La nouvelle Société sera compassionnelle ou ne sera pas
Posté par othoharmonie le 23 septembre 2014
Le précepte de compassion, qui est au cœur de toutes les traditions religieuses, spirituelles et éthiques, nous invite à toujours traiter autrui de la manière dont nous aimerions être traités nous-mêmes. La compassion nous enseigne à reconnaître le caractère sacré de chaque être humain, et à traiter chacune et chacun, sans aucune exception, avec un respect inconditionnel et dans un esprit de justice et d’équité. »
C’est par ces phrases que débute la Charte de la Compassion, un écrit solennel lancé en 2008 à l’initiative de Karen Armstrong, essayiste britannique et historienne des religions, venue en présenter les contours à Paris, le 23 avril 2013, sur l’invitation de l’INREES 1 lors d’une Journée de la Compassion. Pour cette ancienne religieuse, si nous n’agissons pas de toute urgence afin que la compassion devienne une force dynamique et lumineuse à même de nous guider dans ce monde, ce dernier ne sera plus vivable pour qui que ce soit. Lassée de voir les différents responsables des grandes traditions religieuses condamner des actes, invectiver des comportements tels que l’homosexualité ou proférer des conseils haineux, elle a entrepris, avec des penseurs représentatifs de 6 courants majeurs de foi, la rédaction de cette charte de la Compassion. La charte est courte et tient en 350 mots. Tout le monde peut la signer. Mais surtout, tout un chacun peut la mettre en pratique et l’appliquer dans son quotidien, dans son entreprise, son école, sa ville. …/…
Les cités de la compassion
« L’une de nos actions consiste à créer un réseau de cités de la compassion. Les maires de 12 villes ont déjà signé la charte. Cela ne signifie pas qu’ils sont pleins de compassion, mais qu’ils vont essayer de mettre en place cette notion dans leur cité, sur un plan pratique. Chaque année, ils s’engagent à travailler sur un projet précis en réponse à un besoin de leur communauté. L’idée est d’élever la compassion au rang de priorité dans l’esprit des gens. 80 villes sont déjà dans le processus pour devenir des cités de la compassion. Mon rêve est de jumeler certaines de ces cités, par exemple des villes américaines avec des villes du Moyen-Orient, afin qu’elles échangent des nouvelles, des mails, se rendent visite mutuellement et fassent tomber certaines des appréhensions qu’elles peuvent nourrir mutuellement. »
La compassion est ce qui rassemble universellement les religions entre elles même si elles continuent à lutter les unes contre les autres.
Le guide de comportement, au coeur de toutes les foi, est résumé dans cette règle d’or : « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse ». Karen Armstrong porte et portera cette éthique compassionnelle incarnée par la règle d’or jusqu’à la fin de ses jours. Car, pour elle, le monde n’en a jamais eu autant besoin qu’aujourd’hui.
La compassion est un programme d’action
La compassion est une attitude, un comportement mais certainement pas une idée, une doctrine ou encore moins, une émotion ou un sentiment. La compassion a changé la vie de cette historienne dès l’instant où elle a fait l’effort, à chaque instant de chaque jour, de mettre au centre de son monde autre chose qu’elle-même. « Au travers de mes recherches pour mes livres, j’ai réalisé que la compassion n’avait rien à voir avec le fait de ressentir de la pitié ou des bons sentiments, mais était bien le fait de se mettre, soi, à la place de l’autre. En adoptant une démarche de compassion, les choses ont commencé à changer. J’ai eu des moments de prise de conscience, de réalisation profonde, de joie et j’ai été poussée à poursuivre mes recherches, quelles qu’elles soient, à partir de cette dimension de compassion. Je la vois davantage comme une discipline et une détermination à se mettre à la place de l’autre. »
Les racines grecques et latines du mot « compassion » renvoient à cette idée de mettre au centre de votre monde autre chose que vous-mêmes. C’est également la conception chinoise de la compassion. Confucius 2 a d’ailleurs été le premier à énoncer cette règle d’or qui consiste à ne jamais traiter les autres comme nous n’aimerions pas être traités. Cela signifie qu’il faut revenir dans son coeur, identifier ce qui nous fait souffrir et se promettre de ne jamais infliger
cette même peine à d’autres. Dans les traditions musulmanes et judaïques, le terme compassion a pour racine « matrice », lui conférant une dimension d’amour maternel, un amour extrêmement exigeant. Une mère doit être responsable de son enfant chaque seconde de la journée mettant ses propres désirs et besoins de côté. Il existe également une prière bouddhiste qui conseille de prendre en compte tous les êtres comme une mère le ferait pour son unique enfant. Ainsi, dans l’approche bouddhiste, la compassion implique de prendre ce type de responsabilités pour la douleur qui existe dans le monde et c’est ce qui nous est demandé aujourd’hui.
Lorsque Jésus a dit « Aimez vos ennemis », l’amour en question doit être interprété avec son sens hébraïque premier.
Ce terme était utilisé dans la signature des traités internationaux avec pour signification, entre les dirigeants, d’être loyaux les uns envers les autres, de protéger leurs intérêts réciproques et de travailler à leur bien-être respectif. Toutes les principales croyances dans le monde ont décliné leur version de la règle d’or parfois exprimée positivement Traite les autres comme tu voudrais être traité toi-même », parfois négativement « Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’ils te fassent » mais la règle est omniprésente. Et surtout, elle est vue comme un comportement, pas comme une croyance.
L’idée que la religion est uniquement une question de « croyance » date seulement de la fin du XVIIe siècle, et fausse la perception qu’en ont les Occidentaux. À l’origine, toutes les soi-disant doctrines religieuses étaient essentiellement des programmes d’action. « Quoi qu’on fasse, on doit consacrer notre vie à soulager toute la peine que nous rencontrons autour de nous, c’est une responsabilité active », estime Karen Armstrong. « Nous sommes responsables les uns des autres et devons tenter de soulager cette souffrance. Car comme l’avait prédit Confucius, si nous ne le faisons pas, nous nous détruirons les uns les autres. »
Toute violence résulte d’une violence antérieure
« Nous sommes si intensément connectés qu’il ne nous est plus possible de ne pas nous sentir concernés par ce qui se passe à l’autre bout du monde. » En faisant référence au colonialisme, Karen Armstrong développe : « Nous avons constitué un marché global et nous, en tant que britanniques, nous sommes coresponsables des événements du 11 septembre. Toutes nos actions ont des conséquences, parfois des générations plus tard ». Ses recherches l’ont conduite à travailler sur l’émergence des mouvements extrémistes de toute confession. La douleur et la colère ne viennent jamais de nulle part. Chacun de ces mouvements radicaux s’est manifesté sur le terreau d’un sentiment d’être agressé par le monde libéral. Et à chaque fois qu’ils sont attaqués, que ce soit au plan militaire ou simplement économique ou médiatique, ils deviennent encore plus actifs, plus extrêmes. Aussi devons-nous trouver une autre façon de nous exprimer lorsque nous énonçons cette cruauté, lorsque nous faisons allusion au terrorisme sans y associer d’animosité. Les limites de la compassion sont souvent évoquées lorsqu’il s’agit de réagir à des actes de cruauté. Peut-on demeurer dans la non-violence face aux atrocités, comme celles commises par Hitler en son temps, et n’y a-t-il pas des limites insoutenables à l’éthique compassionnelle ?
Pour la philosophe, toute situation ne peut être qu’analysée en globalité, y compris la solution finale des nazis. « Si les autres États n’avaient pas pénalisé aussi durement l’Allemagne après la 1ère guerre mondiale, alors probablement Hitler n’aurait pas pu déployer de tels plans. Et s’il n’y avait pas eu, en Europe, une tradition millénaire de haine pour les juifs, vraisemblablement, ce génocide n’aurait pas pu faire son nid. Toutefois, face à l’insoutenable, fallait-il laisser faire Hitler ou combattre comme l’ont fait les Alliés ? Je ne vois d’autre solution que d’aller combattre dans un tel cas, mais il faut comprendre que le principe de la guerre a sa propre dynamique. Ainsi, les deux parties commencent à se livrer à des atrocités qui sont à l’encontre de ce qui les a motivés à entrer en guerre, comme ce qui s’est passé en Irak. »
« Il n’y a pas de réponse facile, mais tout acte de compassion demande d’être aussi accompagné d’une extrême intelligence, de tenir compte de toute l’histoire et de ne pas projeter sur d’autres peuples ce que nous voudrions pour les autres.
La compassion, le plus puissant vecteur de paix et d’harmonie
Et pourtant, c’est bien face à ses ennemis qu’il faut faire preuve de compassion, des ennemis ou des collègues de travail, des voisins qui nous agressent. Car chacun de ces comportements extrêmes (guerres, violence) se retrouve aussi dans nos comportements quotidiens et dans notre attitude par rapport à des problèmes auxquels nous faisons face tous les jours. « Il est facile d’être compassionnel envers les dauphins ou les baleines mais beaucoup plus difficile envers les personnes que nous n’aimons pas », fait-elle remarquer. « Et pourtant, chaque fois que nous détestons une personne, chaque fois que nous nous autorisons à éprouver de la haine pour notre voisin, cela nous diminue. Quand nous faisons cela, nous méditons sur ses mauvaises qualités et de la sorte nous devenons son alter ego. C’est donc à nous, à vous, à chacun de commencer. En se mettant tous les jours à la place de l’autre, non seulement nous développons sainement la compassion mais nous sortons de l’emprise de notre ego : nous nous transcendons.»
Karen Armstrong perçoit donc la compassion comme un impératif global urgent. Dans cette perspective, la Charte de la Compassion prend tout son sens. Il s’agit de susciter une mobilisation massive. « Depuis 2008, ceux qui m’ont le plus aidée dans la mise en application de la charte ne sont ni des religieux, ni des spirituels, mais des entrepreneurs. Ils ont bien compris que sans le développement urgent d’une attitude compassionnelle, c’est toute la société qui va s’effondrer. Parmi les pays les plus actifs dans l’application de la Charte figurent ceux que l’on n’attendait pas, à l’exemple du Pakistan qui en train de monter un réseau d’écoles de la compassion initié par de jeunes entrepreneurs. Le projet pilote concentré sur quelques écoles est aujourd’hui inondé de requêtes d’écoles qui veulent les rejoindre. »…/….
A retrouver ici : http://othoharmonie.unblog.fr/2014/09/23/la-charte-de-la-compassion-2/
Extraits de l’article. Voir l’article complet dans Sacrée Planète n°59 page 6 à 10 par Nathalie Petit
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