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Pourquoi l’amour cesse d’être divinement humain

Posté par othoharmonie le 23 août 2014

 

Entretien avec le psychanalyste Bruno Clavier

images (8)Successeur de Didier Dumas à la tête du “Jardin d’idées” et de son groupe de parole d’hommes sur la sexualité, le psychanalyste Bruno Clavier complète les observations de la gynécologue Danièle Flaumenbaum. «

L’héritage ancestral des femmes est d’autant plus lourd, dit-il, qu’à l’interdit de jouir s’ajoute l’interdit de penser et de parler. Or, la sexualité humaine se joue dans la parole. C’est pour cette raison qu’elle est ”spirituelle” ou “divine”, au sens de la “divinité incarnée” des taoïstes. Dès qu’elle quitte le verbe; comme le porno, qui est un monde sans parole, elle quitte aussi l’ordre du “divinement humain”. »

Clés : Partant de votre expérience des groupes de parole sur la sexualité, qu’en est-il du rapport des hommes d’aujourd’hui à la dimension spirituelle de l’amour charnel ?

Bruno Clavier : Cela dépend de ce qu’on entend par spirituel et de comment on situe la sexualité. A la base, toute sexualité humaine est spirituelle puisque, si elle est humaine, elle est forcément dans la parole. Toute la question est là : une sexualité qui n’est plus dans la parole n’est plus humaine. À ma connaissance, quand on parle avec des hommes et des femmes qui ont des problèmes sexuels avec leurs conjoints, ça se résout toujours par la parole et non pas par des trucs ou des recettes. La sexualité humaine est une sexualité de langage, qui se construit dans la parole, ce qui la distingue de celles des mammifères. Et on voit bien que là où il n’y a plus de parole, on tombe dans le corps. C’est caractéristique du porno, qui est un monde sans parole. Il y a un sketch de Pierre Palmade, où il explique que, dans un film porno, on rentre et on commence à faire l’amour sans même se dire bonjour.

Une de mes patientes faisait des rencontres sur Meetic. Un matin, elle arrive en pleurs. Je lui demande ce qui lui est arrivé et elle me dit : « J’ai rencontré un homme sur Meetic, je l’ai vu on a fait l’amour toute la nuit, puis au matin il était adorable, il m’a couverte de baisers comme on ne m’en avait jamais fait, sur tout le corps, et il est parti. Depuis, je suis mal, au fond d’un trou. Je ne sais pas pourquoi je suis comme ça. » Je lui demande s’il lui a dit quelque chose sur la façon dont cette relation allait se poursuivre, ou pas. Elle répond : « Ah non, c’est vrai, il ne m’a rien dit, il m’a couverte de baisers puis il est parti sans un mot. » Alors j’ai pu lui dire : « C’est bien ça la question. Ce qui vous met dans un trou, c’est qu’il n’a pas été capable de vous dire : on se revoit ou on ne se revoit pas. » C’est donc une relation sans lien, et du coup, ce n’est pas une relation humaine, elle est déshumanisée. Il aurait très bien pu lui dire : « Écoute, c’est une histoire d’un soir », et elle aurait pu situer ça dans une parole. Mais il ne lui a rien dit. Et alors elle est tombée dans un trou. C’est cette parole sur le sexe qui va faire qu’on est un être humain. Et à mon avis, si on est un être humain, on est divin. Car pour moi, vivre la corporalité d’un être de parole, c’est cela, l’incarnation du divin sur terre. La terre, c’est la sexualité. Le ciel, c’est le verbe, la parole. La sexualité devient divine quand on peut mettre des mots sur ce qui se passe quand on fait l’amour. Didier Dumas, avec qui j’ai beaucoup travaillé, empruntait cette vision-là aux taoïstes chinois : faire l’amour, faire se rencontrer le yin et le yang, c’est faire jouer le ciel et la terre. La sexualité est divine parce que le projet humain est divin.

Clés : Les groupes de parole d’homme sur la sexualité que vous animez abordent-ils ces questions ?

Bruno Clavier : Chacun tente de parler de sa propre sexualité. Il s’agit d’essayer de mettre des mots là où, parfois, on ne peut pas en mettre, où l’on ne comprend pas ce qui se passe. C’est une problématique qui commence dans l’enfance. Et l’on trouve les racines d’énormément de problèmes sexuels dans l’enfance, parce que les parents et les éducateurs n’ont pas su poser de mots sur la sexualité. Ça a fait un trou. C’est comme si l’on s’enfonçait dans la terre, perdant tout rapport avec le ciel : beaucoup de gens ont une sexualité à 100% terrestre, uniquement corporelle. Ça leur laisse toujours des manques, et des symptômes.

Clés : Danièle Flaumenbaum, avec qui vous travaillez, nous dit : « Pour énormément de femmes, en 2011, ça n’est toujours pas évident d’admettre ou de se reconnaître le droit de jouir. A fortiori de parler de “jouissance divine” ! » Et pour les hommes ?

Bruno Clavier : Il y a quand même une grande différence entre les hommes et les femmes, encore aujourd’hui, sur la parole et la sexualité. Comme le disent Dumas et Flaumenbaum, c’est très transgénérationnel. Les femmes héritent d’un interdit de penser sur la sexualité, donc de parole. Et c’est quand même en général plus facile d’en parler pour les hommes que pour les femmes. C’est un héritage de l’oppression féminine, qui leur interdisait de voir leur corps et de le penser. Or, si elles ne peuvent pas le penser, elles ne peuvent évidemment pas en parler. Les hommes ont toujours eu un peu plus de droits là-dessus et c’est souvent plus facile pour eux d’en parler. Mais même pour eux, parler de ce qu’ils ressentent sexuellement est difficile.

Clés : De quoi parlent-ils ?

Bruno Clavier : L’intérêt des groupes, c’est qu’on ne se sent plus seul. En fait, chacun a un peu honte de sa sexualité. Les gens ont toute sorte de pratiques spécifiques et personnelles, toujours avec un peu de honte. Et en même temps, les questions un peu toutes les mêmes. Sur la masturbation. Sur l’envie de regarder des films porno. Sur la culpabilité… Le groupe leur fait réaliser qu’ils ne sont pas seuls. On a toujours tendance à fantasmer la sexualité de l’autre. Beaucoup d’hommes peuvent se dire, par exemple : « Je suis un mauvais coup, les autres sont bien meilleurs que moi. » C’est d’ailleurs vrai aussi chez les femmes, qui ont toujours fantasmé les autres comme beaucoup plus sexuées qu’elles-mêmes. Le travail en groupes permet de se dire : « Finalement, on est tous des humains un peu fragiles. » Il y a beaucoup de fragilité. Même chez les donjuans. Partout.

Clés : C’est quand même le moment de la vie adulte, où l’on se retrouve nu, dans tous les sens du terme, donc désarmé, vulnérable…

Bruno Clavier : En parler ne va pas de soi. On se retrouve en effet nu, couché, dans un lit, entouré d’un univers de caresses, de jeux, où l’on pousse des gémissements, des grognements, des borborygmes. La sexualité est un retour à l’état de bébé.
Didier Dumas avait beaucoup travaillé cette question (il en parle admirablement dans « Et si nous n’avions toujours rien compris à la sexualité », édité chez Albin Michel) : tout ce qui est archaïque se rejoue dans la sexualité. C’est pour cela qu’on est fragile. Et que l’on risque de déclencher toutes sortes de quiproquos, de paranos, puisqu’il y a de la peur des deux côtés. Du coup, on se met à jouer des rôles, et beaucoup de mésententes naissent de ça. Et de nouveau le problème se dénoue par la parole. Certaines personnes s’imaginent qu’il ne faut pas parler. Certains hommes diront même : « Si j’en parle, ça va me désexciter, je vais débander. » Mais on s’aperçoit à l’usage que ça n’est pas vrai. Si l’on peut nommer les choses, une tranquillité s’installe et on peut effacer cette peur de la régression, puisque dans la sexualité, on est forcément en état de régression.

Clés : Didier Dumas a même montré que l’on revenait à l’état du fœtus flottant en apesanteur et dont les orifices corporels sont libérés et entrent en résonance jouissive, de la bouche au sexe et à l’anus..

Bruno Clavier : On pourrait dire que c’est à ce moment-là que l’amour est divin : quand il est fœtal. On retrouve l’état d’extase du bébé dans l’utérus, on flotte, on sait très bien que les couples qui font l’amour disent qu’ils flottent dans l’air. Faire l’amour, c’est forcément se retrouver dans cet état de délicieuse fragilité archaïque, qui exige une grande confiance, en l’autre et en soi. A la moindre peur, surgissent mésententes et quiproquo. D’où l’importance de la parole, qui seule peut dénouer ces nœuds. Ceux qui pensent le contraire – “Si je parle, ça va me faire débander” – se trompent. Nommer les choses garantit une tranquillité, qui évite au retour dans l’archaïque de verser dans la régression.

Clés : Quelle régression ?

Bruno Clavier : Celle de confondre, comme le font souvent les religions, le divin et le parental – chaque fois qu’il est question de « Dieu le père » ou de la « Déesse mère ». Or, avec les parents, on n’entre pas dans le divin, mais dans l’œdipien ! L’enjeu du travail de la psychanalyse transgénérationnelle est justement de nous aider à vivre une sexualité « divine », en réveillant en nous les grands archétypes et non pas l’image de nos parents. Et c’est là que la problématique devient transgénérationelle, parce que, dans toute sexualité, on retrouve toujours celle de ses parents, toujours, c’est une règle. Donc non seulement l’amour cesse alors d’être divin, mais en plus, il se trouve imprégné des manques des parents. Or, quand on parle de régression et du travail à faire sur cette question, il s’agit justement de ne pas retrouver ses parents, mais les dieux que nous sommes au-delà des parents.

Clés : Il s’agit peut-être de « retrouver les archétypes », comme disait Jung. C’est peut-être ça que l’on veut dire, quand on parle de sexualité « divine » ?

Bruno Clavier : Oui, mais ce n’est pas facile. C’est pourquoi la sexualité est un travail incroyable. Je dis souvent aux gens : « Mais la sexualité, c’est comme quand vous mangez, il faut y penser tous les jours. Si vous n’avez pas fait vos courses, vous n’allez pas manger. Mais la sexualité, on oublie qu’il faudrait y penser et que ça se prépare ! » Alors que pour la plupart des gens, ça déboule comme par hasard, sans que l’on ait rien préparé. La sexualité d’un couple, ça se prépare, ça se pense et ça se soigne ! N’est-ce pas fou ? C’est comme si un bon repas, auquel vous conviez une personne très chère, devait se faire tout seul, sans que vous leviez le petit doigt avant. Et vous vous étonneriez ensuite que ça n’ait pas été un festin divin ! Il n’est pas évident de rester affalé toute la soirée devant la télé, puis de brusquement passer dans la chambre à coucher pour faire divinement l’amour.

Clés : Et quand on réussit à atteindre des moments sublimes, la question se pose-t-elle de savoir ce qu’on en fait ? S’agit-il juste de vivre des moments sublimes, puis de retourner à la vie ordinaire ? Ou ces moments sublimes peuvent-ils apporter quelque chose au reste de la vie ? Je pense que chez les taoïstes, il y a l’idée qu’en faisant l’amour, on va à une source et qu’on en rapporte un nectar qui vivifie toute l’existence.

Bruno Clavier : Oui, c’est aussi une transformation. On pourrait dire : « Plus on fait bien l’amour, plus on change. » Ça nous transforme physiquement, énergétiquement et psychiquement, parce que le sexe, c’est physique, énergétique et psychique. Nous faisons l’amour avec notre corps, mais plus encore avec notre « l’image du corps », comme disait Françoise Dolto. C’est ainsi qu’un homme ou une femme peuvent penser que leur sexe est trop grand, ou trop petit. Et cette image qu’ils ont en tête va jouer un rôle décisif. Si un homme pense que le sexe d’une femme est un gouffre, il se perdra dedans, mais si physiquement il n’en est rien. Même chose pour une femme qui dit : « Quand on me pénètre, je ne sens rien. » Physiquement, elle ne peut pas ne pas sentir, mais énergétiquement et psychiquement, elle est absente. C’est donc toute la combinaison de ces différentes dimensions qui va faire que l’on recueille l’amour un élixir de jouvence, de vie, d’énergie et de joie – ou pas.

Clés : Quelles sont les aides possibles ? Vous disiez que le travail transgénérationel était très important…

Bruno Clavier : Capital. Parce qu’il n’y a pas plus duplicateur que la sexualité. Pourquoi ? Parce que, dans la transmission transgénérationelle, tout ce qui n’est pas dit est copié ; or, le plus souvent, la sexualité n’est pas parlée. Je travaille beaucoup avec des enfants atteints de symptômes psychiques graves : eh bien, quand on réussit à remonter à l’origine du problème, c’est toujours un non-dit sur la sexualité et sur la mort. Toujours. C’est une des choses cruciales que nous avait apportées Didier Dumas, qui travaillait dans les traces de Dolto. Et ça se guérit en ramenant de la parole sur la sexualité et sur la mort. Tant qu’on n’aura pas compris que les enfants doivent être informés sur la sexualité et sur la mort à partir de deux ans et demi – et non pas à quatorze ans au collège –, on ne résoudra pas le problème à la racine.
Le non-dit sur la sexualité implique une duplication des problèmes. Ca veut dire que l’on va inconsciemment dupliquer la sexualité de ses parents. Et ça amène des désastres sexuels. Tout simplement parce qu’on ne peut pas faire autrement que la sexualité de ses parents. Si un homme, et c’est fréquent, aime passer ses nuits devant des films porno, alors qu’il a une femme adorable qui l’attend au lit, très souvent, à l’enquête, on s’aperçoit que son père et que son grand-père allaient au bordel : il ne peut donc pas imaginer sa sexualité autrement que comme celle de ses ascendants, qui ne pouvaient jouir qu’avec des prostituées et pas avec les femmes qu’ils respectaient.
On le voit très bien aussi avec les jeunes femmes d’aujourd’hui qui sont des femmes « libérées », mais qui souvent, vont arrêter net leur sexualité une fois qu’elles ont enfanté : elles font donc comme leurs mères et leurs grands-mères. Ces hommes et ces femmes se retrouvent donc dans les structures de leurs parents. Ils ne sont plus eux-mêmes, mais leur papa et leur maman et… ils ne font plus l’amour, ou alors ils s’engueulent, sans comprendre pourquoi.
Il faut dire que, pour les générations qui ont vécu la « libération sexuelle », la transition a été incroyablement courte et abrupte, à partir de 1968. On est alors brusquement passé d’une sexualité archaïque à une libération, avec des gens qui n’étaient mentalement pas du tout prêt. Personne n’était prêt à ça, et ça se voit encore aujourd’hui, les gens ont basculé, et nous l’avons vécu ! Nous sommes alors entrés dans l’ère du n’importe quoi, où n’importe qui était censé pouvoir faire l’amour avec n’importe qui, tout était permis, mais en réalité, les mentalités profondes étaient restées exactement comme celles de leurs parents.

Clés : Cela dit, la sagesse ancienne n’avait pas forcément tort de rappeler que faire l’amour avec quelqu’un que l’on n’aime pas n’est pas très intéressant.

Bruno Clavier : Vous me ramenez à la parole. S’il y a une vraie parole, un échange, il y a du respect pour l’autre et donc de l’amour. Et la question du sexe, aujourd’hui, dans beaucoup de cas, c’est que l’autre disparaît. On n’est alors plus du tout dans le divin. On est dans le corps, le corps d’un autre qui n’est pas reconnu en tant qu’autre. Le partenaire amoureux devient juste un prolongement de moi-même. Alors que la parole change tout. Échangée, elle va faire que chacun se reconnaît et se sent reconnu en tant que sujet humain, et c’est là qu’il peut être « divin ». Alors que là où il y a de la perversion, il n’y a pas de parole échangée.

Clés : Pour conclure, avez-vous souvent rencontré des hommes pour qui c’était très difficile de parler ?

Bruno Clavier : Oh oui ! Ça peut être très surprenant, venant de quelqu’un qui a beaucoup d’activité sexuelle, mais qui s’évère incapable d’en parler. Un don juan n’est pas sexuel, quoi que l’on s’imagine. La preuve c’est qu’il ne peut pas rester, il doit très vite s’en aller. Or, pour connaître une personne il faut du temps, ça ne se fait pas en un soir. Le don juan ne connaît téléchargement (3)jamais personne. Il n’entre donc jamais dans la sexualité. Il en a peur, sans le savoir. Il a très peur de la femme, c’est pourquoi il la quitte très vite. S’il reste, il meurt. Il n’entre donc jamais vraiment dans le corps de la femme et ne peut rigoureusement pas en parler.

Clés : Nous sommes restés très classiques, très hétéro…

Bruno Clavier : Oui bien sûr, mais c’est pareil pour tout le monde. Les homosexuels avec qui je travaille ont exactement les mêmes problèmes, les mêmes blocages, les mêmes horizons et les mêmes extases que les hétéros !

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Apprendre à se tenir droit

Posté par othoharmonie le 23 août 2014

 

tumblr_mxcmc5nWwM1qef4pfo1_500Manochhaya, alias Katia Légeret, a appris la danse sacrée du Bharata-natyam, dans les plus grands temples du Tamil Nadu, en Inde. Son vieux maître de musique l’a surprise en disant qu’en Occident, il ne voyait plus de femmes, ni d’hommes. Il explique cette dissolution par le manque de verticale dans nos vies. Se tenir droit suppose une certaine « qualité de présence »…

La danseuse indienne Manochhaya, Katia Légeret pour l’état civil français, a été initiée à la danse sacrée du bharata-nâtyam par Amala Devi, dépositaire de l’enseignement d’une ancienne et célèbre lignée, transmise par le maître Ram Gopal. Elle a eu le privilège de danser aux côtés de Swarnamukhi, danseuse d’État du Tamil Nadu, dans les plus grands temples de l’Inde, et de recevoir la transmission des cent huit pas appelés karanas. Par ailleurs ancienne élève de l’École Normale Supérieure en philosophie, docteur en science de l’art, elle est habilitée à diriger des recherches en esthétique à l’université de Paris I-Sorbonne4. Bref, ses mots sont pesés. Rencontre.

« Dans la danse, dit Manochhaya, l’émerveillement commence par une dissolution de ce que nous croyons être notre forme corporelle. Aussi bien en entrant sur scène que dans le travail quotidien de la danse, c’est ce que les Indiens appellent pushpanjali, l’offrande de fleurs. La danseuse arrive avec des pétales de rose dans la main, qu’elle offre à la divinité en se prosternant sur le sol. Cela signifie qu’elle fait une offrande de son corps, comme à la naissance du monde dans l’hindouisme, où l’homme cosmique se démembre pour que l’univers puisse exister dans toutes ses formes. C’est l’idée shivaïte de la métamorphose incessante des formes. Tout est mouvement. Il ne faut pas s’attacher à des formes corporelles. À ce niveau, la richesse est infiniment grande – une heure, on se sent poisson, l’heure d’après, oiseau, dans une fusion avec les éléments de la nature, ou avec des idées.

Comment lier cette métamorphose spirituelle et artistique à la vraie vie ? Comment imaginer que ces visions puissent inspirer la condition humaine ?

Mais se lever chaque matin, et se redresser, comme un petit enfant à la recherche de son identification, constitue le foyer même de notre créativité. Il n’y a rien de plus triste que de se lever le matin, de se rasseoir pour déjeuner et de se sentir exactement comme la veille. La créativité qui nous est demandée pour devenir humain consiste à nous sentir nouveau dans chaque geste, chaque parole, chaque respiration. Parce que le corps, je pense, nous permet de sentir ce que cela signifie d’être autre. Cela n’est pas contradictoire avec la quête d’être soi-même – mais c’est autre chose, qui se joue au niveau du cœur… C’est une alchimie, un centre, la verticale dont il est question quand on parle du propre de l’homme. Plus je maîtrise mon corps physique, plus j’ai le sentiment d’être en contact avec le tout autre. La rectitude est contagieuse. Je vois quelqu’un qui se tient droit, j’ai envie de l’imiter, même malgré moi.

Comment de grands danseurs traditionnels voient-ils les humains modernes évoluer ?

Quand j’ai rencontré mon vieux maître de danse, je connaissais tout un répertoire que j’étais fière de lui présenter, en espérant qu’il me choisirait comme disciple. Mais il m’a simplement demandé de traverser la pièce en marchant naturellement. Pour moi, c’était presque une humiliation. Puis il m’a demandé si toutes les femmes de mon pays marchaient comme ça. Je lui ai dit qu’après tout le travail que j’avais fait, je me sentais un peu différente. Alors il m’a parlé de la “verticalité masculine” qui émanait de moi, tout en me faisant bien comprendre qu’il ne s’agissait pas de l’axe sacré Ciel-Terre-Humain, mais d’une raideur volontariste, d’une fausse verticale, imbibée d’horizontalité : en Occident, nous savons ce que nous voulons et nous nous dressons pour marcher vers ce but. Les femmes comme les hommes.

« Là, sous ses yeux, j’avais traversé la pièce dans le but précis de le convaincre, avec une farouche volonté. Plus tard, il est venu en Europe et il a été frappé par le fait qu’ici, nous sommes tous et toutes comme ça. “En un mois de voyage, m’a-t-il dit, je n’ai vu qu’une ou deux vraies femmes, c’est tout.” Je lui ai demandé ce qui nous manquait. Il m’a répondu : “Le principe de complémentarité.” D’après lui, c’est un manque qui touche les deux sexes : les femmes marchent comme des hommes, mais les hommes eux-mêmes ne savent plus marcher non plus. Ce qu’il faut comprendre, c’est la complémentarité. Alors, nous pouvons marcher dans la verticale, dans ce centre, que j’avais commencé à bien installer en moi à cette époque-là… mais pas suffisamment et le maître m’a dit : “Je ne vois pas en vous la liane qui grimpe autour de l’arbre”.

Ce qui signifiait quoi ?

Physiquement, une fois que l’on sait placer son dos, il faut apprendre à travailler au niveau du diaphragme, du plexus, de tout ce qui est “onde”. C’est sans arrêt le jeu des forces contraires. Puis, petit à petit, il s’agit de les minimiser le plus possible, pour que cela ne se voie pas. Il y a des styles qui vont accentuer le déhanché, quand c’est féminin, ou l’ouverture des épaules, quand c’est masculin, mais je brosse là une caricature. Mon maître, au début, me faisait exagérer ces mouvements. Plus les années ont passé, plus il m’a demandé de rendre ces gestes invisibles.

« On retrouve cette idée dans la musique indienne, quand on travaille sur l’intervalle. Je pense que c’est aussi ce qui permet de concevoir le saut de conscience : on ne va d’un point à un autre, mais on s’intéresse à ce qu’il y a entre eux – en musique, c’est le micro-ton, à la limite du silence, parce qu’on ne l’entend presque pas ; en danse, c’est le micro-mouvement, qui passe par des sensations, des sensibilités, qui approchent, pourrait-on dire, la cellule. C’est le travail de recomposer la rose à partir de ses pétales. Il faut partir d’un mouvement tout petit. C’est assez fou. Plus on entre dans cette exploration, plus on comprend qu’une vie entière ne nous suffirait pas à explorer totalement un seul de nos gestes. Et cela permet de se détacher intérieurement du monde, de son spectacle, de l’extériorisation des énergies, pour en faire une sagesse intérieure. Et c’est communicatif. Les élèves le sentent et vont ensuite rechercher eux-mêmes cette sensation de l’infini que leur a transmis le maître. »

Propos recueillis par Patrice van Eersel

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Comment une traversée en mer peut changer une vie

Posté par othoharmonie le 23 août 2014

 

images (3)Dans ses moments les plus extraordinaires, la vie nous confronte souvent à l’impensable… Mais y sommes-nous vraiment prêts ? Me croiriez-vous, si je vous racontais qu’une simple traversée en mer a bouleversé mes certitudes ?

Vivre à Pondichéry, dans l’un des plus beaux endroits du monde, au contact de différentes cultures et religions, est une source d’émerveillement pour Pi, un jeune indien au coeur tendre. Côtoyer les communautés musulmanes, chrétiennes ou hindouistes l’interroge sur le sens de son existence. Qui suis-je ? Et que fais-je sur cette Terre ? 

Des questions qui vont le rattraper à l’âge de 17 ans, lorsque son père, propriétaire des animaux d’un grand zoo, décide d’embarquer avec sa famille vers un nouveau rêve : le Canada. « La suite de l’histoire, vous aurez du mal à le croire » nous raconte Pi, quelques années plus tard.  Image de prévisualisation YouTube

C’est sur ces mots que s’ouvre sans doute l’une des plus belles fresques du cinéma (et l’une des plus incroyables) autour de la relation homme/animal : L’Odyssée de Pi. L’histoire d’un jeune indien végétarien se retrouvant seul survivant dans un canot de sauvetage d’un terrible naufrage… Seul, ou presque, puisque c’est en compagnie d’un splendide et féroce tigre du Bengale que Pi va poursuivre son voyage, au beau milieu de l’océan. L’instinct de survie des deux naufragés nous plonge au cœur d’une odyssée hors du commun, au cours de laquelle Pi nous fait partager ses doutes, ses peurs et ses émerveillements. 

C’est lorsque nous touchons de près aux détails les plus insignifiants de notre existence que nous découvrons la magie de notre monde. C’est ce que nous apprend cette histoire adaptée du roman de Yann Martel, un conte humaniste, philosophique et mystique. Quand le réel devient magique, et que la magie n’a jamais semblé aussi réelle… Un chef d’oeuvre du cinéma à découvrir en salles dès le 19 décembre 2012.

source INREES

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