Les origines de l’empathie
Posté par othoharmonie le 28 juin 2014
Ce n’est pas une seule région cérébrale, mais, au contraire, tout un réseau neuronal qui nous pousse à souffrir des malheurs qui affectent ceux que nous aimons.
Plus la science progresse, plus les chercheurs découvrent que le cerveau est plus complexe que ce que l’on croyait. Et dans tous les domaines. Derniers travaux en date, ceux d’une équipe montpelliéraine de l’Inserm*, récemment publiés dans la revueCortex. Selon ces spécialistes, il est désormais inutile de tenter de localiser une zone qui pourrait être « associée à la mentalisation », donc à cette fonction qui permet d’éprouver de l’empathie pour les autres. Malgré ce que semblaient indiquer les résultats de travaux précédents, cette sensibilité aux malheurs de notre entourage résulterait de la synchronisation de nombreux réseaux neuronaux connectés entre eux.
Chirurgie éveillée
« La mentalisation est une fonction extrêmement importante sur le plan social, qui permet de percevoir et d’interpréter les pensées et le comportement d’autrui. Chacun peut ainsi se mettre à la place de la personne qu’il a en face de lui et ressentir ses émotions ou tenter de prévoir ses réactions », rappellent les auteurs de ce travail sur le site de l’Inserm. Et grâce aux progrès de l’imagerie cérébrale, il est désormais possible d’observer l’activation des différentes zones du cerveau des individus en fonction des tâches qu’ils sont en train d’effectuer. C’est ainsi que les chercheurs ont pu affecter, depuis les années 80, des zones spécifiques du cerveau à certaines fonctions.
Aujourd’hui, il semble que ce concept soit dépassé. Ce que confirme le professeur Hugues Duffau, neurochirurgien et coauteur de ces travaux, grâce à la chirurgie éveillée. Cette technique consiste à ne pas endormir les malades lors d’une opération destinée à retirer une tumeur cérébrale. Elle permet au neurochirurgien d’évaluer en direct l’impact de ses gestes sur les fonctions du patient, et donc d’éviter de créer des lésions définitives dans des régions cruciales du cerveau. Cette approche a déjà permis à Hugues Duffau de combattre l’idée selon laquelle le langage passait exclusivement par l’aire de Broca (située, chez les droitiers, dans la partie inférieure du cortex cérébral gauche). En renouvelant l’expérience chez des patients porteurs de tumeurs qui envahissent le cortex frontal, le chercheur a pu tester l’implication de cette zone dans le processus de mentalisation.
Compensation
Avant et après l’opération, les patients ont réalisé des tests permettant d’évaluer leur niveau d’empathie. « Après ablation du cortex frontal droit, ils n’ont aucune séquelle. Ils gardent tous d’excellentes capacités de cognition sociale, aussi développées qu’avant l’intervention. Ces résultats montrent que cette région, bien qu’elle soit activée en cas de mentalisation, n’est pas indispensable à cette fonction. Son action peut tout à fait être compensée par d’autres neurones, ailleurs dans le cerveau », explique le chercheur. Pour lui, cette fonction cérébrale serait en fait contrôlée par plusieurs réseaux répartis dans différentes aires, pouvant se compenser les uns les autres.
Sa conclusion rejoint celle d’autres chercheurs en neurosciences : grâce à sa formidable plasticité, le cerveau peut compenser la perte d’une zone, pourtant jugée comme stratégique. Cela prend parfois du temps, mais le développement de nouvelles connexions permet de récupérer des fonctions altérées, par exemple par une intervention chirurgicale. Rassurant, non ?
*Unité 1051 Inserm/CNRS/université de Montpellier 2, Institut de neuroscience de Montpellier, Hôpital Saint-Eloi, Montpellier
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