FAIRE PARLER LE CORPS
Posté par othoharmonie le 10 novembre 2014
par Nicolas Bernard
Nicolas Bernard est un ancien élève de Normal’sup Ulm. Passionné par la compréhension de la pensée, il a étudié le fonctionnement du cerveau avant de basculer dans une autre vision de l’humain suite à des expériences d’ouverture de conscience. En recherche d’un sens de la vie bon pour soi, au-delà de la compréhension scientifique, extérieure, il a expérimenté la méditation, le chamanisme, la danse et s’est confrontation au monde en temps que thérapeute. Ses recherches personnelles sont à l’origine d’une nouvelle approche du corps, la Thérapie des Neuf Souffles, dont les bases sont exposées dans son livre, « le Corps au Cœur de l’Homme » aux éditions Le Souffle d’Or.
Faire parler les corps
Suite à mon parcours, je suis aujourd’hui thérapeute manuel. Thérapeute dans le sens le plus ancien : non pas celui qui « remet en place », mais celui qui se met à l’écoute de ce qui se dit là et qui en favorise l’émergence par son écoute. Jamais je ne manipule : à l’image d’une sage-femme, je me met à côté de l’autre et accompagne, d’abord par ma présence.
La découverte fabuleuse que j’ai faite, progressivement, est que le corps est intelligent. Il fait des choix, il interagit avec notre environnement… il est à lui seul un monde complexe, riche, surprenant. Et ce corps parle, avec son langage… et lorsque nous apprenons ce langage, il semble toujours prêt à nous révéler les merveilles qu’il recèle.
Je reçois des gens de tous bords pour toutes sortes de problématiques, physiques, émotionnelles, mentales, relationnelles… dont l’attente principale est d’être entendu et accompagnés dans ce qui se joue à l’intérieur d’eux-mêmes.
Je fais parler les corps : je suis une espèce de confesseur des corps, qui, à la manière de certains prêtres orthodoxes, ne questionne pas la personne pour qu’elle parle, mais qui lit en elle et lui redonne le contenu de ce qu’elle porte comme poids, afin de soulager son âme et lui permettre de s’élancer dans un chemin nouveau.
Je considère en effet que tous les déséquilibres du corps ont des raisons et qu’exercer une action pour « ré-équilibrer » est en fait une violence. Mon expérience thérapeutique me montre que de très nombreux symptômes, même soi-disant non physiques peuvent disparaître dès lors que le corps livre ses raisons de les avoir créés et que l’on sait les accueillir correctement.
Le corps est un être intelligent, sensible.
La conscience
Cette façon de considérer les liens entre la personne et son corps sont le résultat d’un long parcours de questionnement.
Très jeune, déjà, je me posais la question de la nature de la pensée, ce qui m’a orienté vers une carrière de chercheur. Je me suis intéressé de manière générale aux sciences cognitives (ce qui touche à la compréhension des mécanismes de la pensée) et je me passionnais en particulier pour le thème de la conscience.
Qu’est-ce que la conscience ?
Je croyais que je trouverai des explications dans le champs de la science, mais celle-ci ne sait pas quoi faire de cet objet qui n’en est pas un, au point de se demander si celle-ci existe, ou s’il elle sert à quelque chose… mais comment faire rentrer dans la boîte de la logique un phénomène qui ne semble être « transpersonnel » ?
Comme d’autres chercheurs, je me cassais la tête sur ce mur, et poussé par ma curiosité, j’accédai, par des moyens délibérés, à ce que l’on nomme des « états de conscience modifiés ».
Ce fut pour moi une révélation : j’étais vaste comme l’univers, je fusionnais avec les étoiles, je plongeais dans l’histoire des pierres et des lieux, je goûtais dans des grains de poussière à la fontaine de l’éternité… en expérimentant une conscience élargie, mes concepts matérialistes éclatèrent me montrant la vraie nature de ma recherche de connaissance.
La réalité de nos besoins et le corps
Au travers de ces expériences, je ne faisais pas que m’ouvrir à une dimension vaste de l’être : j’ouvrai aussi la boîte de pandore, inconnue de moi jusque là dans laquelle se trouvaient refoulées mes souffrances personnelles, comme si aller vers le plus grand, m’avait fait redescendre vers le plus petit. La vie m’avait descendu du piédestal de savant qui observe, classe et juge de tout en haut, à celui de petite chose prise dans la machine à laver !
En réalité, c’est bien dans le corps et sa réalité que m’ont reprécipité ces vécus transpersonnels.
Lorsque l’on expérimente que la conscience est plus vaste que notre corps (en tout cas ce que nous entendons habituellement par corps), il y a une forte tentation à se désintéresser de celui-ci pour partir à l’exploration des « royaumes célestes ». J’ai eu la chance pour ma part de cheminer sur des voies qui ont maintenu mon attention dans la direction inverse : le chamanisme, la danse, et la thérapie manuelle.
Dans toutes ces approches, c’est le placement dans le corps qui est primordial : chaque petite chose qui se trame en soi, chaque petite sensation est une porte vers un univers magique, le monde de dedans. Que ce soit dans le « voyage chamanique » ou dans le voyage dansé, la confiance apportée à ce qui monte de dedans est le début d’une grande aventure à la rencontre de soi-même. Notre fonction est juste de dire « oui », et de plonger dans un vaste réservoir de merveilleux qui est là en nous.
Accompagner la croissance de l’être par le corps
Pendant des années ma pratique de soins ostéopathiques, bien que basée sur l’écoute du corps, ne cadrait pas avec ce vécu magique. Je ressentais que rééquilibrer, même en douceur, les « déséquilibres » du corps n’était pas juste, que pour les personnes qui venaient consulter il s’agissait d’une perte d’informations précieuses.
Au travers de cas de plus en plus en plus fréquents, je fortifiais ma conviction que les symptômes ne sont pas des « accidents » ou des signes de dégradation du corps, mais des signaux, des appels à écouter quelque chose de profond.
Pourtant, malgré mon vécu personnel, je ne disposais que de moyens limités pour entrer dans un véritable dialogue avec cet univers, et surtout de moyens qui permettent de témoigner de la dynamique interne de la personne dans des termes accessibles, dans lesquels elle puisse non seulement se sentir reconnue, mais également accompagnée dans son évolution.
Derrière les symptômes, c’est bien d’évolution dont il s’agit : si nous avons tous un corps, c’est pour grandir, pour évoluer. Par le fait d’être incarné, notre âme peut se nourrir de nos expériences et croître. Il n’est donc pas question de faire taire les symptômes, fut-ce par des moyens doux : ma conviction est que le corps est un creuset alchimique, un athanor, et que chaque corps, chaque être est différent dans sa façon d’accomplir cela : veiller sur lui, c’est donc lui permettre de réaliser sa fonction du mieux possible, et non pas de l’emmener dans une direction d’équilibre stéréotypée.
Pour accompagner l’être dans son évolution, il m’a fallu, au-delà de toutes les techniques et savoirs que j’avais reçu, trouver des clefs pour engager ce dialogue personnalisé avec le corps et entrer en intimité dans son univers, ce qui reste selon moi le socle de toute guérison véritable.
Ouvrir le corps au dialogue
Le corps est un espace fabuleux, mais qui se protège… en réalité, qui nous protège : en considérant que c’est en lui et par lui que notre accomplissement et notre survie sont assurés, il m’est devenu clair qu’il était strictement impossible d’entrer en lui et de comprendre ses raisons juste par curiosité et encore moins par intrusivité.
Le corps ne nous révèle ses trésors que lorsque nous sommes clairement là pour le soutenir dans son propre fonctionnement.
Pour établir ce dialogue-là, il m’a fallut au fil des années, désapprendre à vouloir agir sur le corps… puis il m’a fallut apprendre à me laisser guider par lui : lorsque nous sommes respectueux, l’être vient nous prendre par la main à la porte du symptôme et nous emmène pas à pas dans la découverte de ce qui est là, de ce qui à besoin d’évoluer, et des ressources qui ont besoin de s’activer.
Il est très difficile de s’enfoncer dans cette lecture sans jalons. Les moyens que j’ai été amené à déployer permettent de progresser pas à pas dans cette exploration.
Il s’agit d’abord d’une compréhension de comment l’être est structuré et évolue et qui permet de le questionner par étapes, sans jamais le contraindre : « en quoi as-tu besoin d’aide ? », « comment te protèges-tu ? », « de quoi te protèges-tu ? », « qu’est-ce que tu protèges ? », « quelles interactions établies-tu avec l’environnement ? », « quels sont les ressources disponibles en toi pour évoluer ? », « quel chemin se dessine ? », « de quoi as-tu besoin pour installer ce chemin ? ».
En avançant pas à pas avec ces questions, le corps montre par des images, des sensations, des impressions les choix et l’organisation qui sont en lui aussi bien que les moyens d’évolution disponibles.
Un symbolisme corporel au service de l’alchimie qui œuvre en nous
Toujours en recherche de moyens de dialogues plus directs et plus parlants, j’ai regardé de près la constitution du corps sous l’angle de sa dimension alchimique. J’ai pour cela appliqué un modèle développé par G.I.Gurdjieff pour décrire des lois universelles de processus (l’ennéagramme des processus) et me suis aperçu que non seulement l’anatomie humaine renvoie directement à ces lois, mais également la dynamique interne du corps.
Il est né de ces observations un modèle symbolique unique du corps, la vision des Neuf Souffles, qui décrit neuf familles principales d’archétypes qui ont pour fonction d’interagir avec le cosmos.
Écouter le corps, dans la thérapie des Neuf Souffles consiste à cheminer avec les questions que j’ai énumérées plus haut en dialoguant avec ces archétypes. À chaque pas, chaque archétype se révèle sous un jour particulier qui parle de la place qu’il a prise, pour des raisons de survie, dans l’univers intérieur de la personne : il peut être en position de protecteur, de se cacher, de se mettre au service, ou bien de potentiel de changement.
L’application en séance individuelle ou en stage de cette façon de dialoguer avec le corps ne cesse de m’émerveiller et de me montrer sa richesse. Elle amène une réelle résonance avec le vécu intime des personnes, à un niveau souvent quasi subconscient, et cette résonance provoque un profond soulagement : celui d’être entendu, sans avoir à faire d’effort pour se montrer. Cette écoute continue aussi à m’émerveiller dans sa capacité à révéler et à accompagner avec poésie les ressources disponibles en chacun.
C’est cette vision cohérente, et les pratiques qui en découlent (la thérapie manuelle, mais aussi la méditation et avec mon épouse AnneEna, la danse) que je transmets aujourd’hui en stage, en consultations et sous forme de formations… comme des moyens de permettre à chacun d’accoucher de soi-même par le corps.
C’est aussi ce qui est exposé dans mon dernier ouvrage : « Le Corps au Cœur de l’Homme » paru cet automne aux éditions Le Souffle d’Or.
Plus d’infos sur l’auteur : Nicolas BERNARD
www.caravanedesneuf.fr
« Le Corps au Cœur de l’Homme », Editions Le Souffle d’Or
Cliquez ici pour plus d’information sur ce livre.
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