Une mésaventure amoureuse d’Apollon
Posté par othoharmonie le 23 décembre 2015
Comme chacun qui lit Histoires-Mythiques le sait, le bel Apollon a beau être beau, ses réussites personnelles en matière de conquête de donzelles et damoiseaux sont décevantes. Tous ses plans Q tournent soit au fiasco, soit à la violence, soit à la mort impromptue du partenaire. On s’est beaucoup interrogé sur les raisons d’une pareille débâcle. Ovide a bien une explication, mais j’avancerais plutôt l’hypothèse suivante :
Apollon drague comme Howard Wolowitz dans The Big Bang Theory – c’est-à-dire comme une savate.
Tel fut le cas lorsqu’il rencontra Chioné, la fille du roi Daïdalion. Le monarque en question était lui-même le fils d’Éosphoros, l’étoile du matin, subséquemment le frère de Céyx. Non content d’avoir des stars dans ses ancêtres, Daïdalion avait fort mauvais caractère : ainsi, sa principale occupation consistait à combattre, guerroyer, défier, affronter, surpasser, dominer, massacrer, et piller par-dessus le marché. Pendant qu’il partait à la guerre subjuguer tous ceux qui avaient le malheur d’être ses voisins, il laissait Chioné, à l’âge de quatorze ans, folâtrer aux jeux de l’adolescence (fumer en cachette dans les toilettes, sécher les cours, cramer les sous paternels en shopping, prendre ses premières cuites, une ado, quoi). Or, Chioné était une ado plutôt jolie, hormis l’acné juvénile.
Tous les mecs de son âge voulaient être ses boyfriends et lui déclarer leur flamme tel Justin B. envoûtant Selena G. Toutes ses bestaaah lui enviaient son nombre faramineux de prétendants. Apollon, passant par là, tomba lui aussi amoureux de la donzelle ; et comme l’Olympe n’accepte jamais l’extradition dans les procès pour détournements de mineurs, il se promit de se la faire le soir même.
Il conçut même un plan : il l’approcherait sous un habile déguisement, la tranquilliserait et dès qu’elle relâcherait son attention, hop ! Il lui apprendrait ce que c’est qu’un homme, un vrai (enfin, un dieu). Il allait attendre le soir, pour bien élaborer son plan dans les moindres détails. Mais un autre dieu avait repéré la princesse, et celui-là n’attendit pas. Hermès, émoustillé par les attraits de Chioné, se glissa ni vu ni connu près d’elle.
Au moment propice, il la toucha avec son caducée magique : la jeune fille s’endormit sur-le-champ. Le dieu dépucela la demoiselle endormie, ce que je me permets de trouver moyennement galant, et s’en fut incognito avec ses sandales ailées et son caducée-GHB. Quand on pense que c’est Apollon qui lui a offert le caducée, à la base, eh bien bravo. Chioné se réveilla les vêtements en bazar, et s’étonna fort :
– Ouais, trop chelou ce truc, j’ai eu un vieux coup de pompe, chais pas c’est quoi. C’est peut-être le truc qu’ils disaient sur Grèce l’autre fois, la narcolemmie ou un truc du genre. Ça explique tout en fait. C’est des crises de narcopepsi aussi que j’ai en cours de français. Elle restait ainsi pleine de perplexité quand la nuit tomba (CHBAM !) et qu’aux premières lueurs des étoiles, une vieille femme vint vers Chioné et la salua. On aura tous deviné que la senior en question n’est que l’apparence d’emprunt du jeune et viril Apollon. Observons-le à l’œuvre. Apollon
– Eh bien ma petite, vous me semblez toute désappointée. Quelqu’un vous aurait-y fait des misères ? Si vous le voulez, ma chérie, je puis… vous… consoler… Chioné
– Euh, madame, je veux pas vous décevoir mais voilà, j’aime les jeunes…
Enfin, grâce à un habile stratagème à base de tricot et de dentier, Apollon réussit à tromper la vigilance de la belle et à la conquérir au moins aussi galamment que le fit Hermès. Quels romantiques, ces dieux. Sur ce, Apollon se retira sur l’Olympe, sans aucun remords de son viol et tout fier d’avoir pris la virginité de Chioné. Croyait-il.
Ce qui nous laisse à dire qu’Apollon est quand même le seul dieu de l’Olympe à se faire piquer sa meuf avant le premier rendez-vous. On applaudit l’artiste. Très logiquement, Chioné tomba donc enceinte de deux faux jumeaux, qu’elle enfanta neuf mois plus tard, et qu’elle nomma, pour le fils d’Hermès, Autolycos, et pour le fils d’Apollon, Philammon. Par la suite, et sous l’influence d’une idéalisation excessive du père absent tout à fait intéressante sur un plan freudien, Autolycos devint voleur et Philammon musicien. Cependant, loin de se consacrer exclusivement aux langes de ses fistons, la jeune mère de quinze ans Chioné songeait à sa mésaventure :
– Hey, se dit-elle, tout de même, c’est deux dieux qui étaient à fond sur moi, grave. Et pis pas genre l’autre ringard d’Héphaïstos. Naaan, des Olympiens trop people, des jeunes et beaux gosses qu’on les honore dans des temples et tout.
C’est hyper swag. Faut qu’je sois vachement sexy, quand même. Bouffie d’orgueil, et trop illettrée pour avoir lu les divers articles d’Histoires-Mythiques qui l’auraient pourtant prévenue, elle se mit à comparer sa beauté à celle des déesses. Et qui passait justement près de l’endroit où Chioné baguenaudait ? Artémis, déesse de la chasse et de la virginité, qui traquait biches et chevreuils dans les bois attenants, en compagnie de son cortège de nymphes et de jeunes filles militantes du MLP (Mouvement de Libération des Pucelles). Chioné la toisa de haut en bas, désapprouva sa mode vestimentaire, et nargua Artémis :
– ‘Tin mais t’es trop boloss toi pour une déesse. Quoi, chais pas c’est où que t’as acheté tes fringues, mais laisse tomber les minijupes, à côté de moi tu fais juste pas le poids niveau sexitude, han !
– Comment cette mijaurée ose-t-elle prononcer des paroles si téméraires ?
– C’est toi la téméraire, rétorqua Chioné. Outrée de cette insulte et à sa beauté et à l’art de la répartie, Artémis saisit son arc et décocha une flèche en plein dans la langue de la princesse.
Non, pas de fausse indignation, lecteur, je sais que vous avez rêvé de faire ça à votre petite sœur (je salue la mienne au passage, bises, et n’oublie pas mon anniversaire). La pauvre Chioné se vida de son sang par cette blessure, et défuncta sans (plus) mot dire. Quand son père, le roi Daïdalion, ce monarque aussi pacifiste que Ben Laden, apprit sa mort, il pleura comme une fillette et songea au suicide. Il l’aurait voulu théâtral, par exemple se jeter dans le bûcher funéraire de sa fille et brûler tout vivant en poussant des cris d’horreur qui auraient glacé d’effroi toute l’assistance. Manque de bol !
Alors qu’on venait d’allumer les flammes et qu’il prenait son élan, Daïdalion fut ceinturé par son entourage qui veillait au grain. Mais le père éploré refusait d’être sauvé. Dans un moment d’inattention, il mit une droite à l’un de ses sauveurs, s’échappa, courut jusqu’à la falaise la plus proche et se précipita dans le vide.
Re-manque de bol ! Apollon vit son beau-père d’une nuit faire le saut de l’ange. Pris de pitié, il transforma vite fait le suicidaire en oiseau, en épervier pour être précise.
Ainsi Daïdalion foira-t-il complètement son suicide. Mais il ne perdit pas son caractère belliqueux, s’acharnant même sous sa forme d’oiseau à massacrer les autres zoziaux tel un Bachar Al-Assad à plumes. Quand même les dieux vous contrarient, on peut bien avoir mauvais caractère.
Sources : Ovide, Métamorphoses ; Hygin, Fables.
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