Conspiration du silence
Posté par othoharmonie le 21 décembre 2015
« Quand on discute avec des scientifiques en privé, il y a beaucoup plus d’ouverture qu’on pourrait le croire, observe le neuropsychologue Mario Beauregard. Mais ils disent: « nous devons penser à notre carrière, à nos crédits de recherche, etc. Il y a une sorte de conspiration du silence, qui est aussi une réaction de peur. «
C’est donc du terrain que viennent les évolutions en cours, des thérapeutes eux-mêmes, mais aussi et surtout du public qui exerce une pression croissante pour que l’on prenne en compte non seulement le corps de l’individu, mais également les dimensions émotionnelle et spirituelle de son existence. En témoigne le succès de l’association Inrees fondée par le journaliste Stéphane Allix, et qui vient de publier un Manuel clinique des expériences extraordinaires à l’usage des thérapeutes mais aussi des curieux et passionnés. Contributrice de l’ouvrage, la psychologue Isabelle de Kochko observe le basculement engagé : « Ce qui m’étonne toujours quand on parle de l’extraordinaire est la précipitation superficielle à trouver des explications dites rationnelles qui sont parfois bien tirées par les cheveux, même dans les milieux psy qui devraient être plus ouverts. »
Quand on ne comprend pas, on dit trop facilement que « ce n’est pas possible » ou que « ça n’existe pas », ajoute-t-elle. Mais elle juge « tout aussi étonnantes » les réactions plutôt confidentielles de professionnels de santé qui parlent de dons qu’eux-mêmes possèdent: voyance, prémonition, magnétisme… « Comme il y a quelques années avec l’hypnose, les jeunes psychologues chercheurs qui briguent des postes universitaires ne doivent pas trop se compromettre », relève-t-elle.
Paradoxe Thierry Janssen, ex-chirurgien devenu psychothérapeute, a lui-même parcouru le chemin qui mène d’une médecine mécanisée, quasi déshumanisée, à une approche globale, holistique, de la personne et de son trouble. « La guérison est un concept qui permet de faire le lien entre le corps et l’esprit, explique-t-il.
Dans les cultures asiatiques, qui n’ont jamais séparé le corps et l’esprit, l’énergie est au centre des systèmes de guérison : Prana en Inde, Qi en Chine, Ki au Japon, etc. » Le paradoxe est que la science, la médecine elle-même, ne croit pas à l’énergie vitale, comme le constate fort justement le biologiste canadien Bernard Grad.
Nous passons enfin de la biochimie à la biophysique, avec une prise en compte graduelle de la notion d’énergie . En référence aux rois thaumaturges (« Le Roi te touche, Dieu te guérit »), Thierry Janssen note qu’en Occident « beaucoup de guérisseurs ont un mythe personnel. Ils insistent sur un parcours initiatique, passé par la souffrance et au bout duquel il y a comme une révélation extérieure, qui leur donne une connexion, une légitimité. »
Au final, ils se disent « connectés à plus grand qu’eux, à ce mystère de la vie que beaucoup appellent Dieu. » Traumatismes effacés Psychiatre, neurologue et lui aussi auteur à succès, David Servan-Schreiber a rencontré le prodigieux au détour du virage intellectuel qui fut le sien. Parmi les méthodes qu’il présente dans son livre Guérir, l’EMDR est véritablement spectaculaire, et encore plus incompréhensible pour la science que tous les concepts d’énergie vitale. Comment en effet les mouvements oculaires rapides (comme dans le sommeil du rêve), associés au rappel d’un souvenir traumatisant, peuvent-ils faire disparaître les (graves) symptômes liés à ce traumatisme ?
Victimes d’attentats, de viols, té- moins de scènes de massacre…, ils ont perdu le sommeil et la sérénité depuis des années. Et voilà que quelques séances d’EMDR effacent littéralement toutes les composantes psycho-émotionnelles associées au traumatisme pour ne laisser que le souvenir lui-même… Dans le domaine de la maladie mentale, on gravit encore une marche vers l’inconnu. « Freud a découvert l’inconscient en étudiant l’hystérie », rappelle le psychiatre Serge Tribolet, qui a le sens de la formule : le « fou » n’a pas une case en moins, mais une case en plus! « À qui sait entendre, le délire dit beaucoup, écrit-il dans son dernier livre .
Réduire la folie à la maladie mentale est une grave erreur en même temps qu’une faute éthique! La folie n’est pas l’expression d’une carence, mais la manifestation d’une capacité supérieure, capacité à dépasser le mur de la connaissance rationnelle pour accéder à un savoir comparable à celui que pouvait transmettre la pythie (oracle grec). » Expériences chamaniques Parmi les vécus autrefois systématiquement associés à la folie, les expériences transpersonnelles sont aujourd’hui vues d’un autre œil. « Après Freud et Jung, on a découvert que l’inconscient humain est beaucoup plus vaste qu’on le croyait, souligne Mario B.
L’esprit humain et la notion de soi peuvent varier énormément, au-delà du temps et de l’espace, jusqu’à des expériences d’identification avec tout l’univers, de conscience cosmique. »
La psychologie transpersonnelle est aujourd’hui un quatrième courant reconnu de la psychologie aux États-Unis. Olivier Chambon, autre psychiatre formé à l’EMDR, s’intéresse désormais aux expériences de type chamanique, qui présentent à ses yeux des « possibilités insoupçonnées », autant que des « propriétés thérapeutiques originales ». Ainsi, les voies d’exploration ne manquent pas pour tenter de comprendre un peu mieux un être humain décidément multidimensionnel.
Sur le blog de Francesca Source Magazine NEXUS
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