ils veulent dire à leur famille par l’intermédiaire d’un animal dont ils sont proches. Celui-ci sert de pont entre le monde des autistes et celui des autres humains ». Des études montrent aussi qu’un balancement répétitif stimule les récepteurs cérébraux impliqués dans l’apprentissage, et favorise le roulement du bassin, producteur naturel d’ocytocine, l’hormone du bien-être. « Dans ces conditions, l’enfant reçoit et retient l’information de façon étonnante », confirme Rupert. Fort de cette expérience, il met au point un programme d’équitation pour enfants atteints de troubles du comportement, rassemble des fonds, crée une fondation et un centre au Texas, organise des camps, forme d’autres professionnels…

Mais si Rupert est mondialement connu, c’est aussi pour avoir amené son petit garçon au fin fond de la Mongolie, à cheval, à la rencontre de chamanes – un périple qu’il raconte dans son livre L’enfant cheval, publié dans trente pays. « Je n’ai pourtant jamais été branché New Age ! Ces trucs ne m’intéressaient pas, jusqu’à ce que je me retrouve au Kalahari pour écrire un livre sur la situation désespérée des Bushmen. » Là, Rupert assiste à une cérémonie : tribu assise en cercle, chants lancinants, mains qui battent le rythme… « Un petit homme se met à chanter et danser jusqu’à la transe. Il tombe dans le feu, se relève sans trace de brûlure, puis bondit aux pieds d’une vieille dame aux jambes déformées par la polyarthrite. » Le lendemain, la femme est guérie.

Poussé par son instinct, Rupert décide de partir à la recherche de Besa, un guérisseur puissant, réputé pour se transformer en animal et utiliser leurs pouvoirs. Les deux hommes se lient d’amitié. Peu à peu, Rupert en vient à voir le chamanisme comme « une réalité ordinaire, naturelle, complémentaire à la médecine occidentale. Pour les Bushmen, c’est un outil quotidien, qui les aide à survivre dans un environnement hostile. Si ça ne marchait pas, ils seraient déjà tous morts ! »
L’expérience aurait pu en rester là, mais Rupert constate un jour que son fils fait de surprenants progrès au contact des chamanes. « J’escortais une délégation Bushman à l’ONU, raconte-t-il. Leur venue aux USA coïncidant avec une convention internationale de chefs tribaux et de guérisseurs traditionnels, je les ai accompagnés ; ma femme et mon fils m’y ont rejoint. D’abord très tendu, Rowan a laissé quelques chamanes le toucher. Quelques heures plus tard, il s’approchait des gens et leur montrait ses jouets, comme un petit garçon classique. »

L’effet ne dure pas, mais Rupert a une idée : pourquoi ne pas amener l’enfant là où culture équestre et chamanisme cohabitent, c’est-à-dire en Mongolie ?

« Le mot chamane vient de là, rappelle-t-il ; en langue sibérienne, il désigne celui qui sait, qui fait le lien entre la réalité terrestre et la dimension spirituelle. » Sa femme Kristin, professeur de psychologie à l’université d’Austin, est sceptique, mais « en bonne scientifique, elle a l’esprit ouvert ! » Fidèle à son intuition, Rupert organise le voyage, d’Oulan-Bator à l’extrême Nord, où vivent les Tsaatans, le Peuple du Renne, « dont la tradition chamanique n’a pas connu d’interruption ».
La première cérémonie réunit neuf chamanes. Quatre heures durant, dotés de coiffes qui leur cachent les yeux, les guérisseurs jouent du tambour (l’un d’eux de la guimbarde), chantent, dansent, appellent les esprits, psalmodient des prières, lancent des offrandes, « tambourinent et tourbillonnent encore et encore », ne sortant de leur transe que pour poser les mains sur l’enfant, faire boire du lait à ses parents, leur cracher de la vodka dessus et leur donner des coups de fouet ! Rowan alterne rires et hurlements, puis finit par s’abandonner à la danse, visiblement heureux, « le tambour et les cris des chamanes tonnant à quelques centimètres de son visage ».
La rencontre avec le guérisseur tsaatan est plus dépouillée : masque à tête de rapace, lait de renne, herbes séchées fumantes tapotées doucement sur la tête, le cou, les épaules et le dos de l’enfant, vingt minutes de tambour, de danse et de chant… « Rowan est l’un des nôtres, confie-t-il à Rupert. Il a accepté la guérison, ses troubles vont bientôt disparaître. »

Les résultats ? Impressionnants. « A son retour de Mongolie, il était visiblement différent, témoigne un ami de la famille, le journaliste anglais John Mitchinson. Plus posé, ouvert aux autres, capable de s’exprimer intelligiblement. » Une fois rentré au Texas, ses colères, son anxiété et son hyperactivité disparaissent complètement. Son statut scolaire est réévalué ; à cinq ans, il lit comme un enfant de sept. Quelques mois plus tard, il se débrouille seul à cheval et possède toute une bande de copains – dont un seul souffrant d’une variété d’autisme.

« Je ne sais pas si je crois au chamanisme, ni comment et pourquoi ça marche, commente Rupert, je peux juste témoigner des effets observés sur mon fils. » Selon Temple Grandin, les rythmes répétitifs utilisés pendant les rituels pourraient contribuer à ouvrir les récepteurs cérébraux liés à l’apprentissage. « Mais même si c’est un effet placebo, ça n’enlève rien aux résultats ! dit Rupert. Toutes les médecines ont une part d’irrationnel. »
Depuis, sur les conseils des chamanes mongols, père et fils sont partis à la rencontre d’autres guérisseurs traditionnels, en Namibie, en Australie, bientôt en Amazonie… A chaque fois, les progrès de Rowan sont nets. Au point de conseiller aux parents d’enfants autistes de faire de même ? « Si on me le demande, je peux donner quelques conseils, le premier d’entre eux étant de se méfier des charlatans ! Le chamanisme fait partie de mon histoire personnelle. A chacun de faire son expérience, sans se fier à un seul son de cloche. Chaque enfant est différent ; il faut tout essayer, quitte à se planter, jusqu’à trouver la clé de son monde. » Car pour Rupert, l’autisme n’est pas un mal à éradiquer. « Si tu le vois sous cet angle, tu vas dans le mur. La plupart des autistes sont dotés de capacités extraordinaires. Le challenge, c’est de trouver comment accéder à leur intellect et surmonter leurs difficultés pour épanouir leurs talents. Regarde les guérisseurs indigènes, beaucoup présentent des symptômes neuropsychiatriques ! Dans nos sociétés, ils seraient placés en institution ; chez eux, leur particularité est perçue comme une qualification, pas une disqualification… Si tu adoptes la bonne attitude, ce que tu pensais être une catastrophe peut se transformer en une formidable opportunité. »

Aujourd’hui, Rowan a dix ans. Toujours autiste, « c’est son essence », mais débarrassé de ses souffrances.« Il ne sera jamais guéri de son autisme, et je ne voudrais pas qu’il le soit, conclut Rupert. Ce serait se fourvoyer. Pourquoi ne pourrait-il pas nager entre deux mondes, comme un migrant entre deux cultures ? Apprendre les compétences nécessaires à survivre dans celui-ci, tout en conservant la magie du sien. » 

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téléchargement (3)Livres L’enfant cheval, Rupert Isaacson, Ed. Albin Michel (2009) Les derniers hommes du Kalahari, Rupert Isaacson, Ed. Albin Michel (2008)

Documentaire The Horse Boy, Michel Orion Scott (2009). En cours de traduction française (pas encore de distributeur). www.horseboymovie.com

Equithérapie Centres et camps aux Etats-Unis, au Canada, en Grande-Bretagne. Méthode désormais disponible en France (Nice, Paris, Nantes), Allemagne, Belgique. www.horseboyworld.com

Autisme Une naissance sur 100 touchée par des troubles du spectre austitique. Une sur 88 aux Etats-Unis (un garçon sur 58). Croissance exponentielle ces dernières années, liée peut-être à une interaction entre gènes et environnement (et la toxicité de celui-ci). 650 000 personnes atteintes en France.

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Savourer chaque signe d’amour

Posté par othoharmonie le 15 juin 2014

 

images (2)Parmi les légendes du reggae, il y a Bob Marley… et Alpha Blondy. Le chanteur ivoirien, dont la musique résonne depuis trente ans du cœur de l’Afrique au fin fond du Brésil, parle de sa vie comme d’une grande connexion. Confidences.

Votre dernier album se nomme Mystic Power – « Pouvoir mystique ». A quoi faites-vous référence ?

L’une des chansons de cet album s’appelle Woman. J’ai eu la chance d’assister à la naissance de certains de mes enfants ; voir une femme donner la vie m’a fait prendre conscience qu’elles détiennent le pouvoir suprême, c’est-à-dire la force physique et spirituelle de surpasser la douleur pour engendrer l’humanité, qui est à mes yeux le plus grand mystère de l’univers. Cette force d’amour et d’intention positive, voilà ce que j’appelle le mystic power. Nous en sommes tous issus et nous y participons tous – que nous en soyons conscients ou non. L’homme est à la fois infiniment complexe et infiniment bon ; nous interroger sur notre part divine, c’est déjà faire un pas vers elle. 

La créativité est-elle un autre signe du mystère ?
Je suis incapable d’expliquer comment naissent mes chansons. Elles me tombent dessus quand elles le souhaitent, alors que je suis en train de discuter, de regarder un film ou une émission. Quand je réécoute certains de mes titres, je me demande d’où m’est venue l’inspiration ! J’ai l’impression que ni mon cerveau ni les informations qu’il contient, ne m’appartiennent. Comme si nous n’étions que des vecteurs, dotés chacun d’une mission complémentaire, dont aucune n’est plus importante que l’autre. Tout est lié, l’envol d’un papillon à Paris peut créer un cyclone aux Antilles. Le monde est en mouvement grâce à la conjugaison de nos actions.

Votre musique a le pouvoir de transcender les frontières. Comment l’expliquez-vous ?
Quand j’étais gamin, j’écoutais beaucoup de chansons en anglais ; je ne comprenais pas encore cette langue, mais certaines me faisaient pleurer. Il doit en être de même avec mes succès. Le reggae est un mouvement spirituel et sociopolitique d’appel à la paix. Au-delà, il y a dans la musique une magie auquel nous sommes tous sensibles. Quand je joue avec mon groupe, arrive un moment où j’ai l’impression que nous ne faisons plus qu’un. Comme si les guitares, la batterie, les cuivres, les voix, tout n’émanait que d’une seule personne. Idem avec le public : que des anglophones reprennent des paroles en français, que des francophones chantent un refrain en dioula, ne cesse de m’émerveiller. Pendant les concerts, je sens souvent qu’une osmose se crée, qu’un fluide passe. D’où vient cette alchimie ? Je n’en sais rien. Quand on est en CM1, on ne comprend pas les équations de classe de troisième. De même, je me dis qu’il existe une intelligence dont on n’a pas toutes les clés. Et Dieu merci.

Ce ne serait pas bien, parfois, que l’humanité soit plus éclairée ?
Certains hommes le sont. Qu’ils soient prêtres, rabbins, imams ou autres, peu importe : si leur vérité spirituelle me touche, je bois leurs paroles. L’urgence est de cultiver le lien. Dans le contexte ivoirien, c’est plus que nécessaire : le tissu social y est dans un état désastreux, tout le monde se regarde en chiens de faïence. Dans la chanson Réconciliation, je fais intervenir des chanteurs d’ethnies différentes, afin d’essayer à notre modeste niveau de toucher les cœurs et de participer à recoller les morceaux. J’ai connu l’époque d’une Côte d’Ivoire unie, où l’on avait des amis de toutes origines, où rien ne nous guidait que l’amour de la vie et des moments partagés. C’était sain.

Vous avez été nommé ambassadeur de l’ONU pour la Paix. Utile ? 
Cette nomination m’a donné l’impression d’être important ; puis j’ai réalisé mon impuissance et ma naïveté. Des présidents africains m’ont reçu, j’ai mis tout mon cœur à leur expliquer les propositions de sortie de crise que j’avais à leur porter. Cause toujours tu m’intéresse… Le jeu politique est au-delà des états d’âme. Je suis retourné à mes chansons, en tâchant d’envoyer toujours les mêmes ondes d’espoir. Entre les mains de nouvelles volontés, nos idées utopiques deviendront peut-être un jour réalité.

Quand vous êtes énervé, fatigué, comment vous recentrez-vous ?
En racontant à mes enfants des blagues qui ne font rire que moi ! Passer du temps avec eux me permet de mettre les choses en perspective. Au milieu d’une conversation, je prends du recul et je réalise la magie d’être là. Je me rends compte que j’ai beaucoup de chance, que la vie des autres est moins facile. Je critique par exemple beaucoup les hommes politiques, mais je ne suis pas sûr que j’aurais aimé avoir leur vie. Quand ils arrivent au pouvoir, ils sont beaux gosses ; un an après, ils ont de gros cernes et le teint gris ! Personne n’est foncièrement mauvais, tout le monde commet des erreurs. L’important c’est d’essayer de nous améliorer, en mettant tout notre cœur à accomplir la mission qui nous a été confiée. 

Avez-vous toujours été dans cet état d’esprit ?
J’ai eu ma période d’irresponsabilité, lorsque je fumais de l’herbe. Je ne sais pas de quoi j’avais peur ni ce que j’essayais de fuir… Peut-être que ça devait faire partie de mon parcours. Parvenir à m’en sortir, il y a dix-sept ans, a renforcé ma foi : comme je n’arrivais pas à arrêter seul, j’ai fini par implorer l’aide d’une force supérieure, par la prière… Quelque temps après, on m’a donné un joint ; j’ai tiré une taffe, elle m’a fait l’effet d’une bombe atomique. Moi qui étais censé être très habitué, j’avais des sueurs, des palpitations. Je me suis senti tellement mal que j’ai compris que c’était fini, j’étais guéri.

Qu’est-ce que votre parcours vous a appris de la vie ?
J’ai longtemps été excessif. La vie met des épreuves sur nos routes ; je suis tombé dans certains pièges. Désormais, je m’efforce de les éviter, de ne pas laisser mon côté « humanoïde » prendre le dessus sur la part divine qui est en chacun de nous. Respecter tout le monde, être plus à l’écoute, me soucier des autres. Accepter les critiques, aussi, même si elles font mal, comme une incitation à chercher encore plus profond en moi pour donner le meilleur. Et savourer chaque signe d’amour et d’attention. Quand ma fille prend du temps pour m’accompagner à une interview, ça me touche. Quand les mères de mes enfants m’appellent pour prendre des nouvelles, ça me touche. Des moments suspendus de grand bonheur. 

Avez-vous peur de la mort ?
Ce qui me fait peur, c’est le grand inconnu. Ce qui me rassure, c’est de me dire : il y a cent ans, où étais-tu ? Dans cent ans, où seras-tu ? Au fond, pourquoi t’inquiètes-tu ? Celui qui t’a amené là connaît la route.

Pour en savoir plus

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