Le jeûne de l’esprit
Posté par othoharmonie le 4 juin 2015
Il y a lieu ici d’attirer l’attention des hommes de bonne volonté sur l’importance de ce silence intérieur imposé, non seulement à notre perpétuelle inquiétude de nous-même et de notre devenir, mais même à nos facultés mentales. Légitime et nécessaire, quand il s’agit d’élucider un problème de science naturelle ou de mathématique ou de nous déterminer dans tout ce qui a trait à notre vie d’ici-bas, le raisonnement devient un obstacle, lorsqu’il s’applique aux vérités de l’ordre éternel qui le dépassent radicalement.
Certes, pour les débutants dans la vie intérieure, il est utile d’entretenir leur jeune enthousiasme par des arguments en faveur de leur foi encore vacillante. Le Seigneur les encourage même parfois, par des douceurs, des consolations, de fu-gitives extases.
Mais, cette première période passée, un jeûne spirituel rigoureux qui écarte toute spéculation intellectuelle et se contente d’une foi nue, dépouillée de ses atours et de ses appuis sensibles, est nécessaire pour disposer notre esprit à recevoir les clartés définitives. Il permet à Dieu et aux anges qu’Il a commis à notre avancement, de former nos yeux intérieurs pour voir les réalités et nos oreilles pour entendre les paroles de vie.
Ce jeûne de l’esprit est assez dur à pratiquer. Aussi celui qui n’a pas le courage de s’y livrer spontanément, mais qui est jugé toutefois capable de les supporter, entre souvent dans ce qu’on appelle les nuits mystiques qui ont été souvent décrites par les auteurs spirituels. L’esprit traverse un désert où il ne voit que du noir; il lui semble être jeté dans un abîme dans lequel il ne trouve aucun point d’appui et pour sortir duquel, il ne découvre aucune issue. Toutes les notions et les certitudes qui faisaient sa joie, disparaissent; l’espérance l’abandonne; ses travaux ascétiques lui semblent avoir été faits en vain, il se croit perdu.
Le Maître cependant veille sur lui. Il n’avait fait que Se voiler aux yeux de Son disciple, comme une mère vigilante se cache de son petit enfant pour lui apprendre à marcher tout seul, puis reparaît au moment propice.
Les bienfaits de ces « nuits » sont très grands, parce qu’elles détournent de tout le sensible, approfondissent l’humilité et disposent à l’union divine.
Ces périodes de sécheresse, de doute et de désolation, sont d’autant plus douloureuses, que le mystique avait mis toute sa joie dans les consolations divines. Son entourage s’aperçoit de sa peine presque impossible à dissimuler, tant elle est intense.
C’est pourquoi, ces « nuits » ont moins d’inconvénient dans les cloîtres et pour les cénobites, mais pour nous qui vivons au milieu du monde, nous ne devons pas paraître moroses : notre tristesse éloignerait nos frères de notre idéal. Nous avons, au contraire, à les attirer, en devenant rayonnants de joie et de paix. Il nous faut donc tâcher d’éviter les déserts de l’âme en pratiquant nous-mêmes, spontanément, le jeûne spirituel le plus rigoureux et en nous livrant sans relâche aux oeuvres charitables. C’est le seul moyen de donner au Ciel la possibilité de nous faire progresser intérieurement, sans que nous ayons à traverser les terribles nuits. Avec Dieu, vous le savez, aucune habileté n’a de chance de réussir, car, selon l’Écriture, « Il sonde les coeurs et les reins ». Néanmoins cette habileté là est permise et le Père est tout heureux de voir Son enfant côtoyer les déserts intérieurs, sans y entrer, parce que trop absorbé par les oeuvres de la compassion fraternelle et parce que son jeûne moral incessant permet, quand même, de construire en lui les organes invisibles du corps glorieux de la résurrection. Tâchons d’être du nombre de ces privilégiés, de ces courageux soldats qui vont d’eux-mêmes à la bataille et n’attendent pas qu’on les enrôle.
Extrait de « LE CHEMIN DE LA FOI » par Émile Catzeflis
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