Notre spiritualité remonte aux pulsions vitales des bactéries

Posté par othoharmonie le 19 août 2014

 

images (6)“La cause essentielle du désarroi – de l’effroi – de l’époque actuelle est le conflit entre les religions et les sciences.” Est-ce précisément parce qu’il tentait d’ouvrir une voie allant au-delà de cet antagonisme que Paul Diel fut aussi peu reconnu ? À première vue, il paraît presque scientiste, tant il croit en la science et pense que la psychologie peut atteindre le même degré d’objectivité et de rigueur. Dans sa cure, il fait appel à l’introspection et tente d’élever notre capacité d’auto-observation au rang de méthode scientifique. On peut aussi le qualifier de matérialiste car, pour lui, il ne peut y avoir d’esprit sans matière. L’esprit n’a rien de transcendant, il est une émanation de la matière et s’est développé au fil de l’évolution, en interaction avec le milieu. Dès le départ, dans les organismes vivants les plus élémentaires, la faculté de réagir au milieu ambiant (réflexe d’excitabilité-réactivité) a un sens : l’amibe absorbe le corps étranger qui la nourrit et se ferme devant celui qui va lui nuire.

Pour lui, l’origine du désir remonte à la faculté de nos ancêtres, les organismes primitifs, à réagir au milieu pour satisfaire leurs besoins. Le premier des besoins est de se conserver soi-même. Diel l’appelle « pulsion matérielle ». Le second est celui de conserver l’espèce : la « pulsion sexuelle ». Le troisième, la « pulsion évolutive », conduit les espèces à se transformer sous la pression du milieu, donnant naissance à de nouvelles formes, psychiques et physiques. Au fil du temps, ces trois pulsions primitives s’élargissent. Chez l’homme, la pulsion matérielle devient sociale, la pulsion sexuelle se fait affective et la pulsion évolutive se transforme en pulsion spirituelle. Cette dernière devient même prédominante et prend la forme de ce que Diel appelle le « désir essentiel », en opposition aux désirs multiples, plus matériels, dictés par les pulsions sociales et affectives.

Paul Diel explique donc que l’acte réflexe des êtres primitifs s’est ralenti au fil de l’évolution. Il s’est créé un décalage temporel entre l’excitation et la réaction. L’information a été retenue et son énergie gardée en mémoire sous la forme de ressenti émotionnel auquel sont venus s’ajouter, chez les êtres dont les organes perceptifs sont développés, des images mentales et des concepts. Par ce processus, le réel s’est transformé progressivement en un monde intérieur possédant sa vie propre. C’est ainsi que se sont formés, pour Paul Diel, la psyché humaine et son plus beau fleuron, l’imagination, faculté de se représenter mentalement le monde extérieur afin de pouvoir y réagir.

Selon lui, pour que nous trouvions l’accomplissement, nos désirs multiples doivent être harmonisés par notre désir essentiel. Sinon, une part de nous ne sera jamais satisfaite. Ainsi, la réussite purement professionnelle sera trop chèrement payée si l’on a gâché sa vie affective à la gagner ; les prouesses purement sexuelles finiront par générer le dégoût de soi ; l’amour exclusif de l’esprit théorique conduira à l’échec, par dessèchement. Mais ce nécessaire travail d’harmonisation autour du désir essentiel nous coûte et nous inventons de fausses raisons de nous y soustraire. Ainsi naissent les défauts, qui sont des déformations de nos qualités. Ainsi, derrière la vanité, qui est une sur-valorisation de soi, se cache l’estime de soi ; derrière la culpabilité, qui est une sous-valorisation de soi, se trouve l’humilité ; derrière la sentimentalité, sur-valorisation des autres, veut s’exprimer la possibilité de les aimer ; derrière l’accusation, sous-valorisation des autres, se camouflent la tolérance et la compassion… Si vous voulez suivre la piste ouverte par Paul Diel, faites la liste de vos défauts et découvez la qualité cachée derrière chacun.

La première condition de l’accomplissement est de connaître notre désir essentiel. Comment faire ?
L’originalité de Paul Diel fut de rétablir l’introspection , qu’il appelle « délibération », comme moyen d’accès à la connaissance de soi. Pour éviter les illusions, il propose de placer l’imagination sous le contrôle de deux gardiens : l’esprit intuitif et l’intellect pratique. Le premier, descendant de l’instinct animal, « flaire » ce qui convient à la satisfaction de notre désir ; l’intellect, lui, prend en compte la réalité. S’il y a trop de décalage entre désir et réalité, ou si le prix à payer pour changer le réel est trop fort, le désir doit être dissout par un travail d’acceptation, qui n’est pas résignation, car l’énergie ainsi libérée fait rebondir la vie vers de nouveaux projets.

À la question métaphysique du sens de la vie, Diel répond qu’il suffit d’observer cette dernière. Que veut-elle, dès sa plus basique expression ? Tout simplement continuer à exister. Pour cela, l’être vivant doit se nourrir, se reproduire et s’adapter le mieux possible au milieu ambiant. Les processus réflexes ont donné naissance à trois pulsions, nutritive, sexuelle et évolutive, qui se transforment chez l’homme en désir social, affectif et essentiel. Paul Diel admet que les pulsions sont l’expression d’une force psychique dont l’origine nous échappe, mais de la même manière que la notion de force, en physique, n’est étayée par aucune explication, il n’est pas nécessaire d’en connaître l’origine pour pouvoir l’utiliser. Cette force vitale fait partie du mystère qui “ n’est pas une chose ‘matière absolue’ ni un être ‘esprit absolu’ mais simplement la limite de l’esprit humain ”. Mythes et religions ont été inventés par l’imagination des hommes pour calmer l’angoisse que crée cette frontière. “ Rien ne peut empêcher l’envol imaginatif de transcender les bornes de l’espace et du temps, de s’évader dans l’infini et de concrétiser l’indéfinissable, mais rien non plus ne peut faire que la réponse ainsi obtenue ait une portée réelle. ” En un mot, l’homme invente Dieu. Du matérialisme pure souche mais pourtant, malgré l’appui d’Einstein, Diel n’a jamais pu rentrer au Collège de France, les matérialistes s’y étant opposés parce qu’ils le trouvaient trop spiritualiste !

C’est que pour lui, s’il n’existe pas d’esprit sans matière, il n’existe pas non plus de matière sans esprit. “ Le monde commence avec la vie, la vie commence avec le monde. Elle est une apparition structurée du mystère à laquelle l’esprit humain appartient ”, écrit-il. Cette apparition est à la fois intérieure et extérieure car psyché, soma et ambiance évoluent en interaction permanente. Les trois pulsions fondamentales qui manifestent le mystère ont été explorées par la psychologie des profondeurs : la sociabilité par Adler, la sexualité par Freud et les représentations spirituelles par Jung.

Mais Diel va plus loin. Il cherche à les harmoniser. Toute l’angoisse et le mal-être des humains se trouvent selon lui dans le manque d’harmonisation entre les désirs multiples (matériels et sexuels) et le désir essentiel, forme élargie prise par la poussée évolutive lorsqu’elle atteint le stade humain. Cette pulsion venue du surconscient nous souffle l’envie de spiritualiser la matière, de l’orienter vers des valeurs guides telles que le Bon, le Juste, le Beau. Intuitivement, les hommes pressentent la satisfaction et la joie que cette démarche pourrait leur apporter. Et si Dieu est avant tout un symbole mythique, il n’en reste pas moins que mythes et religions représentent l’expression imagée de cette intuition. Mais sortir de l’animalité n’est pas facile.

L’esprit humain, encore semi-conscient, tiraillé entre les pulsions matérielles du subconscient et les pulsions spirituelles du surconscient, croit qu’il doit choisir entre le ciel et le terre au lieu de chercher à harmoniser ces deux pôles. Il passe d’un excès à l’autre, il s’invente de fausses motivations à l’origine de tous ses défauts et de toutes ses névroses. Il devrait plutôt, et ce sera l’objet d’une cure diélienne, développer un “ égoïsme conséquent ” qui, “ sous sa forme saine ”, ne peut trouver l’ultime satisfaction que par “ l’union réjouissante avec la vie entière ” (et avec autrui). Tout en partant d’une vision matérialiste du réel, Paul Diel nous conduit donc vers la sublimation de la matière. Mais les spiritualistes, choqués de voir la transcendance reléguée au rang de symbolique, ne voulurent pas non plus de lui au Collège de France, le trouvant trop matérialiste ! Rejeté par les deux camps, Paul Diel aurait-il réussi son pari d’une troisième voie ?

téléchargement (6)Extrait des paroles de Paul Diel (1893-1972) : le plus sensible et le plus mal connu des psychothérapeutes autrichiens d’avant-guerre. Cet autodidacte que la vie n’a jamais ménagé a une étonnante aptitude à la compassion. Il admire Freud, mais n’est pas d’accord avec lui. Que la sexualité soit un moteur majeur, certes, mais il faut accorder une importance équivalente à cette extraordinaire capacité de l’homme : l’imagination, grâce à laquelle nous pouvons désirer et littéralement inventer des mondes. Cela fait de nous des sortes de dieux… à ceci près que cette imagination prend sa source sans le simple réflexe de survie de la bactérie !

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