LES FORCES ET LES FAIBLESSES DE L’AME
Posté par othoharmonie le 6 avril 2015
SENTIMENT DU MOI, DE LA CAPACITÉ D’AMOUR DE L’ÂME ET DE SES RAPPORTS AVEC LE MONDE ÉLÉMENTAIRE.
Quand l’âme humaine entre consciemment dans le monde élémentaire, elle se voit obligée de transformer bien des conceptions qu’elle avait acquises au sein du monde sensible. Grâce à une augmentation correspondante de ses forces, elle se rend apte à opérer cette transformation. Ce n’est qu’en se laissant troubler par nécessité de ce renforcement qu’elle peut craindre qu’en entrant dans le monde élémentaire, elle ne perde le terrain solide sur lequel il faut qu’elle édifie sa vie intérieure. Les conceptions acquises dans le monde physique-sensible n’empêchent l’entrée dans le monde élémentaire qu’aussi longtemps qu’on veut à toute force les conserver telles qu’on les a formées dans le monde sensible.
Cette tendance à la conservation vient uniquement d’une raison d’habitude. Il est d’ailleurs tout à fait naturel que la conscience qui, d’abord, ne s’étend que sur le monde sensible, s’habitue à considérer comme seules possibles les formes qui proviennent du monde sensible. Cela n’est pas seulement naturel ; cela est même nécessaire. La vie de l’âme, n’arriverait jamais à sa fermeté intérieure, à sa solidité nécessaire, si elle ne développait pas dans le monde sensible une conscience vivant en quelque sorte dans des conceptions rigides ; rigoureusement imposées. Par tout ce qu’elle retire de son commerce avec le monde sensible, l’âme est alors à même d’entrer dans le monde élémentaire sans devoir y perdre son autonomie, son individualité bien définie. Ce renforcement, ce raffermissement de la vie intérieure doit être acquis pour que, quand l’âme entre dans le monde élémentaire, elle ne possède pas seulement son autonomie comme une qualité inconsciente, mais qu’elle puisse nettement l’utiliser en pleine conscience.
Si l’âme est trop faible pour faire des expériences conscientes dans le monde élémentaire, alors, en y entrant, elle voit disparaître son autonomie ainsi que disparaît une pensée trop peu affermie dans l’âme pour s’y maintenir comme souvenir distinct. En réalité, l’âme ne peut alors en aucune façon pénétrer avec sa conscience dans le monde supérieur. Elle est repoussée dans le monde sensible par cet être suprasensible que nous avons appelé le « Gardien du Seuil » quand elle s’efforce de pénétrer dans le monde supérieur. Et au cas où, en quelque sorte débauchée par le désir de la connaissance supérieure, elle aurait tout de même, en replongeant dans le monde physique, su retenir dans sa conscience quelque expérience du monde suprasensible, un tel accaparement peut souvent devenir la cause de troubles mentaux. Un danger de ce genre est absolument écarté si l’on cultive avec un soin particulier la faculté du discernement normal, telle qu’elle s’acquiert dans le monde sensible.
Grâce au renforcement de cette faculté, l’âme arrive à établir un juste rapport entre elle et les phénomènes et êtres des mondes suprasensibles. Car pour vivre consciemment dans ces mondes, l’âme doit posséder une force qui ne peut se déployer avec la même intensité dans le monde sensible que dans les mondes supérieurs.
Il s’agit de la force qui pousse à s’abandonner à ce qu’on éprouve. Il faut se plonger dans l’expérience occulte ; il faut pouvoir devenir un avec elle, et cela à un degré tel qu’on se contemple soi-même en dehors de son propre être et qu’on se sent entré dans l’autre être. Il faut que le propre être se métamorphose en l’autre être, objet de l’expérience occulte. Si l’on ne possède pas cette faculté de transformation, on ne peut pas faire d’expériences véridiques dans les mondes supérieurs. Car toutes ces expériences sont basées sur le fait que l’homme se rend compte maintenant de cette transformation spéciale, par laquelle sa vie est mêlée à un être qui, de par sa nature, modifie celle de l’observateur. C’est dans cette métamorphose, dans cette manière de se sentir un avec d’autres êtres que consiste la vie dans les mondes supérieurs. C’est ainsi qu’on apprend à connaître les êtres et les phénomènes de ses mondes. De cette façon on constate ce qu’on a de commun avec tel ou tel être ou pourquoi de par sa propre nature on se sent éloigné de tel autre être.
L’âme peut se soustraire à toutes les sympathies et antipathies et ne vivre que sa vie, en observant uniquement son propre être et en concentrant ses sentiments. Et même cette concentration des sentiments peut atteindre un degré de force telle qu’on peut parler d’un « vouloir » de l’être propre. Il s’agit ici d’un état de la vie de l’âme difficile à décrire, parce que, dans sa pureté, dans son originalité, il ne peut être comparé dans le monde sensible qu’au sentiment fort et pur du « moi », de l’individualité de l’âme. Peut-être, pour le monde élémentaire, cet état se laisse-t-il décrire comme suit. En face de l’abandon nécessaire aux expériences de sympathie et d’antipathie, l’âme se sent poussée à ce dire : je veux aussi m’appartenir à moi seule ; ne vivre qu’en moi. Et par une espèce d’acte de volonté, l’âme s’arrache à cet abandon que nous avons décrit. Pour le monde élémentaire, cette vie repliée sur elle-même est en quelque sorte l’état de sommeil, tandis que l’abandon aux phénomènes et aux êtres correspond à l’état de veille.
Si, dans le monde élémentaire, l’âme humaine est éveillée et veut se concentrer sur sa propre vie, c’est-à-dire si elle éprouve le besoin du « sommeil élémentaire », elle peut se le procurer en rentrant avec un sentiment du moi pleinement développé dans l’état de veille de la vie physique. Car la vie physique, tout imprégnée du sentiment du moi, est précisément le sommeil élémentaire. Il consiste dans un arrachement de l’âme des expériences élémentaires. Il est littéralement exact de dire que, pour la conscience clairvoyante, la vie de l’âme dans le monde sensible est un sommeil spirituel.
Si l’homme possède une clairvoyance normalement développée en s’éveillant dans le monde supérieur, il conserve le souvenir des expériences que son âme a faites sur le plan physique. La continuité de ce souvenir est nécessaire ; autrement il arriverait que les autres êtres et phénomènes se trouveraient présents dans le champ de la conscience, et que l’être lui-même en disparaîtrait. On ne saurait alors rien de soi-même ; on n’aurait pas de vie propre spirituelle ; les autres êtres et phénomènes rempliraient l’âme. Si l’on prend cela en considération, on comprend qu’il faut, dans l’intérêt du développement normal de la clairvoyance, donner une grande importance à la formation d’un vigoureux « sentiment du moi ».
Cela ne veut pas dire que la clairvoyance développe dans ce sentiment du moi quelque chose que l’âme ne posséderait pas par elle-même. La clairvoyance aide seulement à connaître ce qui, toujours présent dans les profondeurs de l’âme, reste pourtant caché à la conscience ordinaire, telle qu’elle évolue dans le monde sensible. Le fort sentiment du moi ne provient pas du corps éthérique comme tel, mais de l’âme qui prend conscience d’elle-même dans le corps physique-sensible. Si l’âme, en devenant clairvoyante, n’est pas encore en possession de ce sentiment du moi grâce à ses expériences dans le monde sensible, elle verra qu’elle est insuffisamment armée pour celles du monde élémentaire. Il est essentiel pour la conscience humaine que le sentiment du moi (l’expérience que fait l’âme du « moi ») tout en étant présent dans le monde sensible, y soit affaibli.
Cela permet d’y faire l’éducation de la force morale la plus noble, de l’altruisme. Si le fort sentiment du moi se mêlait dans les expériences conscientes de l’âme au sein du monde sensible, les impulsions et les conceptions morales ne pourraient pas se développer normalement. Elles ne pourraient pas produire le fruit de l’amour. Il ne faut pas considérer l’abandon, cette force instinctive du monde élémentaire, comme égal à ce qu’on désigne par amour dans la vie humaine. L’abandon élémentaire consiste à se retrouver soi-même dans un autre être ou phénomène, tandis que l’amour consiste à prendre conscience d’autrui dans sa propre âme. Pour que ce sentiment puisse se déployer, il faut en quelque sorte qu’un voile s’étende sur le sentiment du moi présent dans les profondeurs de l’âme. L’âme dont les forces égoïstes sont estompées peut épanouir la faculté de ressentir en elle-même les souffrances et les joies d’un autre être, et l’amour, qui produit la vraie moralité dans la vie humaine, pousse ses bourgeons.
Pour l’homme, l’amour est le fruit le plus important de sa vie dans le monde sensible. En pénétrant l’essence de l’amour, de l’altruisme, on saisit le procédé par lequel, dans sa vérité, le spirituel se manifeste dans le monde sensible. Nous avons dit qu’il est dans la nature du suprasensible de se métamorphoser en autre chose. Le spirituel dans l’homme physique-sensible se transforme de façon à affaiblir le sentiment du moi et à revivre en forme d’amour, ce spirituel reste fidèle à ses propres lois élémentaires. On peut dire que, par la conscience clairvoyante, l’âme humaine s’éveille dans le monde, mais il faut tout aussi bien dire que, dans l’amour, le spirituel s’éveille au sein du monde sensible. Là où l’amour, où l’altruisme naissent dans la vie, on perçoit le souffle magique de l’esprit qui pénètre les monde des sens.
Par contre, l’amour véritable, la vraie bienveillance sont en même temps des expériences de l’âme qui augmentent les forces de la conscience en favorisant la clairvoyance. Si l’on dit avec raison que l’âme doit passer par une préparation avant d’être à même de faire des expériences dans le monde supérieur, on peut bien ajouter aussi que la vraie capacité d’amour, le penchant pour une réelle bienveillance humaine et pour la sympathie sont au nombre de ces moyens préparatoires. Un sentiment du moi démesurément développé dans le monde sensible agit contrairement à la moralité. Un sentiment du moi trop faiblement développé fait que l’âme qui, dans la réalité supérieure, subit les orages des sympathies et des antipathies élémentaires, manque de sécurité intérieure et de consistance. Celles-ci présupposent dans le corps éthérique qui demeure inconscient dans la vie ordinaire, un sentiment du moi suffisamment fort provenant des expériences dans le monde sensible. Mais le développement d’une disposition de l’âme vraiment morale exige que le sentiment du moi, bien qu’il doive être présent, soit pourtant affaibli par les penchants à la bonté et à l’amour.
EXTRAIT du livre : LE SEUIL Du MONDE SPIRITUEL de RUDOLF STEINER aux Editons ALICE SAUERWEIN
Publié dans Etat d'être, TRANSFORMATION INTERIEURE, Zones erronées | Pas de Commentaire »