LA CULTURE DE LA VOLONTE
Posté par othoharmonie le 31 mai 2015
Le grand œuvre spirituel comporte la culture de nos forces physiques. Le corps est un serviteur ; on lui doit l’entretien et le repos L’esprit et l’âme vivent tout mêlés avec lui et, à son tour, il se mêle à eux. En nous, comme au sein de la Nature, tout influe sur tout.
La volonté doit donc devenir maîtresse du corps, dans celles de ses parties qu’anime le système nerveux conscient. Il faut contrôler peu à peu les gestes, les paroles, les regards ; il faut résister à la faim, à la soif, à la fatigue, au sommeil, quand il y a utilité ; il faut accepter, si besoin est, l’aliment, ou la boisson, ou le travail qui ne plait pas à ce corps. Mais inutile de lui imposer des peines arbitraires, sinon dans les cas exceptionnels. Quand nous nous sommes privés de dîner ou de dormir, le lendemain, nous faisons mal notre besogne ; la matière est encore trop forte chez presque tous. Seuls les êtres d’élite, chez lesquels l’esprit a recouvré sa place – la première -, peuvent jeûner, veiller, et que personne ne s’en aperçoive ensuite ; eux seuls peuvent supporter la grande fatigue et la douleur sans que leur moral s’en ressente.
La vitalité physique est très sensible aux dispositions du caractère. La mauvaise humeur, l’anxiété, le pessimisme l’affaiblissent ; la bonne humeur, l’entrain, l’optimisme la renforcent. On doit se maintenir en joie ; et, comme les occasions d’être joyeux ne sont pas toujours très fréquentes, l’entraînement systématique à un heureux caractère est excellent. Le vrai disciple n’est pas un individu morose, grincheux et enfoncé dans de sombres méditations. Il sait sourire, il sait être gai ; il sait que toutes les forces ont besoin de détentes, et qu’à la faveur du repos, la volonté, comme le muscle, se renouvelle et se rajeunit. Une récréation peut devenir une re-création.
À l’extrémité supérieure du Moi fonctionne notre intellect. Lui aussi doit passer sous le contrôle du libre-arbitre; lui aussi, comme le corps, est un serviteur à qui, après le travail, la détente et le repos sont nécessaires.
Certes, l’effort moral vers la sainteté fait faire les progrès les plus décisifs à la maîtrise de nous-mêmes. Mais du mépris de l’intelligence ne faisons jamais une des conditions de cette sainteté ; cultiver l’intelligence afin de mieux servir le prochain pour obéir au Christ, voilà ce qui est juste. Mais mépriser le savoir est aussi faux que d’en faire une idole, quoique la dignité du savant digne de ce beau nom soit infiniment au-dessus de la vanité du sot.
La même règle de convenance et de juste équilibre s’applique aux recherches de l’Art. La Beauté, pas plus que la Science ou la Force, ne doit être prise pour un but ; elle est une route. L’Art mène à Dieu, comme la Pensée, comme le Travail, à condition de ne s’en approprier ni les fruits ni la noblesse.
C’est encore en suivant la loi commune que doit se mouvoir la sphère des sentiments. La culture de la volonté, quelque intensive qu’on la souhaite, ne demande pas qu’on arrache de son cœur les affections saines dont Dieu lui a confié les germes. Aimer sa famille, sa cité, sa patrie, l’humanité, ce ne sont pas des faiblesses, mais bien d’excellentes écoles pour le Moi ; car on ne peut pas aimer sans agir ; et plus intimement nous vivons avec les objets de nos affections, plus ardue devient la tâche de rendre cet amour vivant dans nos paroles, dans nos actes et dans notre caractère. Un amour qui ne se sacrifie pas n’est qu’un égoïsme.
Aimer l’humanité, ce n’est pas très difficile; l’humanité, c’est loin, c’est vague, et puis, c’est trop grand; on ne voit pas grand-chose à faire pour elle. Aimer sa patrie, c’est déjà moins facile, parce qu’il y a la guerre, et l’opposition de nos intérêts particuliers avec l’intérêt collectif. Mais le plus difficile, c’est d’aimer nos voisins, nos camarades, à la personnalité desquels notre personnalité se heurte chaque jour. Là, les occasions de se maîtriser abondent. Si l’on veut suivre l’entraînement à fond, il faut toujours accepter, sauf si l’on veut nous induire à mal faire, toujours s’effacer, toujours se laisser mettre à la dernière place, toujours donner ses aises et ses, préférences : voilà le meilleur des exercices ; il vainc nos défauts, il transforme nos travers, il nous oblige à nous dépasser nous-mêmes.
Ce n’est pas tout que d’accepter. Il ne faudrait pas seulement laisser prendre ; on devrait donner à qui demande, offrir à ceux qui n’osent pas solliciter. Ceci, c’est la perfection. Ne visons pas si haut du premier coup. Allons pas à pas, et nous nous tiendrons pour satisfaits si nous parvenons à ne jamais faillir aux devoirs, aux exercices qui se présentent. Le Ciel saura bien, à mesure que notre force volitive croît, nous conduire vers les choses difficiles
Telles sont, rapidement indiquées, les règles très générales de la culture spirituelle. Ce sont les manières d’être, ce sont les travaux.
Extrait des Lettres Mystiques
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