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Ecce acta magica

Posté par othoharmonie le 7 décembre 2014

 

wiccaLa pensée n’est pas quelque chose d’homo­gène; on peut choisir de distinguer deux ma­nières de penser, coexistantes en chacun 1 — et qui sont aussi importantes l’une que l’autre — : la première, pensée rationnelle, s’exprime sous la forme de sa voix intérieure et elle utilise des mots. La seconde, pensée magique, s’exprime sous la forme de son intuition et elle utilise des images et des symboles.

Du fait qu’elle puisse être formulée par le langage, la pensée rationnelle permet de construire une base sur laquelle s’appuient des choses telles que le raisonnement et la logique; elle est divisible en unités sémantiques (c’est-à-dire de sens : les affirmations et propositions) ou morphologiques (les mots), elle est par nature le langage de la conscience. C’est avec elle que nous sommes le plus familiarisés — dans le monde dans lequel nous sommes, dans lequel vous êtes si vous lisez ces lignes.

Par contraste, la pensée irrationnelle est constituée d’atmosphères, de sentiments, de symboles, tout un ensemble de choses qui par nature ne peuvent pas être saisies dans leur totalité. En cela, elle ne peut jamais être totalement consciente — pour autant elle partage avec la pensée rationnelle des procédés cognitifs tels que le lien de cause à effet — ; en pratique, c’est un procédé très largement inconscient 2.

Or, l’inconscient dort caché, tapi derrière nos garde-fous, eaux profondes enfouies sous la partie consciente de notre personnalité et de nos perceptions. Occulté, sa puissance n’en est pas moindre, bien au contraire; les ressentis intérieurs possèdent cette force immense qui est celle de la capacité de nous court-circuiter.

Le fait de la possibilité d’un tel court-circuit de la conscience — l’on pourrait encore dire qu’il possède les clefs de la place-forte, et ainsi se moque des remparts — révèle quelque chose de fondamental : c’est par ce biais qu’agira de la façon la plus efficiente un moteur, une volonté interne. L’on connaît le triste destin en février des résolutions du Nouvel An; en revanche, inébranlables sont les résolutions que nous prenons tout au fond de nous-mêmes. Or, l’on pourrait croire qu’il n’y a aucun moyen d’agir dessus, parce que nous n’imaginons trop souvent que notre seule possibilité, c’est de se déclamer la résolution et se dire que l’on fera mieux que les autres fois; il n’en est rien. — Il faut agir au plus profond de nous-mêmes, au niveau de la pensée irrationnelle, materia prima qui seule, pourra court-circuiter notre éphémère volonté consciente — laquelle bien souvent porte déjà inconsciemment son propre frein elle-même.

Agir au plus profond de nous-mêmes.

Cela peut se faire au moyen de l’acte magique.

L’homme est un microcosme3 . Chacune de ses terres peut être symbolisée en particulier par des objets; dès lors, il est possible d’utiliser l’un de ces objets comme une figuration de la chose sur laquelle l’on veut agir. L’objet est investi alors d’une vie magique, dès lors qu’en naît en notre esprit le lien symbolique. Toute action sur cet objet préfigure ainsi les actions sur ce à quoi il est lié — en quelque sorte, c’est agir bien plus directement que ce que l’on pourrait penser a priori sur notre inconscient. Or, seul celui-ci a besoin d’être modelé; l’on pourrait à la limite réaliser cet acte scrupuleusement et croire qu’il n’aura aucun effet sur notre volonté, que pourtant, intérieurement, le bouillonnement aurait déjà commencé, et tel une plaque électrique, chaufferait doucement mais inexorablement — amorçant une résolution bien plus réelle et efficiente que celles qui naissent et meurent en janvier.

C’est pour cela qu’il est si important de consacrer un lieu magique, de ne pas oublier l’ouverture et la fermeture du cercle lors de nombreux rituels, c’est pour cela qu’un envoûtement peut marcher sur quelqu’un qui n’y croit résolument pas et possède un esprit intelligent et rationnel4 , que le triple retour existe; d’une manière beaucoup plus profane, c’est le même mécanisme qui rend compte de nombreuses situations de placebo et de manipulation d’autrui, ou encore expliquerait pourquoi une induction hypnotique marche5 .

« Héloïse offre à Fabien une petite gemme d’une couleur signifiante, à une date signifiante, dans un lieu signifiant, dans un état d’esprit signifiant — avec prologue et épilogue — et elle passe doucement d’une main à une autre. Le regardant droit dans les yeux, Héloïse dit : « Je t’aime ». »

À jamais, cette gemme symbolisera leur lien, un véritable homoncule hermaphrodite qu’ils auraient alchimiquement créé, quand bien même ils feraient les plus grands efforts conscients pour se persuader du contraire et de son insignifiance. L’acte magique est plus fort que tout.

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1 Le moment privilégié où il s’exprime à chacun est très certainement le rêve. À ce sujet et au sujet de l’incons­cient, la lecture de S. Freud et de C.G. Jung est particulièrement intéressante; voir par exemple Psychologie de l’inconscient (LDP), Essai d’exploration de l’inconscient (Folio essais).

2 On peut consulter à ce sujet C.G. Jung, dans les introductions de Métamorphoses de l’âme et ses symboles (LDP) ou encore de Psychologie et Alchimie (Buchet Chastel).

3 À propos de la sorcellerie, J. Favret-Saada a proposé une analyse intéressante dans Les mots, la mort, les sorts (Folio essais). Pour ce qui est de montrer l’importance de l’irrationnel sur l’homme — que l’on choisisse de le prouver d’une manière irrationnelle ou rationnelle — la lecture de Et l’homme créa les dieux (Folios essais) de P. Boyer s’avère passionnante.

téléchargement4 Pour un résumé très intéressant de par sa clarté et sa concision sur ce vaste sujet, on peut lire Le sacré et le profane de M. Eliade (Folio essais).

5 T. Melchior propose l’explication d’une mise au diapason progressive du patient et de l’hypnotiseur, la voix de ce dernier se confondant peu à peu jusqu’à se substituer à la pensée consciente du patient — ce procédé se réalisant lorsque le patient se met à ne plus savoir si l’hypnotiseur opère une description de son état, ou une action : et c’est alors que ce qui n’était que description gagne la propriété d’également agir. À lire à ce sujet : Créer le réel, hypnose et thérapie (Couleurpsy).

SOURCE : Magazine Lune Bleue

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Et l’homme créa les dieux

Posté par othoharmonie le 7 décembre 2014

530823_371900562850011_190048441035225_1125165_348327284_nIntroduction et contexte

Cet article abordera simultanément deux questions à la fois brûlantes et se tenant au centre des préoccupations de nombreuses religions et systèmes de pensée, à savoir celle de la théogonie (l’origine des dieux) d’une part, et celle de la genèse de l’homme. 

Questions à la fois brûlantes et préoccupantes pour un certain nombre de raisons : la première étant qu’il est aujourd’hui difficile pour un certain nombre de systèmes conceptuels d’envisager l’un sans l’autre, c’est-à-dire d’envisager l’origine de Dieu sans envisager l’origine de l’homme  et vice versa, je m’explique : La plupart des religions, cela va de soi, n’envisagent aucunement une genèse de l’homme en faisant abstraction du divin, et donc de son origine à lui aussi. Là où la question devient intéressante, c’est que même au sein de l’athéisme, l’origine de l’homme n’est que très difficilement envisagée indépendamment  du divin, ne serait-ce que par le fait qu’on les met alors en opposition. Ainsi, l’athéisme, en se basant sur une émergence de l’homme indépendante du divin, inclut obligatoirement ce dernier dans l’équation, ne serait-ce qu’en le niant en tant que source de l’existence humaine. 

Quels que soient les systèmes donc, la question de l’origine de l’homme, et celle de l’origine de Dieu, demeurent prépondérantes, comme une réactualisation du problème de la poule et de l’oeuf, où l’on est bien en peine de savoir lequel est venu en premier, et lequel a créé l’autre…

Dans ce contexte, et comme nous le verrons, on dégagera deux positions dominantes, et nous tenterons d’avancer une troisième réponse, externe à ces deux positions, mais se situant malgré tout dans l’optique d’une certaine conciliation entre ces deux rapports conflictuels. 

Je tiens à préciser que les propos qui suivent sont plutôt personnels, et je ne doute pas qu’ils ne seront pas partagés par une majorité de lecteur. Le but n’est pas là au fond, mon objectif résidant essentiellement dans le fait de proposer une alternative à un dualisme persistant, et laissant un certain nombre de gens dans une certaine aporie, qui plus est pouvant conduire à un relativisme qui me paraît à la fois stérile et écartant tout à la fois un certain nombre d’autres hypothèses, parmi lesquelles celle que je vais tenter de développer dans les lignes qui suivent. 

Deux positions dominantes :

Au sein de la question qui nous préoccupe donc, à savoir l’origine du Dieu ou des dieux d’une part, et celle de l’homme d’autre part, les deux étant envisagées conjointement, on peut dégager actuellement deux positions dominantes qui se font front mutuellement : la première consiste à considérer le divin comme « LA substance », à la fois unique en tant que telle, originelle, parfaite, incréée et génitrice. En d’autres termes, cette position partagée par une majorité de religions, en particulier par les religions monothéistes, consiste à considérer le divin d’une part comme l’unique substance de l’univers, et d’autre part, à partir de là comme quelque chose d’à la fois spontanée, incréée, bref à la fois sans origine et à la source de sa propre origine, mais également comme génératrice de tout le reste. Résumons et simplifions à l’extrême cette position pour plus de clarté : Dieu ou les dieux sont à la source de tout, ils n’ont jamais été créés mais ont créé le monde et les hommes. 

La seconde position, qui est celle qui domine largement l’athéisme, consiste à dire que l’homme est le produit d’une évolution naturelle (ce que l’on ne remettra pas en cause ici, ça n’est, au final, pas le sujet), et que pour des raisons différentes et multiples (ces théories avancent le besoin de croire en quelque chose de supérieur, de se rassurer, de se donner des béquilles, etc…), il a créé Dieu/les dieux de toutes pièces. Celui-ci ou ceux-ci se résumeraient alors à un pur produit de son imagination, sans existence ni vie propre, une fiction en somme, une chimère, ravalée au même rang que la licorne ou le Léviathan. Dans cette conception, les divinités en tout genre ne se contentent alors pas de n’avoir d’existence que dans l’esprit des hommes, car outre le fait qu’elles soient un pur produit de l’imagination humaine, on ne leur confère pas même d’existence tangible. 

Partant de ce constat, de ces deux positions à la fois parfaitement antagonistes et hautement inconciliables, j’émets le souhait de proposer une position médiane, une sorte d’intermédiaire faisant la jonction entre les deux, même si de fait, de par son caractère médian, cette théorie pourra être considérée comme ayant « le cul entre deux chaises », et ne prenant pas véritablement position. 

Ça n’est pourtant pas le cas, la thèse que je vais développer dans la suite de cette article étant à la fois très personnelle et, j’en ai conscience, hautement subversive, elle me paraît pouvoir s’inscrire de manière tout à fait légitime comme une véritable base à un système global, et non simplement comme une tentative de réconciliation entre athée et religieux de tous bords. 

Une thèse intermédiaire, légrégore

Ne faisons pas durer le suspens plus que de raison, et afin de parler clairement, l’idée que je soutiens ici consiste à considérer les divinités de tous bords, monothéismes et polythéismes confondus, comme des égrégores. Bon, très bien me direz-vous, mais qu’est-ce qu’un égrégore ? 

Un égrégore, pour faire simple (même si cela n’a rien de compliqué en soi), est une entité, à la fois intégralement créée par l’esprit humain, et en même temps dotée d’une existence, d’une vie et d’un pouvoir d’action propre une fois sa création effective. On citera pour exemple les élémentaux notamment, et un certain nombre d’entités similaires dont on admet qu’elles ont  été créées par l’esprit humain mais, qu’une fois cela fait, elles ont acquis une forme de vie propre, et l’autonomie qui va avec. 

Voyez-vous où je veux en venir à présent ?

Ce que je soutiens ici donc, c’est que les deux  positions majeures décrites précédemment ne s’opposent finalement pas tant que cela dans la mesure où, pour moi en tout cas, elles ont  toutes les deux partiellement raison. En effet, le fait de considérer les divinités de tous bords comme des égrégores, c’est-à-dire comme des entités à la fois créées par l’esprit humain, mais en même temps autonomes et douées de puissance à partir de là permet d’affirmer d’une part que l’homme a bel et bien créé les dieux, mais d’autre part que Dieu, ou les dieux, existent aussi bel et bien, et ont même une forme d’existence propre, s’accompagnant d’une autonomie certaine. 

En effet, la force et l’autonomie d’un égrégore sont traditionnellement proportionnelles à la puissance de l’esprit qui l’a créé. Donc si l’on admet que les dieux sont des égrégores, on  admet du même coup que ce sont là les égrégores les plus puissants qui soient, tant le nombre d’êtres humains ayant foi dans ces entités est colossal, on a là une foule de piles spirituelles alimentant constamment ces égrégores et en faisant des entités véritablement à part, même selon cette conception. 

Car généralement, un égrégore reste une entité relativement dépendante de la personne qui l’a créé, et doué d’une autonomie très relative. Ici, en considérant les divinités quelles qu’elles soient comme des égrégores, on en fait certes des entités bel et bien créées par l’esprit humain, mais investies malgré tout d’une puissance tout à fait particulière dans la mesure ou aucun autre égrégore ne peut bénéficier de la puissance de la foi de millions de fidèles. 

L’ambiguïté est donc posée, et c’est précisément là que cette théorie permet de faire la jonction entre les conceptions religieuses ou athées traditionnelles : oui les dieux on été créés par l’homme, mais dans le même temps, ils se retrouvent doués d’une existence, d’une puissance et d’une autonomie propres, tant leurs créateurs sont nombreux. Ces entités, ces égrégores que l’on appelle des dieux, ne sont donc des égrégores que dans leur genèse, c’est-à-dire dans le fait qu’ils puisent la source de leur existence dans l’esprit humain, mais leur puissance, proportionnelle au nombre de leurs fidèles est devenue telle, qu’ils ne partagent précisément avec les égrégores classiques que cette genèse, leur autonomie étant devenue totale, et leur puissance d’action infiniment plus importante que ce que l’on a coutume de voir chez un égrégore. 

Conclusion

Afin de résumer un peu les choses, je pourrais dire que cet article a essentiellement pour but de tenter de s’extraire de la dichotomie constante opposant athées et religieux, et consistant à considérer que les dieux de toutes sortes ont été créés par l’homme et sont donc totalement fictifs, ou qu’ils sont omnipotents et donc à l’origine de tout. Je crois avoir montré que l’on peut, en sortant de ce conflit, considérer les divinités comme étant à la fois créées par l’homme et pour autant douées du même coup d’une existence, d’une autonomie et d’une puissance propres, et qu’au final les deux propositions ne sont pas incompatibles. 

Cette thèse, j’en ai conscience, est complètement personnelle et pour le moins subversive, mais en plus de faire grincer pas mal de mâchoires, elle aura peut-être le mérite d’ôter un sacré mal de crâne à certains lecteurs qui ne se retrouvent dans aucune des positions radicales énoncées ci-dessus.

Rien que pour ça, ça valait le coup de soulever un peu de vase, non ?

SOURCE : Magazine Lune Bleue

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