La croix au double visage
Posté par othoharmonie le 8 novembre 2015
Le symbole de la croix a un double visage : à la fois universel (on en trouve des représentations partout dans le monde) et très marqué par l’importance toute particulière qu’il prend dans le contexte du christianisme. Il n’est donc pas, pour nous occidentaux, héritiers – consentants ou non – de vingt siècles de tradition chrétienne, un symbole tout à fait « comme les autres » et, pour fonder cette étude dans toute sa rigueur, nous sommes conduit à poser quelques prémisses méthodologiques. Nous ne pensons pas qu’il soit compatible avec une attitude scientifique de privilégier la symbolique chrétienne, même si nos sociétés européennes lui reconnaissent, consciemment ou inconsciemment, une place particulière. Mais, pour échapper à cette tentation, il serait tout aussi peu souhaitable de dresser un catalogue inexpressif ; car, sous couvert d’objectivité, on ne tiendrait pas compte de l’approche privilégiée que le christianisme a pu avoir du symbolisme de la croix, et ce serait une attitude peu heuristique, par rapport à l’intelligence du symbole.
La réponse et le juste équilibre sont, pensons-nous, dans une approche plus synoptique, qui permette aux différents visages du symbole de s’éclairer et de se vivifier mutuellement. Les progrès de l’anthropologie la rendent possible : comparatiste, mais se défiant de toute tentative syncrétiste, et soucieuse de ne pas rapprocher superficiellement des éléments fondamentalement hétérogènes, elle se fonde sur une structure ontologique soigneusement définie, de façon à découvrir ce qui, dans leur essence, associe des phénomènes différents dans leurs manifestations particulières ; elle seule, pensons-nous, peut trouver, dans l’économie générale du symbole, l’harmonie entre son visage dominant et ses visages particuliers ; alors, nous verrons que, par delà le temps et l’espace, les aspects multiples de ce riche et beau symbole ne sont pas fondamentalement différents, et qu’ils s’inscrivent tous dans une dynamique et une énergétique ; mais qu’il est aussi exact que, parmi eux, c’est le christianisme qui nous propose la lecture la plus complète et la plus intégrante, et que nous devons donc en tenir compte.
Parmi les premières croix symboliques dont la littérature ou l’iconographie nous donnent des images, il en est beaucoup qui sont associées à un souci de s’orienter, de se stabiliser. On sait que c’est une des préoccupations les plus urgentes de l’homme primitif, dès l’instant où il tente d’analyser et de structurer sa relation au monde. Pour exorciser une angoisse fondamentale, il éprouve le besoin de se situer par rapport à des points de repère : les quatre points cardinaux, déterminant un axe « polaire » nord-sud, coupant à angle droit un axe « solaire » est-ouest ; c’est la croix qui est à la base de tous les plans de villes romaines par l’intersection du decumanus est-ouest et du cardo Nord-Sud ; c’est aussi le sens que lui donne Platon quand il nous parle du khi (?) formé par l’intersection du cercle de l’équateur et de celui de l’écliptique. Le symbole connexe est alors le carré (associé au 4, nombre symbolique de la matière) ; la croix constitue ses diagonales, et s’inscrit tout naturellement dans cette forme géométrique qui l’ancre et l’immobilise.
Quant au Christ, cloué sur sa croix aux yeux d’un incroyant, il est, même pour un croyant, écartelé aux quatre coins du monde (représenté implicitement à travers les quatre branches de la croix) .
(Revue 3e Millénaire. Ancienne série. No 12. Janvier-Février 1984) Sur le blog de Francesca http://othoharmonie.unblog.fr/
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