Savourer chaque signe d’amour

Posté par othoharmonie le 15 juin 2014

 

images (2)Parmi les légendes du reggae, il y a Bob Marley… et Alpha Blondy. Le chanteur ivoirien, dont la musique résonne depuis trente ans du cœur de l’Afrique au fin fond du Brésil, parle de sa vie comme d’une grande connexion. Confidences.

Votre dernier album se nomme Mystic Power – « Pouvoir mystique ». A quoi faites-vous référence ?

L’une des chansons de cet album s’appelle Woman. J’ai eu la chance d’assister à la naissance de certains de mes enfants ; voir une femme donner la vie m’a fait prendre conscience qu’elles détiennent le pouvoir suprême, c’est-à-dire la force physique et spirituelle de surpasser la douleur pour engendrer l’humanité, qui est à mes yeux le plus grand mystère de l’univers. Cette force d’amour et d’intention positive, voilà ce que j’appelle le mystic power. Nous en sommes tous issus et nous y participons tous – que nous en soyons conscients ou non. L’homme est à la fois infiniment complexe et infiniment bon ; nous interroger sur notre part divine, c’est déjà faire un pas vers elle. 

La créativité est-elle un autre signe du mystère ?
Je suis incapable d’expliquer comment naissent mes chansons. Elles me tombent dessus quand elles le souhaitent, alors que je suis en train de discuter, de regarder un film ou une émission. Quand je réécoute certains de mes titres, je me demande d’où m’est venue l’inspiration ! J’ai l’impression que ni mon cerveau ni les informations qu’il contient, ne m’appartiennent. Comme si nous n’étions que des vecteurs, dotés chacun d’une mission complémentaire, dont aucune n’est plus importante que l’autre. Tout est lié, l’envol d’un papillon à Paris peut créer un cyclone aux Antilles. Le monde est en mouvement grâce à la conjugaison de nos actions.

Votre musique a le pouvoir de transcender les frontières. Comment l’expliquez-vous ?
Quand j’étais gamin, j’écoutais beaucoup de chansons en anglais ; je ne comprenais pas encore cette langue, mais certaines me faisaient pleurer. Il doit en être de même avec mes succès. Le reggae est un mouvement spirituel et sociopolitique d’appel à la paix. Au-delà, il y a dans la musique une magie auquel nous sommes tous sensibles. Quand je joue avec mon groupe, arrive un moment où j’ai l’impression que nous ne faisons plus qu’un. Comme si les guitares, la batterie, les cuivres, les voix, tout n’émanait que d’une seule personne. Idem avec le public : que des anglophones reprennent des paroles en français, que des francophones chantent un refrain en dioula, ne cesse de m’émerveiller. Pendant les concerts, je sens souvent qu’une osmose se crée, qu’un fluide passe. D’où vient cette alchimie ? Je n’en sais rien. Quand on est en CM1, on ne comprend pas les équations de classe de troisième. De même, je me dis qu’il existe une intelligence dont on n’a pas toutes les clés. Et Dieu merci.

Ce ne serait pas bien, parfois, que l’humanité soit plus éclairée ?
Certains hommes le sont. Qu’ils soient prêtres, rabbins, imams ou autres, peu importe : si leur vérité spirituelle me touche, je bois leurs paroles. L’urgence est de cultiver le lien. Dans le contexte ivoirien, c’est plus que nécessaire : le tissu social y est dans un état désastreux, tout le monde se regarde en chiens de faïence. Dans la chanson Réconciliation, je fais intervenir des chanteurs d’ethnies différentes, afin d’essayer à notre modeste niveau de toucher les cœurs et de participer à recoller les morceaux. J’ai connu l’époque d’une Côte d’Ivoire unie, où l’on avait des amis de toutes origines, où rien ne nous guidait que l’amour de la vie et des moments partagés. C’était sain.

Vous avez été nommé ambassadeur de l’ONU pour la Paix. Utile ? 
Cette nomination m’a donné l’impression d’être important ; puis j’ai réalisé mon impuissance et ma naïveté. Des présidents africains m’ont reçu, j’ai mis tout mon cœur à leur expliquer les propositions de sortie de crise que j’avais à leur porter. Cause toujours tu m’intéresse… Le jeu politique est au-delà des états d’âme. Je suis retourné à mes chansons, en tâchant d’envoyer toujours les mêmes ondes d’espoir. Entre les mains de nouvelles volontés, nos idées utopiques deviendront peut-être un jour réalité.

Quand vous êtes énervé, fatigué, comment vous recentrez-vous ?
En racontant à mes enfants des blagues qui ne font rire que moi ! Passer du temps avec eux me permet de mettre les choses en perspective. Au milieu d’une conversation, je prends du recul et je réalise la magie d’être là. Je me rends compte que j’ai beaucoup de chance, que la vie des autres est moins facile. Je critique par exemple beaucoup les hommes politiques, mais je ne suis pas sûr que j’aurais aimé avoir leur vie. Quand ils arrivent au pouvoir, ils sont beaux gosses ; un an après, ils ont de gros cernes et le teint gris ! Personne n’est foncièrement mauvais, tout le monde commet des erreurs. L’important c’est d’essayer de nous améliorer, en mettant tout notre cœur à accomplir la mission qui nous a été confiée. 

Avez-vous toujours été dans cet état d’esprit ?
J’ai eu ma période d’irresponsabilité, lorsque je fumais de l’herbe. Je ne sais pas de quoi j’avais peur ni ce que j’essayais de fuir… Peut-être que ça devait faire partie de mon parcours. Parvenir à m’en sortir, il y a dix-sept ans, a renforcé ma foi : comme je n’arrivais pas à arrêter seul, j’ai fini par implorer l’aide d’une force supérieure, par la prière… Quelque temps après, on m’a donné un joint ; j’ai tiré une taffe, elle m’a fait l’effet d’une bombe atomique. Moi qui étais censé être très habitué, j’avais des sueurs, des palpitations. Je me suis senti tellement mal que j’ai compris que c’était fini, j’étais guéri.

Qu’est-ce que votre parcours vous a appris de la vie ?
J’ai longtemps été excessif. La vie met des épreuves sur nos routes ; je suis tombé dans certains pièges. Désormais, je m’efforce de les éviter, de ne pas laisser mon côté « humanoïde » prendre le dessus sur la part divine qui est en chacun de nous. Respecter tout le monde, être plus à l’écoute, me soucier des autres. Accepter les critiques, aussi, même si elles font mal, comme une incitation à chercher encore plus profond en moi pour donner le meilleur. Et savourer chaque signe d’amour et d’attention. Quand ma fille prend du temps pour m’accompagner à une interview, ça me touche. Quand les mères de mes enfants m’appellent pour prendre des nouvelles, ça me touche. Des moments suspendus de grand bonheur. 

Avez-vous peur de la mort ?
Ce qui me fait peur, c’est le grand inconnu. Ce qui me rassure, c’est de me dire : il y a cent ans, où étais-tu ? Dans cent ans, où seras-tu ? Au fond, pourquoi t’inquiètes-tu ? Celui qui t’a amené là connaît la route.

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