La pionnière du grand passage
Posté par othoharmonie le 12 juillet 2014
Guidée par un instinct sûr, cette psychiatre fait partie des femmes qui ont paradoxalement sauvé l’Occident devenu mégalo, en lui réapprenant l’art le plus humain et le plus mystérieux qui soit : accompagner les mourants.
Avec passion, elle voulait s’occuper de bébés en Afrique ou en Inde. Le sort l’a entraînée aux Etats-Unis où la terreur de la plupart des gens, médecins inclus, vis-à-vis de la mort l’a tant sidérée qu’elle dut en quelque sorte s’occuper non des naissants, mais des mourants.
A 16 ans, elle avait spontanément découvert les grandes phases du deuil en aidant un ophtalmologue à consoler ses patients de la perte de leurs yeux. Peu après, elle avait reçu son baptême du feu aux portes des camps de la mort, où certains rescapés lui enseignèrent sans un mot la plus ancienne des sagesses. Devenue professeur de psychiatrie, elle se retrouve, malgré ses supérieurs, pionnière de la redécouverte de l’art de mourir. Un art paradoxalement vital pour tous, qui exige de ceux qui le pratiquent d’avoir effectué un profond travail introspectif sur leur propre mortalité.
Amour inconditionnel
Son métier de psychiatre n’a fait que confirmer ce que son travail d’assistante médicale et de secouriste lui avait appris depuis l’adolescence : il n’existe pas de thérapie ni de mouvement vrai vers l’autre sans amour inconditionnel. Il est fait d’écoute, d’acceptation, de sollicitude active, et comporte un refus de monnayer l’affection (le « refus de la prostitution »). Cet amour se caractérise par la capacité à dire « non ». Aimer s’apprend et structure.
La mort, question vitale
Aucune société humaine ne peut faire l’économie d’un art de mourir. Peur de mourir et peur de vivre sont les deux faces d’une même réalité. Le déni de la mort est hautement pathogène. Entouré d’amour et d’ouverture (ce qui suppose de chacun un profond travail sur soi), l’être humain retrouve la sagesse de l’art de mourir des plus anciennes traditions. La plus belle preuve en est donnée par les enfants : quand les adultes autour d’eux ne sombrent pas, les petits humains se comportent souvent de façon étonnante aux portes de la mort. Elisabeth Kübler-Ross les appelle « mes véritables professeurs ».
Les cinq phases du deuil
La fin de la vie nous fait connaître le paroxysme d’une situation que nous côtoyons quasiment tous les jours : la perte, le deuil. Toute perte passe schématiquement par cinq phases, qu’il est utile de reconnaître et de distinguer pour mieux s’aider les uns les autres à les traverser : le déni, la révolte, le marchandage, la dépression, et enfin l’acceptation. Le travail d’Elisabeth Kübler-Ross, alias EKR, sur les grandes phases de l’agonie est devenu un guide précieux pour toutes les infirmières et pour tous les accompagnateurs en soins palliatifs.
Les quatre quadrants
Chacun d’entre nous se présente sous quatre aspects fondamentaux : physique, émotionnel, intellectuel et spirituel. Pour aider l’autre de façon efficace, surtout s’il est au plus mal, il est essentiel de tenir compte de chacun de ces « quadrants », si possible dans l’ordre qui va du plus physique au plus immatériel. Ainsi convient-il plutôt de commencer par soulager la souffrance physique avant de se préoccuper des peines affectives, et ces dernières doivent avoir été dissoutes avant que l’on puisse sérieusement aborder un accompagnement spirituel.
La métamorphose
Dans les baraques de Maïdanek, les enfants déportés avaient dessiné des centaines de papillons. C’est devenu le totem d’EKR. Pour elle, une vie bien vécue vous apprend au moins une chose : « Nous sommes tous des chrysalides ; au moment de mourir, notre cocon s’ouvre et nous devenons papillons. » Ce sont les enfants qui, selon elle, comprennent le mieux les règles de la métamorphose : « La mort, lui ont-ils suggéré, est un nouveau soleil. » Pour les adultes, il faut tout un travail sur soi, ardu et douloureux, pour parvenir à « achever le business inaccompli».
Tel est l’objectif des stages « Vie, mort et transition », organisés jadis par l’association Shanti Nilaya et aujourd’hui, entre autres, par l’association EKR-France. On y apprend à pardonner aux autres et à soi-même.
Je sais bien que je dois encore travailler la patience, l’indulgence, le lâcher-prise. Ensuite seulement, j’aurai le droit de mourir.
Elisabeth Kübler-Ross
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