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Posté par othoharmonie le 27 septembre 2014
par Charline Nocart
Début février, La Libre titrait «Les Belges n’ont jamais consommé autant de médicaments». Depuis 2004, le nombre de médicaments prescrits a progressé de 5% en Belgique et les autres pays ne sont pas en reste ! Notre société a-telle fini par donner raison au célèbre Dr Knock selon lequel «les gens bien portants sont des malades qui s’ignorent» ?
Petit tour d’horizon d’une dérive sur ordonnance…
Avant toute chose, il importe de définir ce qui déclenche tellement de passion, que cela soit auprès de ses producteurs, de ses consommateurs, comme de ses détracteurs… le médicament. Commune à l’ensemble des pays de l’Union Européenne, la définition du médicament va fixer les limites, mais aussi les enjeux de son utilisation et de sa mise sur le marché. Le code de la Santé publique [article L.5111-1] définit ainsi le médicament comme :
«toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l’homme ou chez l’animal ou pouvant leur être administrée, en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique».
Dans cette définition, les notions de guérison ou de prévention des maladies sont fondamentales… mais correspondent-elles pour autant à la réalité du terrain ? Les chiffres alarmants de la hausse spectaculaire de consommation de médicaments sont-ils vraiment synonymes de meilleure santé ou sont-ils, au contraire, le reflet d’un état sanitaire de la population en plein déclin ?
Des chiffres… entre grandeur et décadence
En 2012, le marché mondial du médicament représentait 856 milliards de dollars, soit environ 645 milliards d’euros ! Cela représentait, par rapport aux années ‘90, un triplement des budgets ! En tête de liste des plus grands consommateurs de médicaments : les USA, le Japon et, plus proche de nous, la France. Avec une dépense moyenne de santé de 350 euros par habitant et par an, la patrie de Pasteur est le berceau d’une longue tradition pharmaceutique, mais également un lieu de consommation médicamenteuse effrénée. Les classes de médicaments en tête de vente y sont : les médicaments à visée cardiovasculaire [hypocholestéroléminants, beta-bloquants,…], les anti-dépresseurs [leur consommation dans les pays de l’OCDE a augmenté de 60% ces dix dernières années !!], les médicaments du système nerveux [anti-douleurs, anxiolytiques,…] et les antibiotiques.
Sur les 36 milliards d’euros annuels de dépenses de médicaments en France, au moins un tiers serait, selon le Professeur Philippe Even - auteur du livre polémique «Guide des 4000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux» [voir encadré page 19] - injustifié au regard de leur utilité pour la santé ! Entrer dans l’examen de la ruine du système de santé et du «trou de la sécurité sociale» engendré par cette consommation serait certes intéressant, mais moins sans doute que son impact sur la santé publique.
Car si, comme le décrit le Prof. Even et comme vient encore de le défendre l’association belge de défense des consommateurs Test Achats, près de 40% des médicaments ont une efficacité faible, voire nulle en terme d’amélioration de la santé du patient, 19% des médicaments présenteraient des effets secondaires notables et 5% des risques majeurs pour la santé !
Dans un document datant de 2010 et traitant de l’usage rationnel des médicaments, l’Organisation Mondiale de la Santé [OMS] déclare également que «Plus de 50% des médicaments ne sont pas prescrits, délivrés ou vendus comme il convient et la majorité des patients ne prennent pas correctement leurs médicaments. La consommation exagérée, insuffisante ou erro née des médicaments a des effets nocifs pour les personnes et dilapide les ressources».
Santé en danger ?
Ces chiffres posent la question de l’intérêt sanitaire d’une telle consommation médicamenteuse. On désigne par «iatrogénèse [littéralement : «provoqué par le médecin»] médicamenteuse » l’ensemble des conséquences néfastes sur la santé individuelle ou collective de la prise de médicaments. Ces conséquences peuvent avoir plusieurs origines : le médicament lui-même, son association avec d’autres médicaments ou aliments, son incompatibilité avec l’état du patient, ou encore une erreur de prise.
Aux Etats-Unis, près de 1,5 million d’hospitalisations par an en découleraient ! Avec entre 150.000 et 300.000 hospitalisations et près de 15.000 décès annuels, la France affiche également des chiffres qui font frémir ! Parmi les victimes, les personnes âgées sont les plus touchées, le nombre de maladies augmentant avec l’âge, de même que le risque de se tromper lors de la prise du traitement. Souvent polymédiqués, les seniors sont donc deux fois plus touchés que le reste de la population. La moitié des effets indésirables des médicaments [EIM] seraient imputables aux médicaments à visée cardiovasculaire [statines, betabloquants,…] et un quart aux médicaments du système nerveux. Aux USA, les «EIM» sont la 4ème à 6ème cause de mortalité et leur impact économique va de 30 à 130 milliards de dollars annuels… mais que dire de leur impact humain ?
A qui la faute ?
Si la responsabilité est partagée en matière de surconsommation de médicaments et de risques associés, de nombreux scandales ont mis en lumière la responsabilité écrasante de l’industrie pharmaceutique dans la survenue d’accidents médicamenteux. Citons notamment le cas du Thalidomide. Commercialisé sous le nom de Softénon, ce médicament, prescrit comme anti-nauséeux aux femmes enceintes et mis sur le marché en 1958 en a été retiré en 1962. Il avait été administré à de futures mamans dans 48 pays et fut responsable de nombreuses et graves malformations de naissance [les «bébé softenon» sont pour la plupart nés sans membres ou avec des membres atrophiés]. Ce drame est d’ailleurs à l’origine du changement de législation dicté par la FDA [«Food and Drug Administration», agence du médicament américaine délivrant les Autorisations de Mise sur le Marché [AMM] aux Etats-Unis] à partir de 1962 et qui obligea désormais les firmes pharmaceutiques à prouver l’innocuité de leur médicament, son efficacité dans le traitement de la maladie pour lequel il est conçu. La firme doit aussi faire état des effets indésirables du médicament et fournir aux médecins toutes les informations permettant l’évaluation de la balance bénéfice risque liée à sa prise.
De nombreux scandales suivront tels que ceux du Distilbène [médicament prévenant soi-disant les fausses couches et responsable de dysfonctionnements gynécologiques sur plusieurs générations], du Vioxx [anti-inflammatoire commercialisé de 1998 à 2004 et responsable d’un risque cardiovasculaire majoré]. Plus récemment, le Médiator [coupe-faim responsable d’un triplement du risque d’atteinte cardiaque par valvulopathie et laissé sur le marché… 33 ans !!] montre hélas que la synergie des mensonges, corruptions de médecins, falsification d’études et autres malversations des industries pharmaceutiques, alliée aux dysfonctionnements des agences de contrôle du médicament [FDA aux USA, AFSM en France, AFMPS en Belgique,…] et au laxisme des gouvernements, génèrent une machinerie titanesque au sein de laquelle même les meilleures volontés médicales se retrouvent broyées… et que dire des victimes ?!
Le Réseau Cochrane a ainsi montré que les résultats d’études financées par les industries pharmaceutiques sont 5 fois plus favorables aux médicaments que ceux d’études financées par des organismes indépendants ! A titre d’exemple, le laboratoire Merck est transforment de nombreux bien-portants en malades imaginaires déjà détenteurs de «LA» solution… qu’il ne reste plus qu’à se faire
prescrire par un médecin, autant victime de la loi du marché que bourreau de patients qu’il n’a pas su recadrer !
Tous malades ???
Comment continuer à vendre plus de médicaments lorsqu’on n’en découvre plus de nouveaux, que les brevets juteux pris sur les molécules actives prennent fin et que celles-ci tombent dès lors dans le domaine public [ceci permet d’ailleurs la production de génériques, moins parvenu, en 2007, à un accord de 4,85 milliards de dollars – par lequel il n’admet pas sa culpabilité ! - afin de régler plus de 95% des 26.000 plaintes déposées à son encontre concernant le Vioxx ! Dans la majorité des cas, ces accords à l’amiable imposent aux plaignants qui l’acceptent, outre l’abandon de la plainte, un silence total sous peine de représailles en justice ! A côté de cela, la Mafia semblerait presque inoffensive ! Mais la responsabilité des patients que nous sommes n’est pas à négliger dans cette dérive !
Nombreux sont les médecins à dénoncer la pression mise par le patient déçu s’il ne ressort pas de la consultation avec une prescription ! La crainte de perdre sa clientèle au profit d’un collègue plus prompt à dégainer son carnet d’ordonnances est donc bien présente ! L’alliance de l’Internet comme source de renseignements sur les maladies et le matraquage publicitaire des firmes pharmaceutiques, chers que le médicament original] ? C’est simple ! Il suffit de «créer des malades» ! Comment ? C’est encore plus simple ! En modifiant les normes qui définissent la maladie ! Ces 30 dernières années, on a ainsi vu baisser les seuils du cholestérol, de la glycémie et de la tension artérielle. Des millions de personnes de par le monde sont donc devenues subitement «malades » et donc susceptibles de prendre un traitement
! Pour ne prendre que l’exemple des maladies psychiques répertoriées dans la bible de la psychiatrie, le DSM [Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders] : le nombre de celles-ci est passé de 60 dans la première édition de 1952 à plus de 400 dans la 5ème édition de 2013 !! Progrès du diagnostic pensez-vous
? Non ! Simple médicalisation du moindre de nos comportements «déviants» !
Les enfants sont les premiers visés ! En trente ans, l’enfant «plein de vie ayant besoin de se dépenser» s’est transformé en «hyperactif avec déficit d’attention» ! L’enfant «impertinent répondant à ses parents» est devenu porteur d’un «trouble oppositionnel avec provocation» !! Et bien sûr, la balade en forêt prêtant au défoulement et le moment de partage avec les parents ont été balayés et remplacés par des anxiolytiques, des anti-dépresseurs et, cerise sur le gâteau, la camisole chimique de la sacro-sainte Rilatine ! Rappelons quand même que celle-ci a pour effets secondaires : insomnies, dépendances, dépressions, accidents cardiaques, auto-mutilations, tentatives de suicide… et que sa molécule active est sur la liste officielle des subtances prohibées du Code Mondial Anti-Dopage !
Alors que faire ?
Au propre comme au figuré, il s’agit pour toute personne «d’arrêter d’avaler n’importe quoi» ! Retrouver la responsabilité de sa santé et la certitude que la solution aux problèmes de santé vient essentiellement «de ’intérieur», surveiller son hygiène de vie et surtout interroger le système ! Le service de pharmacovigilance
belge de l’AFMPS met en outre, depuis septembre 2012, une fiche signalétique à disposition des patients afin de signaler tout effet secondaire d’un médicament. Même si des doutes sont émis sur le réel suivi apporté à ses plaintes et si une démarche similaire sur le site européen d’EudraVigilance implique d’accepter une décharge de responsabilité [!!], autant en faire usage !
Rappelons aussi que la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient implique que le bénéfice/risque de tout traitement lui soit expliqué. Quant aux médecins, il s’agit peut-être de leur rappeler comme le déclare le Dr Healy dans le documentaire cité ci-dessus [citation du Dr. Pinel] : «c’est bien de savoir donner un médicament pour traiter une maladie, mais c’est un art encore plus grand de savoir quand il ne faut pas traiter».
Maladies à vendre…
Pneumologue français, Professeur Emérite de l’Université Paris Descartes et Président de l’Institut Necker, Philippe Even dénonce aujourd’hui les dérives de la médecine. Dans une récente émission diffusée par la chaîne ARTE, plusieurs intervenants, dont le directeur de la revue médicale «Prescrire» et le Professeur Even [auteur de l’ouvrage «Guide des 4000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux»] s’expriment sur cette création arbitraire de maladies maximisant les profits colossaux de l’industrie pharmaceutique. En modifiant les normes du cholestérol, l’industrie a ainsi multiplié par 3 [soit 36 millions d’Américains !] le nombre de « malades » potentiels ! Une aberration !!
http://www.youtube.com/watch?v=HXJlB7WESmw
A lire et à voir pour en savoir plus :
• «La Face cachée des Médicaments» du Dr Nicole Delépine aux Editions Michalon
• «Ces médicaments qui nous rendent malades» du Dr Sauveur Boukris aux Editions Cherche Midi
• «Guide des 4000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux» des Pr Philippe Even et Bernard Debré aux Editions Cherche Midi
• Documentaire sur Internet : «maladies à vendre».
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