Comment puis-je croire être épanoui lorsque je porte un front plissé sur mes pensées ?
Comment puis-je prétendre vouloir avancer quand le pied douloureux m’empêche de marcher ?
Comment puis-je espérer m’abandonner alors que je ne parviens à décroiser ni jambes, ni bras ?
Une autre vérité de moi
Vous l’avez compris, dans l’exercice de la sagesse, le corps n’est désormais plus à ignorer. Pourtant, trop préoccupés par la roue intarissable de la raison, je ne me laisse pas enseigner par mon corps. Tout au plus, je me contente de le regarder dans son apparence ordinaire, alors qu’il manifeste physiquement, chaque jour, ma vérité existentielle. Certes, je prends le temps de le considérer lorsqu’il me limite dans mon action et mon bien-être, je le juge alors comme un empêcheur de tourner en rond. Et lorsque je veille à exercer une entière conscience, je dénigre souvent ma chair, la pensant juste subalterne, juste contingente. Si je me refus ainsi de ressentir et d’écouter pleinement mon corps, je dois me l’avouer, c’est par peur d’approcher une autre vérité de moi, bien éloignée de celle que je pense être car, fondamentalement, mon corps n’est pas un autre, il est mon « je » incarné.
Mon corps, condition du voyage
« Nous sommes des êtres spirituels venus vivre une expérience humaine », nous rappelle Jean-Claude Genel. Cette intention initiale de l’âme à venir s’incarner sur Terre m’invite à ne plus négliger mon corps. Il s’agit de le considérer désormais comme la condition indispensable à mon voyage initiatique sur Terre. Si je relève le défi de cette expérience merveilleuse, je n’ai plus à attendre pour vivre pleinement et consciemment mon corps, éprouver ses possibles, ses limites, ses sens ; le regarder comme un indispensable laboratoire par lequel mon âme trouve une source sensible de sagesse. Car l’expérience de la contingence humaine, la fragilité et la limite de mon corps me ramènent à éprouver au plus profond de moi la valeur de la vie et à ressentir l’appartenance à la communauté humaine.
Mon corps devient alors la condition d’un enseignement riche et sensible des valeurs qui, de l’incarnation, me fait toucher l’être spirituel que je suis et m’enjoint à me perfectionner. Vivre pleinement l’expérience humaine à laquelle mon âme m’invite, reconnaître et écouter mon corps, c’est partir pour l’aventure de l’incarnation, à la recherche d’un trésor de sagesse. C’est dans cette ambition que la Virya restaure le corps dans sa fonction mystique. Cette pratique gestuelle gracieuse, porteuse de l’enseignement des valeurs de l’ULV, veut précisément m’enseigner par le corps et y révéler la force de mes états ressources.
Pourquoi ne progressons-nous pas de façon manifeste ? La réponse est presque certainement que nous n’avons pas assez de Virya. Mais pourquoi cela ? Pourquoi n’avons-nous pas d’énergie, pas de dynamisme pour vivre la vie spirituelle, pour la réalisation de l’idéal ? Après tout, loin d’être à court énergie nous sommes des incarnations d’énergie, des cristallisations d’énergie psychophysique, même d’énergie spirituelle. Tout notre corps, tout notre esprit est fait d’énergie. Nous sommes énergie. La raison est habituellement que notre énergie est dissipée. Comme un flot partagé en des milliers de canaux qui lui font perdre sa force, notre énergie coule vers des objets innombrables, est divisée dans des directions innombrables. Bien qu’un peu de cette énergie aille dans la vie spirituelle, le reste va vers toutes sortes de choses qui vont à l’encontre de la vie spirituelle, et on peut se finir par se sentir déchiré et épuisé. Ainsi le vrai problème, le problème central même à la vie spirituelle est, comment conserver et unifier nos énergies. Et pour ce faire nous devons comprendre comment nos énergies sont à présent dissipées. En général on peut dire que, soit elles sont bloquées, ou elles fuient et sont gaspillées, où elles sont trop brutes et non raffinées.
Nos énergies sont bloquées.
Nos énergies peuvent être bloquées pour des raisons diverses. Peut-être notre éducation nous a-t-elle appris à réprimer nos émotions, à ne pas les montrer où les exprimer. Il se peut que l’on passe beaucoup de temps faisant un travail routinier dans lequel on ne peut engager ses énergies. Notre énergie peut être bloquée simplement parce que nous n’avons pas de débouchés positifs, créatifs pour elle. Parfois les énergies émotionnelles sont bloquées à cause de la frustration, la déception, la peur d’être blessé ou à cause d’un conditionnement ou éducation défavorable, particulièrement d’un genre religieux rigide et lourd. De toute ces façon nos énergies s’agglomèrent, durcissent et se pétrifient en nous. Par-dessus tout peut-être, l’énergie est bloquée par l’absence de vraie communication. La vraie communication a un effet dynamisant, presque électrifiant.
Nos énergies sont gaspillées.
Les énergies émotionnelles sont aussi simplement gaspillées, on les laisse se perdre. Ceci se passe de bien des façons, mais tout particulièrement à travers la complaisance dans des émotions négatives. La négativité – peur, haine, colère, malveillance, antagonisme, jalousie, apitoiement sur soi-même, culpabilité, remords, anxiété – gaspille de l’énergie à un rythme catastrophique. Habituellement ce n’est pas juste une complaisance occasionnelle de notre part. Nous n’avons qu’à nous rappeler les dernières 24 heures pour voir le nombre de fois où nous avons donné libre cours à ces états d’esprit, et cela veut dire une vraie hémorragie énergie. Et puis il y a les expressions verbales de ces émotions négatives : grogner, critique malveillante, répandre pessimisme est tristesse, trouver à redire, décourager les autres, commérages, faire des remarques continuelles. Par tous ces canaux l’énergie fuit et n’est plus disponible pour des buts spirituels.
Nos énergies sont trop brutes.
Troisièmement, l’énergie émotionnelle n’est pas disponible pour la vie spirituelle parce qu’elle est trop brute. La vie spirituelle a besoin d’énergie spirituelle. On ne peut pas méditer avec ses muscles, même s’ils sont forts et puissants ; la méditation demande quelque chose de plus raffiné. Il y a plusieurs façons de débloquer, conserver et raffiner notre énergie. Les blocages peuvent être dissous en cultivant la prise de conscience de nos états d’esprit, l’engagement dans un travail vraiment créatif ou au moins productif, intensifier notre communication. Et bien sûr, certains blocages sont résolus de façon spontanée dans le contexte de la méditation.
Pour arrêter le gaspillage d’énergie, on commence par prendre conscience que l’on se complaît dans des émotions négatives, et essayer de cultiver l’émotion opposée : amour au lieu de haine, confiance au lieu de peur, etc. Quant à l’expression verbale d’émotions négatives, il faut tout simplement l’arrêter par un acte de volonté. Il n’y a rien de mieux à faire, elle ne mérite pas un meilleur accueil. Une autre façon de conserver l’énergie est d’introduire plus de silence dans notre vie. Une énorme quantité de notre énergie part dans la parole. Ceci l’on est silencieux un moment – quelques minutes, quelques heures, un jour peut-être, seul, tranquille chez soi – l’énergie s’accumule en soi merveilleusement et l’on se sent calme, paisible, conscient, attentif. C’est comme si une source d’énergie fraîche et claire brouillonnait à l’intérieur, pure parce qu’elle est contenue en soi, ne s’exprimant extérieurement d’aucune façon.
http://www.centrebouddhisteparis.org/Le_Centre/le_centre.html