Développement personnel à l’époque de Montaigne

Posté par othoharmonie le 20 mai 2014

 

Les « Essais » de Montaigne se révèlent un étonnant manuel de développement personnel. L’anglaise Sarah Bakewell a décortiqué la pensée du philosophe et en a extrait 20 leçons de bonheur.

220px-Montaigne-DumonstierLiriez-vous une biographie de Montaigne ? Peut-être pas. Mais vous seriez probablement alléché par un titre du genre : « Comment vivre ? » C’est celui qu’a choisi Sarah Bakewell, au risque de passer pour une moraliste à deux sous. Mais le sous-titre révèle la vraie nature de l’objet : « Une vie de Montaigne en une question et vingt tentatives de réponse».

Attention, il ne s’agit pas de savoir comment on doit vivre : la question morale, ici, est délibérément absente. Michel Eyquem de Montaigne (1533-1592) se souciait uniquement de bien vivre, c’est-à-dire de manière pleinement humaine, aussi satisfaisante, intelligente et heureuse que possible. Il ne défendait pas des thèses, mais se contentait de dire ce qu’il avait fait, dans telle ou telle circonstance, sans jamais se donner en exemple.

Sarah Bakewell l’a découvert par hasard, il y a une vingtaine d’années. A court de lecture, à Budapest, elle est tombée sur une traduction des « Essais » dans une boutique de livres d’occasion. C’était le seul ouvrage disponible en anglais. Elle l’a ouvert et ne l’a plus lâché… Il faut dire que les livres, cest son affaire. Cette Anglaise de 50 ans a passé une partie de son enfance en Australie où son père était libraire et sa mère bibliothécaire. Après des études de philosophie, elle est devenue conservatrice au département des incunables de la Wellcome Library, à Londres.

« Comment vivre ? » n’est pas une biographie à proprement parler. Sarah Bakewell a plutôt voulu tirer les leçons du parcours de Montaigne et explorer, si l’on peut dire, ses vies posthumes. Car l’auteur des « Essais » passionne des générations de lecteurs depuis plus de quatre siècles.

Montaigne a inventé un genre littéraire. Il s’observe, se raconte parfois de manière osée (la petite taille de son sexe le tourmente…), alors qu’au XVIe siècle un auteur ne se livrait que pour évoquer de hauts faits. « Chacun regarde devant soi, constate-t-il. Moi, je regarde dedans moi : je n’ai affaire qu’à moi, je me considère sans cesse, je me contrôle, je me goûte […]. Je me roule en moi-même. » Se raconter lui permet de tendre à ses lecteurs un miroir dans lequel ils se reconnaissent. Chacun a l’impression d’avoir vécu de telles scènes, et même d’avoir écrit ces textes. « Il me semble que c’est moi-même », disait André Gide, grand admirateur des « Essais ».

De son vivant, Montaigne réussit la prouesse d’enchanter des lecteurs indépendants d’esprit sans choquer les hommes d’Eglise les plus orthodoxes. Sa règle est en effet de « tout remettre en question », mais avec une seule exception : sa foi religieuse, qu’il déclare au-delà du doute. Il prône la sou- mission à Dieu et à la doctrine catholique. Cette foi du charbonnier est bien vue par les autorités ecclésiastiques, dans la mesure où elle s’oppose au protestantisme qui fait passer le raisonnement privé et la conscience avant le dogme. Mais au siècle suivant, le fidéisme sera mis en question, et on commencera à reprocher à Montaigne toutes sortes de choses, à commencer par ses délicieuses histoires animalières qui semblent mettre hommes et bêtes dans le même panier. Il insupporte Descartes et fait bondir Bossuet, tandis que Pascal le considère comme « le grand adversaire ». Mis à l’Index le 28 janvier 1676, les « Essais » le resteront jusqu’au 27 mai 1854, pendant près de cent quatre-vingts ans.Voltaire puis Nietzsche, eux, s’enthousiasment pour Montaigne qui apparaît comme un précurseur des Lumières. Les romantiques en font un romantique, et les moralistes victoriens un allié, publiant des versions abrégées, expurgées et aseptisées de son oeuvre. Toutes ces lectures et contre-lectures font vivre les « Essais » et assurent l’immortalité littéraire de leur auteur.

L’éloge du doute

Très inspiré par les philosophies de l’Antiquité grecque (stoïcisme, scepticisme et épicurisme), vouant une admiration sans borne à Plutarque dont il a recopié des passages entiers, Montaigne laisse courir sa plume : il écrit ce qui lui passe par la tête, sans souci de cohérence. D’ailleurs, il voyage de la même façon : les personnes qui l’accompagnent en Europe le voient changer de route chaque fois qu’il entend parler d’une chose intéressante. « Montaigne assurait qu’il était impossible de s’écarter du chemin : il n’y avait point de chemin », commente Sarah Bakewell. Lui-même explique : « S’il ne fait pas beau à droite, je prends à gauche ; si je me trouve peu apte à monter à cheval, je m’arrête… Ai-je laissé quelque chose à voir derrière moi ? J’y retourne ; c’est toujours mon chemin. Je ne trace à l’avance aucune ligne déterminée. » 

Ses « Essais » sont truffés de « peut-être », de « je crois » ou de « ce me semble ». Souvent, un « encore ne sais-je » met en doute ce qu’il vient d’affirmer. Il est persuadé que toute chose a plusieurs faces et que tout est relatif. Ce scepticisme et cette humilité, cet éloge du doute sont d’autant plus remarquables qu’il vit dans un siècle où catholiques et protestants sont capables des pires horreurs pour défendre une simple formulation théologique. Vivre dans l’incertitude : c’est l’une des vingt « réponses » repérées par Sarah Bakewell. Les autres ne sont pas toujours aussi parlantes. Si l’on comprend d’emblée le sens de « S’arracher au sommeil de l’habitude », « Tout remettre en question » ou « Vivre avec tempérance », il faut découvrir ce que signifie « Se ménager une arrière-boutique », « Ne philosopher que par accident » ou « Faire du bon boulot sans trop ». Pourquoi vingt réponses, d’ailleurs ? Ce chiffre rond a quelque chose d’artificiel. Pour sa part, Stefan Zweig avait tiré huit leçons de cette oeuvre qu’il admirait – huit manières d’être libre…

L’une des « réponses » de Montaigne est qu’on peut traverser une guerre inhumaine en restant humain. Il condamne la torture, à une époque où celle-ci se banalise et prend les formes les plus monstrueuses. Sans être forcément héroïque – on l’a vu fuir son domaine lors d’une épidémie de peste – il est capable de ne pas se salir les mains. Et, mieux encore, de chercher à réconcilier les pires ennemis, en se mettant à la place des uns et des autres. « Au Gibelin j,étais Guelfe et au Guelfe Gibelin », dit-il joliment.

C’est un autre de ses traits – et une autre « leçon », tirée par Sarah Bakewell : multiplier les points de vue. Montaigne se documente sur les coutumes de peuples lointains pour s’émerveiller de leur étrangeté et souligner le caractère aléatoire de toute chose. « Je ne connais pas de meilleure école pour former la vie, écrit-il, que de mettre sans cesse devant nos yeux la diversité de tant d’autres vies, opinions et usages. » Changer de perspective, c,est aussi, à la manière des sages de l’Antiquité, prendre les choses de très haut pour les relativiser. Vues du ciel, nos petites ambitions évoquent des fourmis qui s’agitent dans tous les sens. Et « au plus élevé trône du monde, nous ne sommes assis que sur notre cul ».

Faire diversion face à la douleur

Montaigne a perdu, en 1563, Etienne de la Boétie, qui était pour lui comme un frère. Cette amitié profonde, il l’a exprimée par une phrase devenue célèbre : « Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne se peut exprimer qu’en répondant : parce que c’était lui, parce que c’était moi. » La Boétie est mort en parfait stoïcien, avec courage, sagesse et dignité. Mais à partir de ce jour-là, Montaigne a éprouvé la nécessité de se protéger de la douleur qui naîtrait de la perte d’un être cher, lui qui a vu mourir en bas âge cinq de ses six enfants. Il est devenu un fin connaisseur des techniques de diversion. Par exemple, pour chasser la crainte du vieillissement, il se concentre sur un souvenir d,enfance. Pour consoler une veuve, il lui parle de son époux, mais fait doucement dériver la conversation : « Je lui dérobai imperceptiblement cette pensée douloureuse, et la tins en bonne contenance et du tout apaisée autant que j’y fus. »

Sarah Bakewell a choisi des citations dans la langue originale, l’ancien français. Cela gagne en saveur, mais perd parfois de sa force, car il faut relire à deux fois pour saisir la justesse du propos. Son livre est cependant une excellente introduction à Montaigne. Le lecteur n’a plus qu’une hâte en le refermant : se plonger dans une version modernisée des « Essais ».

Autre leçon de Montaigne, et non la moindre : « Ne pas se soucier de la mort. » Jeune homme, en bon stoïcien, il pensait que la grande affaire de l’homme était de se préparer à bien mourir. Mais un accident de cheval, qui a failli lui ôter la vie à l,âge de 36 ans, lui a fait voir les choses tout autrement. Un paysan passe-t-il son temps à réfléchir sur la façon dont il passera sa dernière heure ? « La Nature lui apprend à ne songer à la mort que lorsqu’il est en train de mourir. » Mieux vaut vivre pleinement, dans l’instant : « Quand je danse, je danse ; quand je dors, je dors ; et même quand je me promène solitairement dans un beau verger, si mes pensées se sont occupées de choses étrangères pendant quelque partie du temps, une autre partie du temps je les ramène à la promenade, au verger, à la douceur de cette solitude et à moi. »

Les coaches du bonheur ne disent pas autre chose quand ils conseillent de goûter l’instant, de faire le vide dans ses pensées, de se détacher du bruit du monde. Avec quelques siècles d’avance, Montaigne a incité chacun à être témoin de ce qui se passe en soi. Les « Essais » sont une précieuse leçon de liberté, pour se détacher des poisons que sont la vanité, l’avidité, la routine ou le fanatisme. Et une invitation au bonheur de vivre. 

par par Robert Solé sur http://www.cles.com/enquetes

 

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Que faire de ses dix doigts en philosophie ?

Posté par othoharmonie le 18 mai 2014

 

images (14)Pas grand chose, voilà sans doute ce que vous pensez, comme tout le monde. Bien sûr, on peut toujours mettre le doigt sur un problème, tout en évitant de se le mettre dans l’oeil, mais ce ne sont que des façons de parler. En fait, quand il s’agit de réfléchir, vos doigts vous seraient bien inutiles. C’est faux et archi-faux, je vais vous le montrer.

Faites passer votre index sous le médium de la même main. Au bout de ces deux doigts croisés, placez une bille en verre, en métal, en bois ou en plastique, peu importe. Palpez, faites rouler, attrapez… Vous aurez vite l’impression qu’il y a deux billes, et non une. Remplacez la bille par un crayon, tenu entre vos doigts croisés, vous aurez deux crayons pour le prix d’un…

Cette illusion est connue depuis plus de vingt-cinq siècles. Aristote, le fondateur de la métaphysique, fut le premier à la mentionner. Ensuite, on l’a bien oubliée. Voilà pourtant une petite expérience qui, loin d’être seulement une curiosité amusante, pourrait bien nous mettre sur la voie de réflexions importantes. Il suffit de croiser les doigts pour… comment dire ? « Toucher double », comme on parle de « voir double » : le réel semble profondément perturbé par cette simple inversion des doigts, qui entrecroise nos capteurs sensoriels.

Posez maintenant votre index sur le pouce de la même main, pulpe contre pulpe. Fermez les yeux, frottez doucement un doigt contre l’autre, et demandez-vous : qui touche ? Et qui est touché ? C’est vertigineusement indiscernable. Cette fois, c’est vous qui êtes dédoublé, tout en restant entier des deux côtés ! Voilà un jeu élémentaire qui permet de soulever quantité de questions abyssales. Où donc est le sujet, où donc est l’objet ? Qui est sentant, qui est senti ? A quel registre de réalité appartient cette sensation ? En fait, vous voilà aux portes de la métaphysique. A deux doigts de toucher à l’essentiel.

Car ces petits jeux peuvent vous faire voir autrement ce rapport à soi qu’on appelle la « réflexivité », tout comme le fait de s’éprouver soi-même ou « autoaffectivité », mais aussi les relations complexes, et mal élucidées, de la chair et du monde, du dehors et du dedans de nous-mêmes. De proche en proche, vous pourriez bien vous retrouver en balade dans différentes « logies » (psycho-, onto-, phénoméno-, théo- et quelques autres). Comme quoi, on a tort de penser que jouer avec ses doigts est juste bon pour la cour de récréation de l’école primaire. Décidément, avec ces trucs qui n’ont l’air de rien, on sait quand on commence, mais il suffit d’envisager les conséquences pour être encore à l’auberge longtemps après. Quand vous en aurez assez, dites « pouce ! ».

par Roger-Pol Droit

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Les Hippies de la forêt

Posté par othoharmonie le 18 mai 2014

 

290px-Bonobo1_CincinnatiZooLes chimpanzés forment une société dictatoriale et xénophobe, avec des mâles dominants qui règnent sur les femelles, se livrent à des guerres, fomentent des complots et usent de tromperie pour détrôner leurs rivaux. Les bonobos, eux, ont inventé une société non violente et égalitaire, s’appuyant sur un système hiérarchique sans dominant ni dominé. Leur ciment social est l’amour pratiqué de façon assidue et multiforme. La gentillesse des mâles envers les femelles, typique de l’espèce, favorise une relation égalitaire entre les sexes. « Faites l’amour, pas la guerre » semble être la devise de ces hippies de la forêt. Un langage de paix qui porte ses fruits : il est rare que ces créatures d’une sensibilité et d’une douceur extraordinaires (tous les éthologues s’accordent sur ce point) adoptent un comportement belliqueux ou jaloux.

« Les chimpanzés résolvent les questions sexuelles par le pouvoir, les bonobos les questions de pouvoir par le sexe,

explique Frans de Waal, directeur du centre de primatologie Yerkes, à Atlanta, aux Etats-Unis, mondialement connu pour ses travaux sur les deux espèces. Chez les bonobos, les conflits ne prennent jamais d’ampleur : l’activité sexuelle se substitue à l’agressivité. Comme source de plaisir d’abord, mais aussi comme tactique subtile pour apaiser les tensions liées à la nourriture, obtenir une faveur, un épouillage. Un peu comme les couples qui font la paix sur l’oreiller après une dispute. »

Dans la lignée de Diane Fossey ou Jane Goodall, de Waal bouleverse tranquillement notre vision des grands singes – et, par la même occasion, des millénaires de pensée philosophique. « Que la vie sociale de l’un de nos plus proches parents soit pacifique et égalitaire apporte un démenti à l’idée si répandue que nous provenons d’un lignage assoiffé de sang, animé d’un désir irrépressible de triompher les uns des autres, dit-il. Une preuve que le singe en nous n’est pas seulement un tueur. Ce n’est pas parce que la sélection naturelle est un processus d’élimination cruel et sans pitié qu’elle doit produire des créatures cruelles et sans pitié. Elle favorise les organismes qui survivent et se reproduisent. Or, ces derniers peuvent propager leurs gènes en devenant moins agressifs, plus coopératifs. C’est ce qu’ont fait les bonobos. »

Le sexe comme une alternative à l’hostilité. Pour perdurer, les bonobos ont choisi la voie du Kama Sutra. Le nouveau gardien du zoo de San Diego s’en souvient. Pas encore initié aux mœurs du Pan paniscus, il avait accepté un jour d’être embrassé par Kevin. Il a failli tomber à la renverse quand il a senti la langue du singe dans sa bouche. Ce french kiss n’était pour le primate qu’une marque d’amitié, le b.a.-ba de l’amour bonobo qui se pratique en toute saison, sans tenir compte des périodes d’ovulation, à deux ou en groupe, entre partenaires de sexe opposé ou non (Frans de Waal parle de « pansexualité » pour dire qu’ils sont ouverts à toutes les relations). Et les bonobos adoptent les positions les plus variées, y compris celle du missionnaire longtemps considérée comme propre à l’homme : massage croupe contre croupe ou ventre contre ventre, masturbation, fellation, long baiser mouillé ou encore une sorte d’« escrime pénienne » qui, en Arabie saoudite, vaudrait aux mâles qui jouent à ce frotti-frotta libertin d’être décapités. Maîtres de la communication érotique, les bonobos ont un langage constitué de plus de vingt gestes et vocalisations distinctes pour indiquer leur désir de copuler ou de s’embrasser. Car les sons émis, comme leurs expressions faciales ravies, ne laissent aucun doute : il s’agit bien de plaisir. Y compris chez les femelles qui atteignent régulièrement l’orgasme et dont la sexualité est non reproductive puisqu’elles ne mettent un petit au monde que tous les cinq ans.

Les bonobos seraient-ils obsédés ? Loin s’en faut. Le sexe, dans leur espèce, fonctionne comme un ciment social. Quand deux mâles se battent, une femelle s’interpose et semble dire : « Bon, les machos, on se calme, venez me faire l’amour et vous verrez, vous serez plus détendus. » Chez ces stakhanovistes du sexe, capables d’aligner huit à dix coïts quotidiens, les compétions entre mâles pour avoir accès aux femelles sont ainsi évitées, de même que les guerres entre communautés. Lorsqu’ils se rencontrent, les groupes se mêlent sans se combattre. Au début, chacun fait un peu son cinéma, les mâles traînent quelques branches pour impressionner l’étranger. Mais très vite, tout le monde se mêle, s’enlace, s’accouple. Le bed-in de John Lennon et  Yoko Ono, en signe de protestation contre la guerre du Vietnam, n’avait d’autre message.  

L’homme, un singe bipolaire 
  « Les bonobos se comportent comme si le contact érotique était la chose la plus normale qui soit pour apaiser les corps et les esprits, assure de Waal. Une activité parmi d’autres qui pimente brièvement, mais fréquemment, la vie sociale. En un rien de temps, ils passent de la nourriture au sexe, du sexe au jeu, de l’épouillage à un baiser, et ainsi de suite… »

Avoir deux proches parents, chimpanzés et bonobos, formant des sociétés si différentes, est fort instructif. D’un côté singes guerriers, de l’autre créatures pacifiques et érotiques. Nous sommes des singes bipolaires, dit de Waal. Alors pourquoi ne pas privilégier la bonobo attitude qui sommeille en nous ? Après tout, faire l’amour toutes les soixante-dix minutes dans le cadre d’un doux matriarcat, il y a pire comme programme…  

Extrait de Soyons Bonobos sur http://www.cles.com/

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Deepak Chopra : gourou de la “santé spirituelle”

Posté par othoharmonie le 8 mai 2014

 

Subjuguée par sa méthode pour vivre jeune et en pleine forme éternellement, l’Amérique se déplace en foule pour l’écouter. Même si sa façon de faire rimer santé, spiritualité et rentabilité ne plaît pas à tout le monde.

Erik Pigani

images (2)Classé parmi les cent personnalités les plus marquantes du siècle par “Time”, soutenu par des dizaines de stars du show-biz, Deepak Chopra est connu dans le monde entier. Beaucoup moins dans notre pays. Pourtant, une vingtaine de ses livres ont déjà été traduits en français.  » Je suis un opportuniste heureux « , dit-il. Il y a de quoi : avec 15 millions de dollars de revenus annuels, cet endocrinologue s’est construit un véritable empire financier. Grâce à sa méthode pour  » vivre jeune et en parfaite santé éternellement « .

Son histoire

Deepak Chopra naît en 1947 à New Delhi, en Inde. Son père, cardiologue, l’envoie se spécialiser en endocrinologie aux Etats-Unis. Diplômes en poche, il devient un chef de service pragmatique et sérieux au New England Memorial Hospital. Trop ? En tout cas, suffisamment stressé pour éprouver le besoin de remonter aux sources et de consulter un médecin bien de chez lui : Brihaspati Dev Triguna. Un nom qui sonne comme une vieille formule magique, mais une sommité mondiale de la médecine ayurvédique. Diagnostic : si Deepak continue de vivre à cent à l’heure, il court droit à la catastrophe cardiaque. En pleine époque d’une médecine scientifique et triomphaliste, le retour aux sources n’est pas franchement de mise.

Mais le jeune homme suit les conseils du vieux sage et découvre, un peu stupéfait, les principes de base d’un art millénaire de la santé et d’une vie plus saine. Faire silence quelques minutes chaque matin, passer plus de temps avec femme et enfants, mâcher lentement sa nourriture, grignoter quelques amandes douces… voilà le programme de Triguna. Simple, mais efficace. Magique ? Assez pour permettre au jeune médecin de se sentir mieux dans sa tête et dans son corps, et pour lui donner définitivement le goût des techniques traditionnelles.

1984

Nouvelle rencontre décisive : Maharishi Mahesh Yogi. Authentique gourou indien, il a fondé la Méditation transcendantale, une technique de méditation traditionnelle adaptée pour les Occidentaux – les Beatles ont effectué une retraite chez lui –, et une école de bien-être et de santé basée sur l’ayurvéda. En France, cette méthode a été classée – à tort ? – parmi les sectes, mais pas aux Etats-Unis. Chopra y étudie la méditation, mais aussi les secrets des préparations de plantes, l’art des régimes alimentaires, les techniques de massage, etc.

Elève doué, il est nommé, un an plus tard, directeur d’un important centre de santé Maharishi et fonde l’Association américaine de médecine ayurvédique. Elle lui permet de rencontrer des scientifiques de haut vol, qui l’initient aux plaisirs métaphysiques de la physique quantique.

« La science nous permettra de mieux comprendre la spiritualité, dit-il. Tout au moins la physique moderne qui a dépassé les limites de la matière et pour qui l’univers est un vaste océan d’énergie, de conscience et de lumière. » Premiers livres, dont le best-seller “Le Corps quantique” dans lequel il propose une synthèse entre les développements les plus pointus de la physique, biologie, médecine, et les grands principes des philosophies spirituelles. Premières télés, premières interviews. La communauté scientifique officielle, qui n’apprécie guère le mélange des genres, réagit violemment :  » Un pur amalgame !  » s’exclament certains.

Pour réponse, le docteur Chopra déclare sur un ton péremptoire que la médecine n’est jamais parvenue à tout guérir et qu’ » en utilisant notre conscience nous pouvons demander à notre corps de ne pas vieillir « .

1993

Les Américains, subjugués, se déplacent en foule pour l’écouter. Il quitte Maharishi pour voler de ses propres ailes. A La Jolla, en Californie, il fonde un établissement de remise en forme, le très luxueux Chopra Center for Well Being (centre Chopra pour le bien-être). Spécialité : comment guérir, rester jeune et en forme grâce à l’ayurvéda, à la méditation et à mille autres trucs éprouvés du développement personnel. Certainement aussi grâce à une bonne dose de foi.  » Quand on assiste à une rémission spontanée d’un cancer, aucun scientifique au monde ne peut en expliquer le mécanisme, commente Chopra. On parle de miracle, mais ce n’est qu’une loi naturelle ! Ces guérisons montrent que l’esprit est assez puissant pour freiner ou stopper l’altération du corps. « 

Guérisons qui passent aussi par un porte-monnaie bien garni : le moindre stage de  » purification  » coûte 15 000 F la semaine. Ces tarifs semblent n’arrêter personne. Surtout quand Madonna, Michael Jackson, Liz Taylor, Bette Midler ou Demi Moore plaident en sa faveur. Mais il n’y a pas qu’eux :  » Aujourd’hui, mes collègues me soutiennent, ajoute Chopra. Depuis trois ans, je donne des conférences à la Harvard Medical School, et suis invité par les écoles américaines de médecine les plus réputées. « 

Spiritualité et.. rentabilité ?

Face à un système médical occidental affichant ses limites et ne tenant pas vraiment compte des dimensions psychologico-spirituelles de l’être humain, le système Chopra répond probablement aux aspirations profondes des âmes égarées dans la modernité. Cette fascination pourrait aussi être le reflet d’une recherche de santé en  » kit « , directement consommable.

Le Chopra Center ne désemplit pas, et son commerce de produits dérivés – livres, cassettes, CD, vidéos, vêtements, compléments alimentaires, tous labélisés  » Corps sans âge, esprit illimité  » – est florissant. Mais faire rimer spiritualité avec rentabilité ne plaît pas à tout le monde. Et pour cause : notre culture judéo-chrétienne nous a baignés dans un monde d’humilité, de pauvreté et d’abnégation où les abbé Pierre et autre mère Teresa ont été érigés en référence absolue. Le gourou de la santé vit-il alors vraiment en accord avec ses principes ?  » Tout ce que je fais, je le fais par plaisir, répond-il. Lorsque je médite, c’est parce que j’aime pratiquer cet exercice, qui me rend créatif. Lorsque je fais une heure d’exercices physiques, c’est parce que je me sens bien. En revanche, si j’ai envie de boire un café dans un aéroport, je le bois sans honte ni culpabilité. Je ne me prends pas au sérieux. « 

Les 5 principes du Dr Chopra

La médecine ayurvédique L’ » ayurvéda  » indien –  » science de la vie  » – est l’un des systèmes médicaux les plus anciens. Cette approche globale de l’être humain, qui tient compte à la fois du corps, du mental, de l’esprit, de l’environnement, s’appuie sur un ensemble de techniques spécifiques : préparations à base de plantes, massages, jeûnes, régimes alimentaires, désintoxication, exercices physiques, etc.

La guérison Pour Chopra, la maladie est le signe de conflits intérieurs : notre esprit, soumis au stress, aux incohérences de la vie moderne, séparé de sa dimension spirituelle, se fatigue et autorise virus et microbes à se développer.

Le corps quantique La matière est composée d’atomes, eux-mêmes constitués de particules subatomiques – des formes d’énergie lumineuses et immatérielles. Selon Chopra, notre esprit serait capable d’entrer en contact avec la  » mémoire  » des atomes et d’influencer leur comportement. Voilà ce qui déclenche les processus de guérison.

La méditation Chopra pratique la méditation transcendantale, fondée sur la répétition d’un  » mantra  » (un mot, une phrase) pour canaliser le flux des pensées. Pour les débutants, il conseille de s’entraîner en se concentrant plutôt sur sa respiration afin de  » vider  » son esprit. A raison d’une fois par jour pendant dix minutes, cet exercice diminue anxiété et stress, développe mémoire et créativité.

La spiritualité Elle est pragmatique. On restaure d’abord l’harmonie avec soi-même : aimer son corps, lui apporter tous les éléments nécessaires pour négocier avec les facteurs de stress, accepter les zones d’ombre de sa psyché… Ensuite, il faut développer l’amour, ses facultés d’empathie avec les autres et son environnement. Enfin, c’est reconnaître que nous sommes sur Terre pour accomplir un travail et entrer en relation directe avec notre Soi supérieur.

 SOURCE : http://www.psychologies.com

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La vie intérieure

Posté par othoharmonie le 6 avril 2014

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« …lorsque j’articule la dernière syllabe du mot, les deux premières ont été articulées déjà; elles sont du passé par rapport à celle-là, qui devrait alors s’appeler du présent. Mais cette dernière syllabe « rie », je ne l’ai pas prononcée instantanément ; le temps, si court soit-il, pendant lequel je l’ai émise, est décomposable en parties, et ces parties sont du passé par rapport à la dernière d’entre elles, qui serait, elle, du présent définitif si elle n’était décomposable à son tour : de sorte que vous aurez beau faire, vous ne pourrez tracer une ligne de démarcation entre le passé et le présent, ni par conséquent, entre la mémoire et la conscience. A vrai dire, quand j’articule le mot « causerie », j’ai présents à l’esprit non seulement le commencement, le milieu et la fin du mot, mais encore les mots qui ont précédé, mais encore tout ce que j’ai déjà prononcé de la phrase ; sinon, j’aurais perdu le fil de mon discours.

Maintenant, si la ponctuation du discours eût été différente, ma phrase eût pu commencer plus tôt; elle eût englobé, par exemple, la phrase précédente, et mon « présent » se fût dilaté encore davantage dans le passé. Poussons ce raisonnement jusqu’au bout : supposons que mon discours dure depuis des années, depuis le premier éveil de ma conscience, qu’il se poursuive en une phrase unique, et que ma conscience soit assez détachée de l’avenir, assez désintéressée de l’action, pour s’employer exclusivement à embrasser le Sens de la phrase : je ne chercherais pas plus d’explication, alors, à la conservation intégrale de cette phrase que je n’en cherche à la survivance des deux premières syllabes du mot « causerie » quand je prononce la dernière Or, je crois bien que notre vie intérieure tout entière est quelque chose comme une phrase unique entamée dès le premier éveil de la conscience, phrase semée de virgules, mais nulle part coupée par des points. Et je crois par conséquent aussi que notre passé tout entier est là, subconscient – je veux dire présent à nous de telle manière que notre conscience, pour en avoir la révélation, n’ait pas besoin de sortir d’elle-même ni de rien s’adjoindre d’étranger : elle n’a, pour apercevoir distinctement tout ce queue renferme ou plutôt tout ce queue est, qu’à écarter un obstacle, à soulever un voile. Heureux obstacle, d’ailleurs ! voile infiniment précieux !

C’est le cerveau qui nous rend le service de maintenir notre attention fixée sur la vie; et la vie, elle, regarde en avant; elle ne se retourne en arrière que dans la mesure où le passé peut l’aider à éclairer et à préparer l’avenir. Vivre, pour l’esprit, c’est essentiellement se concentrer sur l’acte à accomplir. C’est donc s’insérer dans les choses par l’intermédiaire d’un mécanisme qui extraira de la conscience tout ce qui est utilisable pour l’action, quitte à obscurcir la plus grande partie du reste. Tel est le rôle du cerveau dans l’opération de la mémoire : il ne sert pas à conserver le passé, mais à le masquer d’abord, puis à en laisser transparaître ce qui est pratiquement utile. Et tel est aussi le rôle du cerveau vis-à-vis de l’esprit en général. Dégageant de l’esprit ce qui est extériorisable en, mouvement, insérant l’esprit dans ce cadre moteur, il l’amène à limiter le plus souvent sa vision, mais aussi à rendre son action efficace. C’est dire que l’esprit déborde le cerveau de toutes parts, et que activité cérébrale ne répond qu’à une infime partie de L’activité mentale.

Mais c’est dire aussi que la vie de l’esprit ne peut pas être un effet de la vie du corps, que tout se passe au contraire comme si le corps était utilisé par l’esprit, … »

L’énergie spirituelle de Bergson

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Athéisme et spiritualité

Posté par othoharmonie le 5 avril 2014

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     En effet. Mais l’inverse est vrai aussi : les faits n’arrivent pas toujours à la hauteur des mots. Tout dépend de quoi il s’agit. Il se trouve que mon dernier livre, surtout dans la troisième partie, parle de spiritualité. Qu’est-ce que la spiritualité ? La vie de l’esprit, spécialement dans son rapport à l’infini, à l’éternité et à l’absolu. La spiritualité a donc le même objet que la métaphysique. Mais la métaphysique est un travail de pensée, qui se fait avec des mots, des raisonnements, des concepts. La spiritualité relève davantage de l’expérience : elle se nourrit de sensations, d’émotions, de silence. La première est spéculation ; la seconde, contemplation. Je ne fais pas de hiérarchie entre les deux, mais on ne peut pas demander au discours de remplacer quelque chose que l’on ne peut vivre que dans le silence, et réciproquement. Parler d’amour n’a jamais suffi à être amoureux ou à aimer, parler de nourriture n’a jamais suffi à manger à sa faim, etc. L’inverse, j’insiste, est vrai aussi. Être amoureux ou gourmand, cela n’a jamais suffi à bien parler d’amour ou de gastronomie.

L’athéisme est avant tout une figure de l’immanence ?

 

Oui. Mais pour l’athée, tout est immanence. La religion est elle-même une forme d’immanence, qui se prend illusoirement pour une révélation transcendante. Au fond, être « immanentiste », c’est penser qu’il n’y a rien d’autre que Tout. Dieu, étant transcendant, c’est-à-dire « autre que Tout », n’est rien. L’esprit n’existe qu’à l’intérieur de cette immanence au monde. L’esprit, pour le matérialiste que je suis, c’est un cerveau humain en état de marche, ou, dans un sens un peu hégélien, l’ensemble de ce que les cerveaux humains en état de marche ont produit à travers les siècles.

Pourtant, si Dieu est mort, la conception judéo-chrétienne de l’homme, c’est-à-dire la morale (conséquence du libre arbitre), s’est éteinte, aussi. Comment concilier en définitive la morale et l’athéisme ?

Mon livre porte sur la spiritualité, guère sur la morale. J’ai montré, dans des livres précédents, qu’il n’y a pas de morale absolue sans libre arbitre, qu’il n’y a pas de libre arbitre, et que toute morale prétendument absolue est donc illusoire. Sur ce point, je me sens assez proche de mon ami Michel Onfray, ou plutôt c’est lui qui est proche de moi (j’ai publié bien avant lui). Mais qu’il n’y ait pas de morale absolue, cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de morale du tout ! Etre relatif, ce n’est pas n’être rien ! Comme Spinoza, comme Marx et Freud, je pense que la morale est une illusion nécessaire, qu’il est vital de la transmettre à nos enfants. Althusser écrit que « seule une conception idéologique de la société a pu imaginer une société sans idéologie » ; on peut dire de même que seule une conception illusoire de l’être humain a pu envisager un être humain sans illusion. Démystifier la morale, ce n’est pas l’annuler ; c’est se libérer des illusions qu’on se faisait sur elle. Elle n’en demeure pas moins. Or, en l’occurrence, la morale judéo-chrétienne me paraît l’une des plus belles. C’est l’erreur fondamentale de Nietzsche, comme d’Onfray aujourd’hui, que d’avoir voulu la renverser. Pas besoin de croire en Dieu pour être plus sensible au Christ des Évangiles qu’aux fadaises nietzschéennes sur le surhomme, l’éternel retour ou la « superbe brute blonde » ! 

Propos recueillis par Thomas Yadan pour Evene.fr Relu et corrigé par André Comte-Sponville – Janvier 2007.     

 

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Psychanalyse et spiritualité

Posté par othoharmonie le 5 avril 2014

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     « La psychanalyse de Freud est la dernière chose que l’on devrait associer au yoga… Le subconscient vital inférieur, qui est tout ce que psychanalyse de Freud semble connaître (et elle ne connaît de cela que que les coins mal éclairés), n’est rien de plus qu’une portion bornée et très inférieure de l’ensemble subliminal ».

    « Je trouve difficile de prendre ces psychanalystes au sérieux quand ils essaient de sonder l’expérience spirituelle à la lueur vacillante de leurs lampes de poche ».

Métaphysique et Psychologie, p. 55. Albin-Michel.

   « La psychologie moderne est une science dans l’enfance, à la fois imprudente, maladroite et grossière. Et comme toutes les sciences dans l’enfance elle tombe dans l’universelle habitude du mental humain, qui consiste à prendre une vérité partielle ou locale et à généraliser indûment en voulant expliquer toute l’étendue de la Nature par ses termes étroits… La psychanalyse (notamment celle de Freud) aborde une certaine partie de la nature, la plus obscure, la plus périlleuse, la plus malsaine, telles les couches subconsciente du vital inférieur; elle isole quelques uns de ses phénomènes les plus morbides et attribue à cet élément une importance hors de proportion avec son rôle véritable dans la nature… Soulever prématurément ou sans la connaissance du procédé cette partie subconscience, pour en avoir l’expérience, c’est risquer d’inonder aussi de ce magma obscur et fangeux, les parties conscientes de notre être et d’empoisonner ainsi toute la nature vitale et même la nature mentale. Toujours par conséquent, il faudrait commencer par une expérience positive, non par une expérience négative, et faire descendre d’abord, autant qu’on le peut, la nature divine, le calme, la lumière, l’équanimité, la pureté, la fore divine dans les parties conscientes de note être qui doivent être changées; c’est seulement quand on y est parvenu suffisamment et que l’on a établi une base positive solide que l’on peut alors, sans danger, soulever les éléments adverses cachés dans le subconscient afin des les détruire ou de les éliminer par la force du calme divin, de la lumière, de l’intensité et de la connaissance divine ».

Cité par Satprem, Shri Aurobindo et l’Aventure de la Conscience, p. 273-274.

(Je trouve difficile) « de prendre ces psychanalystes au sérieux, encore que je le devrais peut-être, car la demi-connaissance est chose puissante et souvent elle est un grand obstacle à l’émergence de la vraie Vérité… Ils regardent de bas en haut et veulent expliquer les lumières supérieures par els obscurités inférieures, mais le fondement des choses est en haut, non en bas. C’est el Supraconscient, non le subconscient qui est le vrai fondement. Ce n’est pas en analysant les secrets de la boue où il pousse, qu’on explique le lotus; le secret du lotus est dans l’archétype divin du lotus, qui fleurit à jamais en haut, dans la lumière ».

id. p. 275. Aurobindo    

Indications de lecture:

La lecture du chapitre entier de Satprem est très recommandée. La remarque selon laquelle Freud n’a en fait découvert qu’une frange du subconscient revient souvent dans la spiritualité contemporaine.

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Les trois maximes de Descartes

Posté par othoharmonie le 2 avril 2014

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     La première était d’obéir aux lois et aux coutumes de mon pays, retenant constamment la religion en laquelle Dieu m’a fait la grâce d’être instruit dès mon enfance, et me gouvernant, en toute autre chose, suivant les opinions les plus modérées, et les plus éloignées de l’excès, qui fussent communément reçues en pratique par les mieux sensés de ceux avec lesquels j’aurais à vivre. Car, commençant dès lors à ne compter pour rien les miennes propres, à cause que je les voulais remettre toutes à l’examen, j’étais assuré de ne pouvoir mieux que de suivre celles des mieux sensés. Et encore qu’il y en ait peut-être d’aussi bien sensés, parmi les Perses ou les Chinois, que parmi nous, il me semblait que le plus utile était de me régler selon ceux avec lesquels j’aurais à vivre; et que, pour savoir quelles étaient véritablement leurs opinions, je devais plutôt prendre garde à ce qu’ils pratiquaient qu’à ce qu’ils disaient; non seulement à cause qu’en la corruption de nos mœurs il y a peu de gens qui veuillent dire tout ce qu’ils croient, mais aussi à cause que plusieurs l’ignorent eux-mêmes, car l’action de la pensée par laquelle on croit une chose, étant différente de celle par laquelle on connaît qu’on la croit, elles sont souvent l’une sans l’autre. Et entre plusieurs opinions également reçues, je ne choisissais que les plus modérées : tant à cause que ce sont toujours les plus commodes pour la pratique, et vraisemblablement les meilleures, tous excès ayant coutume d’être mauvais; comme aussi afin de me détourner moins du vrai chemin, en cas que je faillisse, que si, ayant choisi l’un des extrêmes, c’eût été l’autre qu’il eût fallu suivre. Et, particulièrement, je mettais entre les excès toutes les promesses par lesquelles on retranche quelque chose de sa liberté. Non que je désapprouvasse les lois qui, pour remédier à l’inconstance des esprits faibles, permettent, lorsqu’on a quelque bon dessein, ou même, pour la sûreté du commerce, quelque dessein qui n’est qu’indifférent, qu’on fasse des vœux ou des contrats qui obligent à y persévérer; mais à cause que je ne voyais au monde aucune chose qui demeurât toujours en même état, et que, pour mon particulier, je me promettais de perfectionner de plus en plus mes jugements, et non point de les rendre pires, j’eusse pensé commettre une grande faute contre le bon sens, si, parce que j’approuvais alors quelque chose, je me fusse obligé de la prendre pour bonne encore après, lorsqu’elle aurait peut-être cessé de l’être, ou que j’aurais cessé de l’estimer telle.

     Discours de la Méthode (1637), in Œuvres et lettres, éd.Gallimard, NRF, Bibliothèque de la Pléiade.

la seconde maxime


      »Ma seconde maxime était d’être le plus ferme et le plus résolu en mes actions que je pourrais, et de ne suivre pas moins constamment les opinions les plus douteuses, lorsque je m’y serais une fois déterminé, que si elles eussent été très assurées. Imitant en ceci les voyageurs qui, se trouvant égarés en quelque forêt, ne doivent pas errer en tournoyant, tantôt d’un côté, tantôt d’un autre, ni encore moins s’arrêter en une place, mais marcher toujours le plus droit qu’ils peuvent vers un même côté, et ne le changer point pour de faibles raisons, encore que ce n’ait peut-être été au commencement que le hasard seul qui les ait déterminés à le choisir : car, par ce moyen, s’ils ne vont justement où ils désirent, ils arriveront au moins à la fin quelque part, où vraisemblablement ils seront mieux que dans le milieu d’une forêt. Et ainsi, les actions de la vie ne souffrant souvent aucun délai, c’est une vérité très certaine que, lorsqu’il n’est pas en notre pouvoir de discerner les plus vraies opinions, nous devons suivre les plus probables; et même, qu’encore que nous ne remarquions point davantage de probabilité aux unes qu’aux autres, nous devons néanmoins nous déterminer à quelques-unes, et les considérer après, non plus comme douteuses, en tant qu’elles se rapportent à la pratique, mais comme très vraies et très certaines, à cause que la raison qui nous y a fait déterminer se trouve telle. Et ceci fut capable dès lors de me délivrer de tous les repentirs et les remords, qui ont coutume d’agiter les consciences de ces esprits faibles et chancelants, qui se laissent aller inconstamment à pratiquer, comme bonnes, les choses qu’ils jugent après être mauvaises ».

     Discours de la Méthode (1637), in Œuvres et lettres, éd. Gallimard, NRF, Bibliothèque de la Pléiade.

la troisième maxime


      »Ma troisième maxime était de tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune, et à changer mes désirs plutôt que l’ordre du monde ; et généralement de m’accoutumer qu’il n’y a rien qui soit entièrement en notre pouvoir que nos pensées, en sorte qu’après que nous avons fait notre mieux touchant les choses qui nous sont extérieures, tout ce qui manque de nous réussir est au regard de nous absolument impossible. Et ceci seul me semblait être suffisant pour m’empêcher de rien désirer à l’avenir que je m’acquisse, et ainsi pour me rendre content : car notre volonté ne se portant à rien désirer que les choses que notre entendement lui représente en quelque façon comme possible, il est certain que si nous considérons tous les biens qui sont hors de nous comme également  éloignés de notre pouvoir, nous n’aurons pas plus de regret de manquer de ceux qui semblent être dus à notre naissance, lorsque nous en serons privés sans notre faute , que nous avons de ne posséder pas les royaume de la Chine ou de Mexique ; et que faisant, comme on dit, de nécessité vertu, nous ne désirerons pas davantage d’être sains étant malades, ou d’être libres étant en prison, que nous faisons maintenant d’avoir des corps d’une matière aussi peu corruptible que les diamants, ou des ailes pour voler comme les oiseaux ».

     Discours de la Méthode (1637), in Œuvres et lettres, éd. Gallimard, NRF, Bibliothèque de la Pléiade, 1953, pp.142-143.

 

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le Soi est immobile

Posté par othoharmonie le 2 avril 2014

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    « Question : Que signifie Voir Qui vous êtes vraiment ?

      Harding : C’est tellement simple, c’est difficile à décrire. Normalement, nous regardons les choses là dehors. Voir Qui vous êtes vraiment ; c’es regarder ce à partir de quoi vous regardez, Ce qui regarde. C’est faire pivoter votre attention de 180° et regarder ce qui est le plus proche de vous que tout, ce qui est central dans votre vie – l’ingrédient permanent dans tout ce que vous êtes et faites. C’est-à-dire ce qui est à 0 centimètres de vous. Habituellement, je suis attentif à ce qui est relativement loin de moi – à quelque centimètre, mètres ou kilomètres. Mais ce qui est Ici, c’est un lieu que j’ai appris à ignorer, par la pression sociale. J’ai appris à prétendre que ça n’existe pas, que ce n’est pas important, que c’est dangereux et qu’il ne faut pas s’en occuper. C’est voir ce qui est exactement Ici où je suis – ce à partir de quoi je regarde. Voilà ce que Voir signifie pour moi »…

     « Il y a trois possibilités. L’une c’est que je suis ce que la société m’apprend à affirmer ce que je suis, c’est-à-dire un être humain exactement semblable à ceux que je vois autour de moi, un objet solide, périssable, limité. Çà c’est la première. La deuxième, c’est que je suis uniquement espace – vide pour les autres êtres humains, Vacuité pure, un vide à remplir avec des choses. Mais il y a une troisième possibilité très différente des deux autres. Aucun mot ne peut décrire ce que je vois Ici. Cela n’a aucune caractéristique. Mais paradoxalement, cela lui donne une valeur incroyable. Il est dit dans les Upanishads – et on le retrouve dans d’autres écritures – que nous ne trouvons le bonheur, la paix que dans ce qui est grand ouvert, sans limites, au-delà de tout entendement, de tous nos cadres de référence. C’est totalement mystérieux. C’est en cela que nous sommes comblés –jamais dans ce qui est limité. Ainsi la troisième possibilité dont je parle, c’est la Non-chose qui est réellement Rien, Absence de chose, vraiment indescriptible. Mais c’est ce que je suis et donc c’est tout ce que je connais vraiment sans être capable de le décrire. C’est quelque chose qui me déconcerte, tant c’est inexprimable. C’est ce que je suis. Et que suis-je ? Je suis Non-chose, conscient de l’être. Et parce que c’est totalement mystérieux, auto-créateur, invraisemblable, incompréhensible, inconnaissable, cela devient mystérieusement ce en quoi je puis placer ma confiance »

L’immensité intérieure, p. 145, 147, 148. de Harding Douglas 

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la relation sans pouvoir

Posté par othoharmonie le 2 avril 2014

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      Comprendre une personne, c’est déjà lui parler. Poser l’existence d’autrui en la laissant être, c’est déjà avoir accepté cette existence, avoir tenu compte d’elle. « Avoir accepté », « avoir tenu compte », ne revient pas à une compréhension, à un laisser-être. La parole dessine une relation originale. Il s’agit d’apercevoir la fonction du langage non pas comme subordonnée à la conscience qu’on prend de la présence d’autrui ou de son voisinage ou de la communauté avec lui, mais comme condition de cette « prise de conscience »…

     La rencontre d’autrui consiste dans le fait que malgré l’étendue de ma domination sur lui et de sa soumission, je ne le possède pas. Il n’entre pas entièrement dans l’ouverture de l’être où je me tiens déjà comme dans le champ de ma liberté. Ce n’est pas à partir de l’être en général qu’il vient à ma rencontre. Tout ce qui de lui me vient à partir de l’être en général s’offre certes à ma compréhension et à ma possession. Je le comprends à partir de son histoire, de son milieu, de ses habitudes. Ce qui en lui échappe à la compréhension, c’est lui, l’étant. Je ne peux le nier partiellement, dans la violence, en le saisissant à partir de l’être en général et en le possédant. Autrui est le seul étant dont la négation ne peut s’annoncer que totale : un meurtre. Autrui est le seul être que je peux vouloir tuer.

     Je peux vouloir. Et cependant ce pouvoir est tout le contraire du pouvoir. Le triomphe de ce pouvoir est sa défaite comme pouvoir. Au moment même où mon pouvoir de tuer se réalise, autrui m’a échappé. Je peux certes en tuant atteindre un but, je peux tuer comme je chasse ou comme j’abats des arbres ou des animaux — mais c’est qu’alors j’ai saisi autrui dans l’ouverture de l’être en général, comme élément du monde où je me tiens, je l’ai aperçu à l’horizon. Je ne l’ai pas regardé en face, je n’ai pas rencontré son visage. La tentation de la négation totale mesurant l’infini de cette tentative et son impossibilité — c’est la présence du visage. Etre en relation avec autrui face à face — c’est pouvoir tuer. C’est aussi la situation du discours…

     En quoi la vision du visage n’est plus vision, mais audition et parole, comment la rencontre du visage — c’est-à-dire la conscience morale — peut être décrite comme condition de la conscience tout court et du dévoilement, comment la conscience s’affirme comme une impossibilité d’assassiner, quelles sont les conditions de l’apparition du visage, c’est-à-dire de la tentation et de l’impossibilité du meurtre, comment je peux m’apparaître à moi-même comme visage, dans quelle mesure enfin la relation avec autrui ou la collectivité est notre rapport, irréductible à la compréhension, avec l’infini ? — voilà les thèmes qui découlent de cette première constatation du primat de l’ontologie. La recherche philosophique ne saurait en tout cas se contenter de la réflexion sur soi ou sur l’existence. La réflexion ne nous livre que le récit d’une aventure personnelle, d’une âme privée, retournant à elle-même sans cesse, même quand elle semble se fuir. L’humain ne s’offre qu’à une relation qui n’est pas un pouvoir.

Entre Nous. Essais sur le penser-à-l’autre, Grasset, Paris, 1998, p. 17.20-22. Emmanuel Levinas         

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le visage d’autrui

Posté par othoharmonie le 29 mars 2014

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     »La peau du visage est celle qui reste la plus nue, la plus dénues. La plus nue, bien que d’une nudité décente. La plus dénuée aussi: il y a dans le visage une pauvreté essentielle; la preuve en est qu’on essaie de masquer cette pauvreté en se donnant des poses, une contenance. Le visage est exposé, menacé, comme nous invitant à un acte de violence. En même temps, le visage est ce qui nous interdit de tuer.

    … Le visage est signification, et signification sans contexte. Je veux dire qu’autrui, dans la rectitude de son visage, n’est pas un personnage dans un contexte. D’ordinaire, on est un « personnage »: on est professeur à la Sorbonne, vice-président du conseil d’État, fils d’untel, tout ce qui est dans le passeport, la manière de se vêtir, de se présenter. Et toute la signification, au sens habituel du terme, est relative à un tel contexte: le sens de quelque chose tient dans sa relation à autre chose. Ici, au contraire, le visage est sens à lui seul. toi, c’est toi. En ce sens, on peut dire que le visage n’est pas « vu ». Il est ce qui ne peut devenir un contenu, que votre pensée embrasserait; il est l’incontenable, il vous mène au-delà. C’est en cela que la signification du visage le fait sortir de l’être en tant que corrélatif d’uns avoir. au contraire, la vision est recherche d’une adéquation; elle est ce qui par excellence absorbe l’être. Mais la relation au visage est d’emblée éthique. Le visage est ce qu’on ne peut tuer, ou du moins dont le sens consiste à dire: « tu ne tueras point ». Le meurtre, il est vrai, est un ait banal: on peut tuer autrui; l’exigence éthique n’est pas une nécessité ontologique. L’interdiction de tuer ne rend pas le meurtre impossible, même si l’autorité de l’interdit se maintient dans la mauvaise conscience du mal  accompli – malignité du mal. Elle apparaît aussi dans les Écritures, auxquelles l’humanité de l’homme est exposée autant qu’elle est engagée dans le monde ».

Éthique et infini, p. 90-91,  Fayard. Emmanuel Levinas  

« Je pense plutôt que l’accès au visage est d’emblée éthique. C’est lorsque vous voyez un nez, des yeux, un front, un menton, et que vous pouvez les décrire, que vous vous tournez vers autrui comme vers un objet. La meilleure manière de rencontrer autrui, c’est de ne pas même remarquer la couleur de ses yeux! Quand on observe la couleur des yeux, on n’est pas en relation sociale avec autrui. La relation avec le visage peut certes être dominée par la perception, mais ce qui est spécifiquement visage, c’est ce qui ne s’y réduit pas. Il y a d’abord la droiture même du visage, son expression droite, sans défense. La peau du visage est celle qui reste la plus nue, la plus dénuée. La plus nue, bien que d’une nudité décente. La plus dénuée aussi: il y a dans le visage une pauvreté essentielle. La preuve en est qu’on essaie de masquer cette pauvreté en se donnant des poses, une contenance. Le visage est exposé, menacé, comme nous invitant à un acte de violence. En même temps le visage est ce qui nous interdit de tuer.

 Éthique et Infini (entretiens de février-mars 1981), VII, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1982, pp.79-80. Emmanuel Levinas  

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la place du pardon

Posté par othoharmonie le 29 mars 2014

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   En principe, il n’y a pas de limite au pardon, pas de mesure, pas de modération, pas de “ jusqu’où ? ”. Pourvu, bien entendu, qu’on s’accorde sur quelque sens “ propre ” de ce mot. Or qu’appelle-t-on “ pardon ” ? Qu’est-ce qui appelle un “ pardon ” ? Qui appelle, qui en appelle au pardon ? Il est aussi difficile de mesurer un pardon que de prendre la mesure de telles questions. Pour plusieurs raisons que je m’empresse de situer.

   l – En premier lieu, parce qu’on entretient l’équivoque, notamment dans les débats politiques qui réactivent et déplacent aujourd’hui cette notion, à travers le monde on entretient l’équivoque. On confond souvent, parfois de façon calculée, le pardon avec des thèmes voisins : l’excuse, le regret, l’amnistie, la prescription, etc., autant de significations dont certaines relèvent du droit, d’un droit pénal auquel le pardon devrait rester en principe hétérogène et irréductible.

     2 – Si énigmatique que reste le concept de pardon, il se trouve que la scène, la figure, le langage qu’on tente d’y ajuster appartiennent à un héritage religieux (disons abrahamique, pour y rassembler le judaïsme, les christianismes et les islams). Cette tradition ­ complexe et différenciée, voire conflictuelle ­ est à la fois singulière et en voie d’universalisation, à travers ce que met en œuvre ou met au jour un certain théâtre du pardon.

    3 – Dès lors ­ et c’est l’un des fils directeurs de mon séminaire sur le pardon (et le parjure) ­, la dimension même du pardon tend à s’effacer au cours de cette mondialisation, et avec elle toute mesure, toute limite conceptuelle. Dans toutes les scènes de repentir, d’aveu, de pardon ou d’excuses qui se multiplient sur la scène géopolitique depuis la dernière guerre, et de façon accélérée depuis quelques années, on voit non seulement des individus mais des communautés entières, des corporations professionnelles, les représentants de hiérarchies ecclésiastiques, des souverains et des chefs d’État demander “ pardon ”. Ils le font dans un langage abrahamique qui n’est pas (dans le cas du Japon ou de la Corée, par exemple) celui de la religion dominante de leur société mais qui est déjà devenu l’idiome universel du droit, de la politique, de l’économie ou de la diplomatie : à la fois l’agent et le symptôme de cette internationalisation. La prolifération de ces scènes de repentir et de “ pardon ” demandé signifie sans doute une urgence universelle de la mémoire : il faut se tourner vers le passé ; et cet acte de mémoire, d’auto-accusation, de “ repentance ”, de comparution, il faut le porter à la fois au-delà de l’instance juridique et de l’instance État-nation. On se demande donc ce qui se passe à cette échelle. Les pistes sont nombreuses. L’une d’entre elles reconduit régulièrement à une série d’événements extraordinaires, ceux qui, avant et pendant la Seconde Guerre mondiale, ont rendu possible, ont en tout cas “ autorisé ”, avec le Tribunal de Nuremberg, l’institution internationale d’un concept juridique comme celui de “ crime contre l’humanité ”.

      Il y eut là un événement “ performatif ” d’une envergure encore difficile à interpréter. Même si des mots comme “ crime contre l’humanité ” circulent maintenant dans le langage courant. Cet événement fut lui-même produit et autorisé par une communauté internationale à une date et selon une figure déterminées de son histoire. Qui s’enchevêtre mais ne se confond pas avec l’histoire d’une réaffirmation des droits de l’homme, d’une nouvelle Déclaration des droits de l’homme. Cette sorte de mutation a structuré l’espace théâtral dans lequel se joue ­ sincèrement ou non ­ le grand pardon, la grande scène de repentir qui nous occupe. Elle a souvent les traits, dans sa théâtralité même, d’une grande convulsion ­ oserait-on dire d’une compulsion frénétique ? Non, elle répond aussi, heureusement, à un “ bon ” mouvement. Mais le simulacre, le rituel automatique, l’hypocrisie, le calcul ou la singerie sont souvent de la partie, et s’invitent en parasites à cette cérémonie de la culpabilité. Voilà toute une humanité secouée par un mouvement qui se voudrait unanime, voilà un genre humain qui prétendrait s’accuser tout à coup, et publiquement, et spectaculairement, de tous les crimes en effet commis par lui-même contre lui-même, “ contre l’humanité ”. Car si on commençait à s’accuser, en demandant pardon, de tous les crimes du passé contre l’humanité, il n’y aurait plus un innocent sur la Terre ­ et donc plus personne en position de juge ou d’arbitre. Nous sommes tous les héritiers, au moins, de personnes ou d’événements marqués, de façon essentielle, intérieure, ineffaçable, par des crimes contre l’humanité. Parfois ces événements, ces meurtres massifs, organisés, cruels, qui peuvent avoir été des révolutions, de grandes Révolutions canoniques et “ légitimes ”, furent ceux-là mêmes qui ont permis l’émergence de concepts comme ceux des droits de l’homme ou du crime contre l’humanité.

Le siècle et le pardon, entretien publié dans Le monde des débats par Jacques Derrida    

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HISTOIRE DES HOMMES

Posté par othoharmonie le 25 mars 2014

 

 

imagesNous vivons dans un univers de mots et de symboles, souvenirs et mémoires qui masquent la véritable signification des êtres et des choses. Si nous persistons à vivre à leur périphérie, prisonniers des lois de l’habitude et de l’inertie, la Vie ne pourra jamais nous révéler sa force régénératrice d’Amour et d’épanouissement. 

Car la Vie est liberté, totale, inconditionnelle et notre marge de libre-arbitre sera directement proportionnelle à notre capacité de détachement à l’égard de la matière de surface, transitoire et changeante. Une quantité innombrable de forces et d’énergies naissent et s’expriment au niveau de l’Univers, alimentées et utilisées ensuite par notre conscience. Puis elles s’actualisent sur notre planète selon une répartition, une distribution, devenant des situations, des événements, devenant ce que nous nommons l’Histoire. 

L’Histoire est l’expression directe de ce que l’Humanité dans son ensemble élabore, puis génère sur un plan certes plus abstrait, mais cependant actif, c’est-à-dire celui des zones profondes de la psyché. A ce niveau, comme à bien d’autres, se pose de nouveau la question de la responsabilité de l’Homme ; nous constatons ici encore que la position individuelle et particulière de chaque constituant de cette humanité conditionne, de par ses nombreuses répercussions, la nature même et le contenu du déroulement historique. Ce déroulement qui nous semble parfois si déroutant et imprévisible — mis à part les facteurs économiques et toutes les notions de gloire ou d’orgueil — s’éclaire différemment à la lumière de notre lucidité. 

Nous percevons alors des mobiles tout autres qui au cœur même des choses, forment la trame d’un gigantesque écheveau. Il devient alors nécessaire de découvrir avec sérieux ce que nous montre et nous suggère le simple, ce qui implique le fait de ne plus nous considérer comme une entité inéluctablement séparée et distincte d’une totalité. Prenons cet exemple. Si nous lançons un pavé sur un plan d’eau nous distinguons tout autour du point d’impact, une série de cercles concentriques de plus en plus éloignés, qui se fondent ensuite au sein paisible de la surface. Ce pavé a exercé ce que nous pourrions appeler un « pouvoir d’influence » sur un rayon de dix mètres, mais cette distance une fois franchie, celui-ci n’a existé que d’une façon quasi imperceptible pour le restant du plan d’eau. Enfin, si nous nous écartons de quelques mètres de ce point d’impact nous pourrions admettre que le pavé ne participe pas à « l’Histoire » de ce restant de superficie. 

L’Histoire se matérialise et prend position dans notre monde dimensionnel — ceci, nous n’en sommes pas conscients — par le canal des énergies et des forces qui s’expriment à leur tour au travers des symboles, que nous font parvenir les couches profondes du psychisme. 

Ces énergies sont si nombreuses et diverses que nous ne reviendrons jamais assez sur la nécessité d’une remise en question continuelle. Le Moi inventera pour durer, des stratagèmes, plus subtils encore que ceux que nous avons déjà démasqués et anéantis. Ces stratagèmes ont pour repère les zones profondes de la Conscience. Ils se nomment : mythes, idées-forces, archétypes, croyances de toutes sortes et leur puissance de suggestion et d’hypnose est considérable. Ils imprègnent de leur aura les structures inconscientes de l’Homme et l’entraînent à commettre les pires erreurs. II nous faut préciser que ces puissances du monde intérieur — et nous serons amenés à en découvrir d’autres — ne sont dangereuses que dans la mesure où leur approche s’effectue de manière inappropriée et inadéquate. Car l’Homme a un fâcheux penchant utilisé à profusion : la mythification. 

En effet, tout ce qui est loin de lui dans le Temps comme dans l’Espace, tout ce qui est apte à s’auréoler de mystère, trouve en lui un prétexte de plus pour éprouver une quelconque signification qui permettra au Moi de conserver son autorité. Dans toute chose nous cherchons à nous prolonger, et c’est pourquoi nous vivons dans une sorte de vampirisme continuel, qui fait que tout être, tout objet appréhendés, deviennent un moyen de survie et de subsistance intérieure. 

Découvrir la substance même de nos démarches, la raison intime de nos faits et gestes, c’est simplifier à l’extrême notre approche de l’Autre, du Monde, de l’Univers tout entier. La pensée emprisonnée par la mémoire de l’expérience crée sans cesse la constatation d’un échelonnement spatio-temporel. Mais cet étalement n’est que fictif ; une simple illusion produite par toutes les accumulations de mémoires qui figent notre mental révélant notre incapacité de vivre la puissance inestimable du présent. Une perception intense de ce qui est, à tous les niveaux, entraîne donc une libération du milieu historique. Mais ce détachement ne se fait pas dans le sens d’un désintéressement ou d’une indifférence à l’égard de l’actualité historique au contraire, il tend à dévoiler sans équivoque possible son contenu comme ses causes profondes et véritables. Le milieu historique, comme les milieux familiaux et sociaux contribuent de façon plus ou moins discernable à endiguer tout processus de libération, nous contresignant — par faiblesse et fatalisme — à suivre le long cheminement de l’Évolution, qui, comme nous le verrons par la suite n’a pas plus de tangibilité que les concepts d’Espace, de Temps et de Pensée. 

Car l’Évolution est avant tout issue d’une approche nettement anthropomorphique du Moi et ne peut-être justifiée que par rapport à celui-ci. Car vue globalement, la conduite de ce dernier se détermine toujours en fonction d’un devenir, d’un perfectionnement, notions qui impliquent la création d’une certaine échelle de durée, d’Espace et de vitesse, tous trois résultants de la pensée. Il nous faut donc discerner avec une acuité extrême les répercussions et les conséquences que peuvent receler l’édification d’un décalage entre le présent, exprimant sa fulgurante authenticité des profondeurs, et cette retranscription et utilisation imparfaites des énergies, au niveau superficiel, pelliculaire de la Matière. 

C’est dans ce décalage que s’élaborent ce que nous appelons précisément le Temps, l’Espace et l’Évolution. D’ailleurs, si nous vivons totalement l’intensité même du présent, toutes ces notions relatives et subjectives de devenir, de but, d’évolution, disparaissent, balayées au niveau d’un « espace » existant par delà les couches ultimes de la Conscience, un « espace » où tout est Silence, compréhension et Amour. 

L’Univers agit entre autre selon le principe d’affinité faisant que le semblable attire le semblable. Donc, et comme nous l’avons déjà vu ces énergies en s’actualisant se manifestent par l’intermédiaire de situations et d’événements qui constituent l’Histoire. Quoiqu’il en soit, celle-ci fait partie d’un ensemble immensément plus grand qui est celui de l’Univers, et la direction qu’elle implique à la totalité du genre humain ne peut que nous intimer à poursuivre plus loin notre investigation. Ainsi, l’Homme est-il ce témoin silencieux, sans participation effective, demeurant de ce fait le jouet manipulé par l’orientation de son flot et de ses exigences. Complètement lié à son déterminisme rigoureux, à sa durée conditionnant, aux remous constants que les idées-forces et les énergies issues de la psyché collective, dispensent sans interruption. A moins que stimulé par des conditions éprouvantes, il ne se trouve dans l’obligation de réagir, de se révolter, mais hélas, cette action, qui sur le moment aura peut-être une certaine efficacité, perdra son impact au fur et à mesure qu’un idéal ou une doctrine l’emprisonneront dans son carcan. 

Il n’est pas question ici de discréditer, ni de porter un jugement sur une conduite, un comportement déterminé. Nous nous référons simplement au fait tel qu’il est sans y greffer de préférence particulière et subjective. Laissons plutôt les faits parler d’eux-mêmes afin qu’ils nous instruisent du contenu de leur histoire. Le domaine des idées est impuissant à changer l’Homme et le Monde dans son aspect fondamental, s’il n’est pas accompagné d’une purification et d’une simplification parallèle. Son efficacité se révèle dans la possibilité qu’elle nous offre d’exprimer et d’intégrer le mieux possible ce mouvement, cette Action pure et régénératrice. Cette intégration amène automatiquement l’Homme à se « décoller » progressivement du milieu historique — du moins dans cet aspect de surface, cette succession ininterrompue d’effets — et à casser ainsi tous processus de devenir qui nous enchaînent inévitablement à cette pseudo-évolution. Les tâtonnements, conquêtes et défaites de celle-ci demeurent un foyer continuel de douleurs et de déchirements.

Il nous est indispensable, autant au niveau individuel que collectif, de nous détacher de tout ce qui nous permet de durer, pour au contraire ressentir ce qui est réellement présent. La qualité se vit dans l’instantanéisation, dans la relation profonde au cœur du Temps et de l’Espace. Car c’est en elle seule que réside l’Action juste. Si nous n’acceptons pas de révolutionner totalement ce que nous sommes et le contenu de notre existence, alors, nous imaginerons des théories sur la Vie ; mais rien, absolument rien ne pourra remplacer cette capacité qui réside au cœur de chaque être, celle d’être ce Tout où il ne se différencie plus de l’Un. 

Un « lâcher-prise » intégral, décisif pour le Moi, se ressent alors à l’intérieur de notre conscience, allié à une vigilance de chaque instant. Une perception qui a le pouvoir de nous révéler dans toute son ampleur le déroulement de tout processus issu des profondeurs de l’Univers, de la profondeur même du psychisme. Si chaque être avait le courage de démasquer ainsi ce qui se vit en lui, avec lucidité et toute l’énergie qu’elle demande, alors, certainement, sa position serait-elle résolument engagée et responsable. 

Mais malheureusement, nous préférons profiter de ce que l’extérieur et le superficiel des choses peut nous apporter, malgré tout leur fardeau de contradictions, d’angoisse et de souffrance.

EXTRAIT de  L’Engagement Spirituel  – Conférences données en France, Suisse et  Belgique de Gérard Méchoulam  aux Edition Etre Libre Bruxelles 1974

http://www.revue3emillenaire.com/doc/livres/Gerard-Mechoulam-L-engagement-Spirituel-1974.pdf

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L’Aventure de la Conscience

Posté par othoharmonie le 15 mars 2014

 

téléchargement (4)À mesure que le chercheur établit le silence mental, qu’il pacifie son vital, qu’il se libère de son absorption dans le physique, la conscience se dégage des mille activités où elle était indiscernablement fondue, éparpillée, et elle acquiert une existence indépendante, nous l’avons dit. C’est comme un être dedans, une Force qui vibre, de plus en plus intense. Et plus elle grandit, moins elle se satisfait d’être enfermée dans un corps; nous nous apercevons qu’elle rayonne, dans le sommeil d’abord, puis dans nos méditations, puis les yeux grands ouverts. Mais ce mouvement latéral, si l’on peut dire, dans le Mental universel, le Vital universel, le Physique universel, n’est pas son seul mouvement.

Elle veut monter. Cette poussée ascendante n’est même pas nécessairement le fruit d’une discipline consciente, ce peut être un besoin naturel, spontané (il ne faudrait jamais perdre de vue que notre effort en cette vie est seulement la continuation de bien d’autres efforts en bien d’autres vies, d’où l’inégalité du développement des individus et l’impossibilité de fixer des règles). Instinctivement, on peut sentir quelque chose au-dessus de la tête, qui nous tire, comme un espace, ou une lumière, ou comme un pôle qui est la source de tous nos actes et nos pensées, ou comme une zone de concentration au sommet du crâne. Le chercheur n’a pas fait taire son mental simplement pour le plaisir d’être comme une souche, son silence n’est pas mort, il est vivant; il est branché là-haut parce qu’il sent que ça vit là-haut.

Le silence n’est pas une fin, c’est un moyen, comme le solfège pour attraper la musique, et il est bien des musiques. Jour après jour, à mesure que sa conscience se concrétise, il a des centaines de minuscules expériences, presque imperceptibles, qui jaillissent de ce Silence au-dessus : il ne pense à rien et, soudain, une pensée le traverse – pas même une pensée, un déclic – et il sait exactement ce qu’il doit faire, comment il doit le faire, dans les moindres détails, comme les pièces d’un puzzle qui s’assemblent en un clin d’œil, et avec une certitude massive (en dessous, c’est l’incertitude totale; toujours ce peut être autre chose); ou bien un petit choc vient le frapper : « Va voir untel », il va et « par hasard » cette personne a besoin de lui; ou « Ne fais pas cela », il persiste et fait une chute grave; ou, sans raison, il est poussé vers tel endroit et il rencontre exactement les circonstances qui devaient l’aider; ou tel problème se pose, il reste immobile, silencieux, appelle en haut, et la réponse vient, claire, irréfutable.

Ou s’il parle, s’il écrit par exemple, il peut sentir très concrètement une étendue au-dessus, d’où il tire la pensée, comme le fil d’un cocon lumineux – il ne bouge pas; simplement, il se tient sous le courant et il transcrit; rien ne se passe dans la tête. Mais s’il y mêle le moindrement son mental, tout s’évanouit, ou plutôt se fausse, parce que le mental cherche à copier les intimations (c’est un singe invétéré) et il prend ses feux follets pour des illuminations. Et plus le chercheur apprendra à écouter en haut, à suivre ces intimations (qui ne sont pas impérieuses, pas bruyantes, qui sont à peine perceptibles, comme un souffle, à peine pensées, senties seulement, mais terriblement rapides), plus elles deviendront nombreuses, exactes, irrésistibles; et peu à peu, il voit que tous ses actes, les moindres actes, peuvent être souverainement guidés par cette source silencieuse au-dessus; que toutes ses pensées sont issues de là, lumineuses, sans discussion; qu’une sorte de connaissance spontanée se fait jour en lui. Il commence à vivre des petits miracles continus. 

Si seulement les hommes entrevoyaient les joies infinies, les forces parfaites, les horizons lumineux de connaissance spontanée, les calmes étendues de notre être, qui nous attendent sur les pistes que notre évolution animale n’a pas encore conquises, ils quitteraient tout et n’auraient de cesse qu’ils n’aient gagné ces trésors. Mais le chemin est étroit, les portes difficiles à forcer, et la peur, le  doute, le scepticisme sont là, tentacules de la Nature qui nous interdisent de quitter les pâtures ordinaires.

Une fois que cette étendue là-haut sera devenue concrète, vivante, comme une plage de lumière au-dessus, le chercheur sentira le besoin d’entrer en communication directe, et de jaillir au large, car il sentira aussi, avec une acuité croissante, que la vie du dessous, le mental du dessous, sont étroits, mensongers, une sorte de caricature; il aura l’impression de se cogner partout, de n’être nulle part chez lui, et que tout est faux, grinçant, les mots, les idées, les sentiments; que ce n’est pas ça, jamais ça – c’est toujours à côté, toujours à peu près, toujours en dessous. Parfois, dans le sommeil, comme un signe avant-coureur, nous serons peut-être pris dans une grande lumière éblouissante, si éblouissante qu’instinctivement on se voile les yeux - le soleil est sombre dans ces cas-là, constate la Mère. Alors il faudra faire grandir, grandir cette Force dedans, cette Conscience-Force qui tâtonne vers le haut, la pousser par notre besoin d’autre chose, d’une vie plus vraie, d’une connaissance plus vraie, d’une relation plus vraie avec le monde et les êtres - notre plus grand progrès est un besoin qui s’approfondit; refuser toutes les constructions mentales qui à chaque instant essaient d’accaparer le fil lumineux; se garder en état d’ouverture, être trop grand pour les idées.

Parce que ce n’est pas d’idées dont nous avons besoin, mais d’espace. Non seulement il faut briser le piège du mental et des sens, mais fuir le piège du penseur, le piège du théologien et du fondateur d’Église, les filets de la Parole et l’esclavage de l’Idée. Tout cela est en nous, prêt à emmurer l’Esprit dans les formes; mais nous devons aller toujours au-delà, toujours renoncer au moindre pour le plus grand, au fini pour l’Infini; nous devons être prêts à avancer d’illumination en illumination, d’expérience en expérience, d’état d’âme en état d’âme… Et n’être attachés à rien, pas même aux vérités auxquelles nous tenons le plus solidement, car elles sont des formes seulement et des expressions de l’Ineffable, et l’Ineffable refuse de se limiter à aucune forme, aucune expression; toujours, nous devons rester ouverts à la Parole d’en haut qui ne s’enferme pas dans son propre sens et à la lumière de la Pensée qui porte en soi ses propres contraires. Puis un jour, à force de besoin, à force d’être comme une masse comprimée, les portes s’ouvriront : La conscience s’élève, dit la Mère, elle brise cette carapace dure, là, au sommet du crâne, et on émerge dans la lumière.

 

Extrait de SRI AUROBINDO ou l’Aventure de la Conscience par Satprem  (p.204-207)

 

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DU « VRAI MOI » DE L’HOMME

Posté par othoharmonie le 9 mars 2014

 

 

images (5)Quand l’âme prend conscience d’elle-même dans son corps astral et qu’elle a comme ambiance les êtres-pensées, elle se sait en dehors du corps physique et en dehors aussi du corps éthérique. Mais, en même temps, elle sent alors que ses facultés de penser, de sentir et de vouloir appartiennent à un domaine restreint du monde, alors que, de par la nature de son être le plus profond, elle serait à même d’embrasser plus que ce qui lui est assigné dans ce domaine. Dans le monde spirituel l’âme devenue clairvoyante peut se dire : 

 « Dans le monde sensible je suis obligée de mien tenir à ce que le corps physique me permet d’observer ; dans le monde élémentaire je subis les restrictions du corps éthérique ; dans le monde spirituel je suis limitée par le fait que je me trouve en quelque sorte sur une île cosmique dont les rives bornent mes facultés d’existence spirituelle ; au delà de ces rives un monde existe que je pourrais percevoir, si je perçais le voile que, par leurs œuvres, les êtres-pensées tissent devant mon regard spirituel ». L’âme est à même de percer ce voile si, d’une manière continue, elle développe, de plus en plus, la faculté du don de soi-même que requiert déjà la vie, dans le monde élémentaire. Elle a besoin d’augmenter de plus en plus le capital des forces que fait mûrir en elle la vie dans le monde physique sensible, pour se garantir dans les mondes suprasensibles contre l’affaiblissement, le trouble, voire l’anéantissement de la conscience. 

Dans le monde physique sensible l’âme, pour concevoir des pensées, n’a besoin que de la force dont elle dispose naturellement, sans effort particulier. Dans le monde élémentaire les pensées s’affaiblissent jusqu’à devenir comme des songes qui s’oublient au moment même où ils surgissent, c’est-à-dire qu’elles ne deviennent nullement conscientes, si l’âme, avant d’entrer dans ce monde ne travaille pas au renforcement de sa vie intérieure. Pour ce but elle doit avant tout intensifier la force de la volonté, car, dans le monde élémentaire, une pensée n’est plus une simple pensée ; elle possède une activité intérieure, une vie propre. Il faut la maintenir par la volonté pour empêcher qu’elle ne s’échappe de la sphère de la conscience. Dans le monde spirituel les pensées sont tout à fait des êtres vivants et indépendants. 

Pour qu’elles restent dans la conscience, l’âme doit être renforcée à tel point qu’elle possède en elle-même la force que déploient pour elle le corps physique dans le monde sensible et les sympathies et antipathies du corps éthérique dans le monde élémentaire. 

Dans le monde spirituel il faut qu’elle renonce à tout cela. Là les expériences du monde sensible et du monde élémentaire ne lui sont présentes que comme des souvenirs. Et elle se trouve elle-même en dehors de ces deux mondes. Elle est entourée du monde spirituel. Celui-ci ne fait d’abord aucune impression sur le corps astral. L’âme doit apprendre à vivre pour elle-même de ses souvenirs. Le contenu de sa conscience n’est d’abord que celui-ci : j’ai été et je me trouve maintenant en face du néant. Mais quand, de pareilles expériences de l’âme, surgissent des souvenirs qui ne sont pas seulement des reproductions de phénomènes sensibles ou élémentaires, mais qui représentent de libres expériences mentales suscitées par ceux-ci, alors un dialogue commence dans l’âme entre les souvenirs et l’apparent « néant » du monde spirituel ambiant. 

Et ce qui naît de ce dialogue forme ensuite dans la conscience du corps astral le monde des représentations. L’âme, à ce point de son évolution, a besoin d’une force qui la rende capable de se trouver sur la rive extrême du seul monde qu’elle connaissait jusqu’alors et de supporter la rencontre avec le soi-disant néant. Pour la vie de l’âme ce soi-disant néant est d’abord absolument un véritable néant. Toutefois l’âme a toujours, en quelque sorte, derrière elle, le monde de ses souvenirs. Elle peut comme se cramponner à ces souvenirs. Elle est à même de vivre en eux. Et plus elle vit en eux, plus elle augmente les forces du corps astral. Mais avec ce renforcement commence le dialogue entre son existence passée et les êtres du monde spirituel. Ce colloque lui procure le sentiment d’elle-même en tant qu’être astral. Pour employer une expression correspondant aux traditions antiques, on peut dire : l’âme humaine prend conscience de son être astral dans le verbe cosmique. Par verbe cosmique il faut entendre ici les actions mentales des êtres-pensées se déroulant dans le monde spirituel comme des dialogues vivants d’esprits, dans ce sens toutefois, que ces dialogues d’esprits sont pour le monde spirituel ce que sont des actions pour le monde sensible. 

Si maintenant l’âme veut passer dans le monde supraspirituel, il faut que, par sa propre volonté, elle élimine ses souvenirs des mondes physique et élémentaire. Elle ne peut le faire que si, dans le dialogue des esprits, elle a puisé la certitude qu’elle ne perdra pas complètement son existence en extirpant en elle tout ce qui jusqu’alors lui en avait donné conscience. L’âme doit, en effet, se placer devant un abîme spirituel et se résoudre à y oublier ses facultés de vouloir, de sentir et de penser. 

Elle doit, dans sa conscience, renoncer à son passé. Prendre la résolution qui est nécessaire à ce point de l’évolution, c’est amener le sommeil complet de la conscience, non pas au moyen des conditions des corps physique et éthérique, mais au moyen de la volonté. Seulement il faut se représenter que cette résolution ne vise pas au rétablissement de l’état de conscience antérieur après un intervalle d’inconscience, mais que, par un acte de volonté propre, la conscience plonge vraiment dans l’oubli. Il ne faut pas perdre de vue que ce processus n’est possible ni dans le monde physique ni dans le monde élémentaire, mais seulement dans le monde spirituel. Le monde physique admet l’anéantissement qui se présente sous la forme de la mort ; dans le monde élémentaire la mort n’existe pas. L’homme, pour autant qu’il appartient au monde élémentaire, ne peut pas mourir ; il ne peut que se transformer en un autre être. 

 Dans le monde spirituel aucune transformation radicale n’est même possible, au sens strict du mot ; car quelles que soient les métamorphoses de l’être humain, le passé vécu se manifeste dans le monde spirituel comme une existence consciente propre. Si cette existence faite de souvenirs doit disparaître dans le monde spirituel, il faut que l’âme elle-même, par un acte de volonté, la plonge dans l’oubli. La conscience clairvoyante peut arriver à cette détermination de la volonté après avoir conquis la force d’âme nécessaire. Si elle y arrive, alors de l’oubli qu’elle a provoqué elle-même émerge la vraie essence du « moi ». Le monde supraspirituel ambiant procure à l’âme humaine la connaissance de ce « vrai moi ». La conscience clairvoyante peut, de même qu’elle est apparue dans le corps éthérique et dans le corps astral, surgir aussi dans le « vrai moi ». 

Ce « vrai moi » n’est pas le produit de la clairvoyance ; il existe dans les profondeurs de toute âme humaine. Seulement, ce qui pour toute âme humaine est une réalité inconsciente, bien qu’inhérente à sa nature, est pour la conscience clairvoyante objet de connaissance. 

Après la mort physique l’homme s’assimile peu à peu le monde spirituel ambiant. Dans ce dernier son être surgit d’abord avec les souvenirs du monde sensible. Bien qu’il n’ait plus l’appui du corps physique sensible, il peut cependant dans le monde spirituel vivre consciemment dans ces souvenirs, de sorte que ceux-ci n’aient plus la simple existence d’ombres, qui leur est propre dans le monde physique sensible. Et, à un moment donné entre la mort et une nouvelle naissance, les êtres-pensées du monde ambiant spirituel exercent une action si forte que l’oubli dont il a été question est amené sans l’impulsion de la volonté. Avec cet oubli s’éveille la vie dans le « vrai moi ». 

La conscience clairvoyante, par le renforcement de la vie de l’âme, amène comme un acte libre de l’esprit ce qui pour l’évolution entre la mort et la nouvelle naissance est, en quelque sorte, un événement naturel. Toutefois dans les expériences de la vie physique sensible aucun souvenir des vies terrestres antérieures ne peut se présenter, si, dans ces dernières, les représentations n’ont pas été dirigées vers le monde spirituel. Car il faut bien préalablement avoir eu connaissance d’une chose si, plus tard, un souvenir clairement reconnaissable doit la rappeler. Il faut donc aussi dans une vie terrestre acquérir la connaissance de soi-même comme d’un être spirituel, si l’on veut, à juste titre, s’attendre à ce que, dans une prochaine vie, on puisse se souvenir de celle qui a précédé. 

Mais il n’est pas dit que cette connaissance doive provenir de la clairvoyance. Dans l’âme de celui qui s’est acquis une connaissance directe du monde spirituel, au moyen de la clairvoyance, peut surgir dans les vies terrestres faisant suite à celle où cette connaissance fut acquise, le souvenir de cette vie antérieure tout comme dans le monde sensible surgit le souvenir d’un événement vécu. Pour celui qui, même sans clairvoyance, pénètre avec intelligence dans la science occulte, ce souvenir se présente tout comme dans le monde sensible celui d’un événement dont on n’a entendu qu’une description.

 

Pour rejoindre Francesca sur le forum La Vie Devant Soihttp://devantsoi.forumgratuit.org/

 extrait de LE SEUIL DU MONDE SPIRITUEL de RUDOLF STEINER aux ÉDITIONS ALICE SAUERWEIN

 

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Le désir de reconnaissance

Posté par othoharmonie le 1 mars 2014

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§ 32. Pour se faire valoir et être reconnue comme libre, il faut que la conscience de soi se représente pour une autre comme libérée de la réalité naturelle présente. Ce moment n’est pas moins nécessaire que celui qui correspond à la liberté de la conscience de soi en elle-même. L’égalité absolue du Je par rapport à lui-même n’est pas une égalité essentiellement immédiate, mais une égalité qui se constitue en supprimant l’immédiateté sensible et qui, de la sorte, s’impose aussi à un autre Je comme libre et indépendante du sensible. Ainsi la conscience de soi se révèle conforme à son concept et, puisqu’elle donne réalité au Je, il est impossible qu’elle ne soit pas reconnue.

§ 33. Mais l’autonomie est moins la liberté qui sort de la présence sensible immédiate et qui se détache d’elle que, bien plutôt, la liberté au sein de cette présence. Ce moment est aussi nécessaire que l’autre, mais ils ne sont pas d’égale valeur. Par suite de l’inégalité qui tient à ce que, pour l’une des deux consciences de soi, la liberté a plus de valeur que la réalité sensible présente, tandis que, pour l’autre, cette présence assume, au regard de la liberté, valeur de réalité essentielle, c’est alors que s’établit entre elles, avec l’obligation réciproque d’être reconnues dans la réalité effective et déterminée, la relation maîtrise-servitude, ou, absolument parlant, service-obéissance, dans la mesure où cette différence d’autonomie est donnée par le rapport naturel immédiat.

§ 34. Puisqu’il est nécessaire que chacune des deux consciences de soi, qui s’opposent l’une à l’autre, s’efforce de se manifester et de s’affirmer, devant l’autre et pour l’autre, comme un être-pour-soi absolu, par la même celle qui a préféré la vie à la liberté, et qui se révèle impuissante à faire, par elle-même et pour assurer son indépendance, abstraction de sa réalité sensible présente, entre ainsi dans le rapport de servitude.

§ 35. Cependant, cette liberté purement négative, qui consiste à faire abstraction de la réalité naturelle présente, ne correspond pas au concept de la liberté, car cette dernière est l’égalité à soi-même dans l’altérité, celle, d’une part, de l’intuition de son soi en un autre soi, celle, d’autre part, de la liberté, non par rapport à la réalité présente mais dans cette réalité même, absolument parlant, — une liberté qui ait elle-même une réalité présente. Le serviteur est dépourvu de soi; son soi est un autre soi, en sorte que, dans le maître, il s’aliène et se supprime comme Je singulier et qu’il a en lui l’intuition de son soi essentiel comme d’un autre soi. Au contraire, dans le serviteur, le maître a l’intuition de l’autre Je comme d’un Je supprime, et celle de son propre vouloir singulier comme d’un vouloir conservé. (Histoire de Robinson et de Vendredi.)   

par Hegel 

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le langage de l’animal et le langage humain

Posté par othoharmonie le 23 février 2014

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      »Enfin il n’y a aucune de nos actions extérieures, qui puisse assurer ceux qui les examinent, que notre corps n’est pas seulement une machine qui se remue de soi-même, mais qu’il y a aussi en lui une âme qui a des pensées, excepté les paroles, ou autres signes faits à propos des sujets qui se présentent, sans se rapporter à aucune passion. Je dis les paroles ou autres signes, parce que les muets se servent de signes en même façon que nous de la voix ; et que ces signes soient à propos, pour exclure le parler des perroquets, sans exclure celui des fous, qui ne laisse pas d’être à propos des sujets qui se présentent, bien qu’il ne suive pas la raison ; et j’ajoute que ces paroles ou signes ne se doivent rapporter à aucune passion, pour exclure non seulement les cris de joie ou de tristesse, et semblables, mais aussi tout ce qui peut-être enseigné par artifice aux animaux ; car si on apprend à une pie à dire bonjour à sa maîtresse, lorsqu’elle la voit arriver, ce ne peut-être qu’en faisant que la prolation de cette parole devienne le mouvement de quelqu’une de ses passions ; à savoir, ce sera un mouvement de l’espérance qu’elle a de manger, si l’on a toujours accoutumé de lui donner quelque friandise, lorsqu’elle l’a dit ; et ainsi toutes les choses qu’on fait faire aux chiens, aux chevaux et aux singes, ne sont que des mouvements de leur crainte, de leur espérance, ou de leur joie, en sorte qu’ils les peuvent faire sans aucune pensée.

Or il est, ce me semble, fort remarquable que la parole, étant ainsi définie, ne convient qu’à l’homme seul. Car, bien que Montaigne et Charon aient dit qu’il y a plus de différence d’homme à homme, que d’homme à bête, il ne s’est toutefois jamais trouvé aucune bête si parfaite, qu’elle ait usé de quelque signe, pour faire entendre à d’autres animaux quelque chose qui n’eût point de rapport à ses passions ; et il n’y a point d’homme si imparfait, qu’il n’en use ; en sorte que ceux qui sont sourds et muets, inventent des signes particuliers, par lesquels ils expriment leurs pensées. Ce qui me semble un très fort argument, pour prouver que ce qui fait que les bêtes ne parlent point comme nous, est qu’elles n’ont aucune pensée, et non point que les organes leur manquent. Et on ne peut dire qu’elles parlent entre elles, mais que nous ne les entendons pas ; car, comme les chiens et quelques autres animaux nous expriment leurs passions, ils nous exprimeraient aussi bien leurs pensées, s’ils en avaient ».

Lettre au Marquis de Newcastle, 23 novembre 1646, Descartes

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Tous les hommes sont philosophes

Posté par othoharmonie le 18 février 2014

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     »Il faut détruire le préjugé très répandu que la philosophie est quelque chose de très difficile du fait qu’elle est l’activité intellectuelle propre d’une catégorie déterminée de savants spécialisés ou de philosophes professionnels ayant un système philosophique. Il faut donc démontrer en tout premier lieu que tous les hommes sont « philosophes », en définissant les limites et les caractères de cette « philosophie spontanée>, propre à tout le monde >, c’est-à-dire de la philosophie qui est contenue :

1. dans le langage même, qui est un ensemble de notions et de concepts déterminés et non certes exclusivement de mots grammaticalement vides de contenu ;

2. dans le sens commun et le bon sens ;

3. dans la religion populaire et donc également dans tout le système de croyances, de superstitions, opinions, façons de voir et d’agir qui sont ramassées généralement dans ce qu’on appelle le folklore. Une fois démontré que tout le monde est philosophe, chacun à sa manière, il est vrai, et de façon inconsciente – car même dans la manifestation la plus humble d’une quelconque activité intellectuelle, le « langage » par exemple, est contenue une conception du monde déterminée -, on passe au second moment, qui est celui de la critique et de la conscience, c’est-à-dire à la question :

Est-il préférable de  » penser  » sans en avoir une conscience critique, sans souci d’unité et au gré des circonstances, autrement dit de « participer  » à une conception du monde  » imposée mécaniquement par le milieu ambiant ; ce qui revient à dire par un de ces nombreux groupes sociaux dans lesquels tout homme est automatiquement entraîné dès son entrée dans le monde conscient (et qui peut être son village ou sa province, avoir ses racines dans la paroisse et dans l’ »activité intellectuelle » du curé ou de l’ancêtre patriarcal dont la « sagesse » fait loi, de la bonne femme qui a hérité de la science des sorcières ou du petit intellectuel aigri dans sa propre sottise et son impuissance à agir) ; ou bien est-il préférable d’élaborer sa propre conception du monde consciemment et suivant une attitude critique et par conséquent, en liaison avec le travail de son propre cerveau, choisir sa propre sphère d’activité, participer activement à la production de l’histoire du monde, être à soi-même son propre guide au lieu d’accepter, passivement et de l’extérieur, une empreinte imposée à sa propre personnalité ?

Introduction à l’étude de la philosophie et du matérialisme historique, Editions sociales, éditions de 1977. par Gramsci 

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L’ éveil et l’acte

Posté par othoharmonie le 18 février 2014

Par René Daumal  

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    »Tel homme s’éveille, le matin, dans son lit. A peine levé, il est déjà de nouveau endormi ; en se livrant à tous les automatismes qui font que son on corps s’habiller, sortir, marcher, aller à son travail, s’agiter selon la  règle quotidienne, manger, bavarder, lire un journal – car c’est en général le corps seul qui se charge de tout cela –, ce faisant il dort. Pour s’éveiller il faudrait qu’il pensât : toute cette agitation est hors de moi. Il lui faudrait un acte de réflexion. Mais si cet acte déclenche en  lui de nouveaux automatismes, ceux de la mémoire, du raisonnement, sa voix pourra continuer à prétendre qu’il réfléchit toujours; mais il s’est encore endormi. Il peut ainsi passer des journées entières sans s’éveiller un seul instant. Songe seulement à cela au milieu d’une foule, et tu te verras environné d’un peuple de somnambules. L’homme passe, non pas, comme on dit, un tiers de sa vie, mais presque toute sa vie à dormir de ce vrai sommeil de l’esprit. Et ce sommeil, qui est l‘inertie de la conscience a beau jeu de prendre  l’homme dans ses pièges : car celui-ci, naturellement et presque irrémédiablement paresseux, voulait bien s’éveiller certes, mais comme l’effort lui répugne, il voudrait; et, naïvement il croit la chose possible, que cet effort une fois accompli le plaçât dans un état de  veille définitif ou au moins de quelque longue durée; voulant se reposer dans son éveil, il s’endort. De même qu’on ne peut pas vouloir dormir, car vouloir, quoi que ce soit, c’est toujours s’éveiller, de même on ne peut rester que si on le veut à tout instant.

   Et le seul acte immédiat que tu puisses accomplir, c’est t’éveiller, c’est prendre conscience de toi-même. Jette alors un regard sur ce que tu crois avoir fait depuis le commencement de cette journée c’est peut-être la première fois que tu t’éveille vraiment; et c’est seulement en cet instant que tu as conscience de tu as conscience de tout ce que tu as fait, comme un automate sans pensée. Pour la plupart, les hommes ne s’éveillent même jamais à ce point qu’ils se rendent, compte d’avoir dormi. Maintenant, accepte si tu veux cette existence de somnambule.  Tu pourras te comporter dans la vie en oisif, en ouvrier en paysan, en marchand, en diplomate, en artiste, en philosophe sans t’éveiller jamais que, de temps en temps, juste ce qu’il faut pour jouir ou souffrir de la façon dont tu dors ; ce serait même peut-être plus commode, sans rien changer à ton apparence, de ne pas t’éveiller du tout.

  Et comme la réalité de l’esprit est acte, l’idée de substance pensante n’étant rien si elle n’est actuellement pensée en ce sommeil, absence d’acte, privation de pensée, il n’y a rien, il est véritablement la mort spirituelle. mais si tu as choisi d’être tu t’es engagé sur un rude chemin, montant sans cesse et réclamant un effort de tout instant. Tu t’éveilles; et  immédiatement tu dois t’éveiller à nouveau, tu t’éveille de ton éveil. Ton éveil premier apparaît comme un éveil à ton éveil second. Par cette marche réflexive la conscience passe perpétuellement à l’acte. Au lieu que les autres hommes, pour le plus grand nombre, ne font que s’éveiller, s’endormir, s’éveiller, s’endormir, monter un échelon de conscience pour le redescendre aussitôt, ne s’élevant jamais au-dessus de cette ligne zigzagante, tu te trouves et te retrouves la selon une trajectoire indéfinie d’éveils toujours nouveaux. Et comme rien ne vaut que pour la conscience percevante, ta réflexion sur cet éveil perpétuel vers la plus haute conscience possible constituera la science des sciences. Je l’appelle métaphysique Mais, toute science des sciences qu’elle est, n’oublie pas qu’elle ne sera jamais que l’itinéraire tracé d’avance, et à grands traits, d’une progression réelle si tu l’oublies, si tu crois avoir achevé de t’éveiller parce tu as établi d’avance les conditions de ton éveil perpétuel, à ce moment de nouveau tu t’endors, tu t’endors dans la Mort spirituelle ».

 

René Daumal, Tu t’es toujours trompé, Mercure de France (pamphlet sur les intellectuels à propos des existentialistes et de Camus) cité par Patrice Van Eersel  La Source blanche, p.90-91.

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amour personnel et amour impersonnel

Posté par othoharmonie le 15 février 2014

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   Question: Si nous sommes tous un, pourquoi  nous sentons nous  attirés vers certains individus dans une expression de «l’amour personnel»?

Eckhart Tolle: Le véritable amour est transcendant. Sans la reconnaissance du sans-forme en vous, vous ne pourrez vivre le vrai amour transcendantal. Autrement dit, si vous ne pouvez reconnaître sans-forme en vous, vous ne pourrez pas vous reconnaître dans l’autre. La reconnaissance de l’autre comme soi-même en substance – et non par la forme – est le véritable amour. Tant que le mental conditionne votre fonctionnement et que vous êtes complètement identifié avec lui, Il ne peut y avoir de véritable amour. Il peut y avoir des substituts, des choses que l’on appelle «l’amour», mais il ne s’agit pas du vrai amour. Par exemple,  la plupart d’entre nous sont déjà «tombés amoureux ». Peut-être quelques uns sont tombés dans l’amour, mais ceux qui l’on expérimenté sont aussi tombé hors de l’amour.

     Il est important de comprendre la différence entre le vrai amour et d’autres formes de ce qu’on appelle l’amour. Nous sommes dans la forme relative, et dans l’absolu en tant que conscience sans forme. Les deux dimensions incorporées dans l’être humain sont les « humains » et « l’être ». L’être humain est la forme, l’Être est sans-forme, la Conscience intemporelle elle-même. Il peut arriver pour un certain nombre de raisons que la forme ressente une affinité pour d’autres formes. Une d’entre elles est que l’Être est une forme sortie d’une autre forme – appelée votre mère – et donc il y a une grande affinité entre cette forme et celle d’où elle vient. Vous avez alors un amour envers votre mère que l’on pourrait appeler «personnel».

      Un autre aspect de l’affinité avec une autre forme de sexe masculin / féminin. Vous pouvez être attiré par un  autre corps d’une manière sexuelle, et cette attirance est parfois appelée «amour» ; surtout si l’acte sexuel est retardé un certains temps, car il est plus susceptible de se transformer en un amour obsessionnel… Tant et si bien, que dans les cultures où l’on ne pouvait avoir des rapports sexuels avant le mariage, tomber amoureux pourrait être une chose énorme et même conduire au suicide. Naturellement, il ressort de l’affinité homme/femme le caractère incomplet de chacune de ces formes. Le caractère incomplet de cette forme primaire est que vous êtes soit un homme ou une femme. Or l’unité est devenue la dualité homme/femme.
        L’attraction vers l’autre est donc une tentative pour trouver la plénitude, la complétude  à travers la polarité opposée, dans une tentative de trouver l’Unité. Cela est à la base de l’attraction. Ceci est à voir avec la forme, car sur le plan de la forme, vous n’êtes pas un tout – vous êtes la moitié de l’ensemble. Une moitié de l’humanité est de sexe masculin, l’autre moitié est le sexe féminin.

      Vous avez d’abord une attraction pour une personne, puis vous trouverez des qualités dans cet autre humain qui résonneront avec vos propres qualités. Ou, si elles ne résonnent pas, il se peut que vous vous sentiez attirés par votre opposé. Si vous êtes une personne très calme, peut-être vous vous sentirez vous attiré par une personne dramatique, ou vice-versa. Et encore, vous êtes dans l’espoir d’une certaine complétude.  Vous pouvez avoir une affinité avec une autre forme, ce qui peut être appelé «l’amour personnel. » Si l’amour est tout ce qui est personnel, ce qui manque c’est la dimension transcendantale de l’informe – qui donne place au vrai amour. Est-ce une partie de l’amour personnel, ou y a t-il un niveau personnel qui contiendrait tout ; et qui détermine si ce soi-disant «amour» va se transformer finalement en quelque chose de pénible et frustrant, ou s’il y a un approfondissement.

       Il peut y avoir une attraction entre deux êtres humains qui est initialement sexuelle. S’ils commencent à vivre ensemble, cela ne pourra durer longtemps ou alors l’accomplissement de la relation n’arrivera jamais. À un certain point, l’attraction sexuelle ou émotionnelle doit être approfondie et la dimension transcendantale doit s’installer, dans une certaine mesure, pour qu’elle approfondisse la relation. Ensuite, le véritable amour brille à travers le personnel. Le point important est que le véritable amour émane de l’intemporel, de la dimension non formelle que vous êtes. Est-ce que l’amour personnel peut il se trouver avec une affinité de formes? Si ce n’est pas le cas, il y a une identification complète avec la forme, ce qui est aussi appelé l’ego.

        Beaucoup de fois, il se peut que vous pensiez « C’est ça l’Amour ! » et après avoir vécu ensembles pendant un petit moment vous vous rendez compte que « C’était une erreur », ou que vous vous êtres trompés. Même dans les relations parents-enfants, qui sont des liens très étroit sur le plan de la forme, si la dimension transcendantale ne brille pas, l’amour entre parents et enfants peut se transformer en quelque chose d’autre. C’est pourquoi tant de gens ont des relations très problématiques avec leurs parents.

       Certaines relations peuvent commencer à titre purement formelles, puis l’autre dimension arrive après un certain moment. Peut-être qu’après beaucoup de problèmes, et peut-être même lorsque vous vous  rapprochez de la rupture, il peut y avoir tout à coup un approfondissement et alors vous êtes capable d’apporter de l’espace.

      La clé est de se demander, « Y a t-il de l’espace dans cette relation? » Ou ne s’agit-il que de  pensées ou d’émotions? C’est une affreuse prison que d’habiter avec une personne avec qui vous ne partagez que des pensées et des émotions. Occasionnellement, vous êtes biens, mais il y a toujours un désaccord ou une friction.

     Nous devons reconnaître qu’il y a des affinités personnelles. Mais en elles-mêmes, il n’y aura jamais de complétude définitive. Plus souvent qu’autrement, elles sont une source de souffrance. L’amour devient une source de souffrance quand le transcendantal est manquant. Comment la transcendance peut-elle alors entrer? En laissant de l’espace à l’autre ; ce qui signifie essentiellement que vous accédiez à l’Immobilité en vous-même pendant que vous regardez l’Autre.

       Pas de bruit mental, pas de vagues émotionnelles. Cela ne signifie pas qu’il ne peut y avoir de pensées ou d’émotions, mais il y a autre chose dans la relation ; non seulement qui s’applique aux relations personnelles étroites, mais aussi à des relations plus superficielles au travail.

      Dans chaque relation humaine, la question est: « Y a t-il de l’espace? » Il s’agit d’un pointeur. L’espace c’est quand une chose importante – même une émotion- devient superficielle.

       Lorsque les gens vivent ensembles, un des deux partenaires peut ne plus se reconnaître dans la relation tant il y a à faire dans la vie quotidienne. Quand vous vous réveillez le matin, y a t-il un moment où vous reconnaissez la présence de l’Autre?

     C’est la chose la plus merveilleuse si vous pouvez  être pour l’Autre comme un espace, plutôt que comme une personne. En ce moment même, vous pouvez être ici en tant que personne, ou vous pouvez être ici en tant qu’espace.

Eckhart Tolle  

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la Terre, quintessence de la condition humaine

Posté par othoharmonie le 14 février 2014

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« La Terre est la quintessence de la condition humaine, et la nature terrestre, pour autant que l’on sache, pourrait bien être la seule de l’univers à procurer aux humains un habitat où ils puissent se mouvoir et respirer sans effort et sans artifice. L’artifice humain du monde sépare l’existence humaine de tout milieu purement animal, mais la vie elle-même est en dehors de ce monde artificiel, et par al vie l’homme demeure lié à tous les autres organismes vivants. Depuis quelques temps, un grand nombre de recherches scientifiques s’efforcent de rendre la vie « artificielle » elle aussi, et de couper le dernier lien qui maintient encore l’homme parmi les enfants de la nature. C’est le même désir d’échapper à l’emprisonnement terrestre qui se manifeste dans les essais de création en éprouvette, dans le voeu de combiner « au microscope le plasma germinal provenant de personnes aux qualités garanties, afin de produire des êtres supérieurs » et « de modifier (leurs) tailles, formes et fonctions »; et je soupçonne que l’envie d’échapper à la condition humaine expliquerait aussi l’espoir de prolonger la durée de l’existence fort au-delà de cent ans, limite jusqu’ici admise.

Cet homme futur, que les savants produiront, nous disent-ils, en un siècle pas davantage, paraît en proie à la révolte contre l’existence humaine telle qu’elle est donnée, cadeau venu de nulle part (laïquement parlant) et qu’il veut pour ainsi dire échanger contre un ouvrage de ses propres mains. Il n’y a pas de raison de douter que nous soyons capables de faire cet échange, de même qu’il n’y a pas de raison de douter que nous soyons capables à présent de détruire toute vie organique sur terre. La seule question est de savoir si nous souhaitons employer dans ce sens nos nouvelles connaissances scientifiques et techniques, et l’on ne saurait en décider par des méthodes scientifiques. C’est une question politique primordiale que l’on ne peut guère, par conséquent, abandonner aux professionnels de la science ni à ceux de la politique ».

 La Condition de l’homme moderne (1958), Chap. III, §1, tr. G. Fradier, Pocket, pp. 34-35. de Hannah Arendt  

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le moi n’est pas le maître dans sa propre maison

Posté par othoharmonie le 14 février 2014

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    Dans certaines maladies et, de fait, justement dans les névroses * , que nous étudions [...] le moi se sent mal à l’aise, il touche aux limites de sa puissance en sa propre maison, l’âme. Des pensées surgissent subitement dont on ne sait d’où elles viennent ; on n’est pas non plus capable de les chasser. Ces hôtes étrangers semblent même être plus forts que ceux qui sont soumis au moi. [...] La psychanalyse entreprend d’élucider ces cas morbides inquiétants, elle organise de longues et minutieuses recherches, elle se forge des notions de secours et des constructions scientifiques, et, finalement, peut dire au moi : « Il n’y a rien d’étranger qui se soit introduit en toi, c’est une part de ta propre vie psychique qui s’est soustraite à ta connaissance et à la maîtrise de ton vouloir. [...] Tu crois savoir tout ce qui se passe dans ton âme, dès que c’est suffisamment important, parce que ta conscience te l’apprendrait alors. Et quand tu restes sans nouvelles d’une chose qui est dans ton âme, tu admets, avec une parfaite assurance, que cela ne s’y trouve pas. Tu vas même jusqu’à tenir « psychique » pour identique à « conscient », c’est-à-dire connu de toi, et cela malgré les preuves les plus évidentes qu’il doit sans cesse se passer dans ta vie psychique bien plus de choses qu’il ne peut s’en révéler à ta conscience. Tu te comportes comme un monarque absolu qui se contente des informations que lui donnent les hauts dignitaires de la cour et qui ne descend pas vers le peuple pour entendre sa voix. Rentre en toi-même profondément et apprends d’abord à te connaître, alors tu comprendras pourquoi tu vas tomber malade, et peut-être éviteras-tu de le devenir. » C’est de cette manière que la psychanalyse voudrait instruire le moi. Mais les deux clartés qu’elle nous apporte : savoir que la vie instinctive de la sexualité ne saurait être complètement domptée en nous et que les processus psychiques sont en eux-mêmes inconscients, et ne deviennent accessibles et subordonnés au moi que par une perception incomplète et incertaine, équivalent à affirmer que le moi n’est pas maître dans sa propre maison * .

  »Une difficulté de la psychanalyse », in Essais de Psychanalyse appliquée, Idées Gallimard.

S Sigmund. Freud 

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l’amour et la différence

Posté par othoharmonie le 14 février 2014

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    «Si je diffère de toi, loin de te léser, je t’augmente», Saint Exupéry, Lettre à un otage.

Cette évidence, tous nos réflexes la nient. Notre besoin superficiel de confort intellectuel nous pousse à tout ramener à des types et à juger selon la conformité aux types; mais la richesse est dans la différence.

Beaucoup plus profond, plus fondamental, est le besoin d’être unique, pour «être» vraiment. Notre obsession est d’être reconnu comme une personne originale, irremplaçable; nous le sommes réellement, mais nous ne sentons jamais assez que notre entourage en est conscient. Quel plus beau cadeau peut nous faire l’«autre» que de renforcer notre unicité, notre originalité, en étant différent de nous? Il ne s’agit pas d’édulcorer les conflits, de gommer les oppositions; mais d’admettre que ces conflits, ces oppositions doivent et peuvent être bénéfiques à tous.

La condition est que l’objectif ne soit pas la destruction de l’autre, ou l’instauration d’une hiérarchie, mais la construction progressive de chacun. Le heurt, même violent, est bienfaisant; il permet à chacun de se révéler dans sa singularité; la compétition, au contraire, presque toujours sournoise, est destructrice, elle ne peut aboutir qu’à situer chacun à l’intérieur d’un ordre imposé, d’une hiérarchie nécessairement artificielle, arbitraire.

La leçon première de la génétique est que les individus, tous différents, ne peuvent être classés, évalués, ordonnés: la définition de «races», utile pour certaines recherches, ne peut être qu’arbitraire et imprécise; l’interrogation sur le «moins bon» et le «meilleur» est sans réponse; la qualité spécifique de l’Homme, l’intelligence, dont il est si fier, échappe pour l’essentiel à nos techniques d’analyse; les tentatives passées d’ «amélioration» biologique de l’Homme ont été parfois simplement ridicules, le plus souvent criminelles à l’égard des individus, dévastatrices pour le groupe.

Par chance, la nature dispose d’une merveilleuse robustesse face aux méfaits de l’Homme: le flux génétique poursuit son oeuvre de différenciation et de maintien de la diversité, presque insensible aux agissements humains; l’univers des phénotypes», ou nous vivons, n’a fort heureusement que peu de possibilités d’action sur l’ «univers des génotypes», dont dépend notre avenir . Transformer notre patrimoine génétique est une tentation, mais cette action restera longtemps, espérons-le, hors de notre portée.

Cette réflexion peut être transposée de la génétique à la culture: les civilisations que nous avons sécrétées sont merveilleusement diverses et cette diversité constitue la richesse de chacun de nous. Grâce à une certaine difficulté de communication, cette hétérogénéité des cultures a pu longtemps subsister; mais, il est clair qu’elle risque de disparaître rapidement. Notre propre civilisation européenne a étonnamment progressé vers l’objectif qu’elle s’était donné: le bien-être matériel. Cette réussite lui donne un pouvoir de diffusion sans précédent, qui aboutit peu à peu à la destruction de toutes les autres; tel a été le sort, pour ne citer qu’un exemple parmi tant d’autres, des Esquimaux d’Ammassalik, sur la côte est du Groenland, dont R.Gessain a décrit la mort culturelle sous la pression de la «civilisation obligatoire».

Lorsque l’on constate la qualité des rapports humains, de l’harmonie sociale dans certains groupes que nous appelons «primitifs», on peut se demander si l’alignement sur notre culture ne sera pas une catastrophe; le prix payé pour l’amélioration du niveau de vie est terriblement élevé, si cette harmonie est remplacée par nos contradictions internes, nos tensions, nos conflits. Est-il encore temps d’éviter le nivellement des cultures? La richesse à préserver ne vaut-elle pas l’abandon de certains objectifs qui se mesurent en produit national brut ou même en espérance de vie?

Poser une telle question est grave; il est bien difficile, face à cette interrogation, de rester cohérent avec soi-même, selon que l’on s’interroge dans le calme douillet de sa bibliothèque ou que l’on partage durant quelques instants la vie d’un de ces groupes qui nous émerveillent, mais où les enfants meurent, faute de nourriture ou de soins.

Pourrons-nous préserver la diversité des cultures sans payer un prix exorbitant?

Subi ou souhaité, un changement de l’organisation de notre planète ne peut être évité; la parole est donc aux «utopistes». Certains d’entre eux posent le problème en termes inattendus, ainsi Yona Friedman intitulant un de ses livres Comment vivre entre les autres sans être chef et sans être esclav.
Même lorsque le monde qu’ils nous proposent nous paraît vraiment trop «différent» du nôtre, nous pouvons être à peu près sûrs que la réalité le sera plus encore.

Cet effort d’imagination, il semble que la génération, si décriée, qui s’apprête à nous succéder l’ait déjà largement entrepris. La révolte contre la trilogie métro-boulot-dodo, contre le carcan du confort douceâtre, l’affadissement du quotidien organisé, la mort insinuante des acceptations, ce sont nos enfants qui nous l’enseignent.

Sauront-ils bâtir un monde où l’Homme sera moins à la merci de l’Homme?

Eloge de la différence par A. Jacquard 

 

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la paix ne réside qu’en toi-même

Posté par othoharmonie le 12 février 2014

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     »La plupart des hommes cherchent la solitude dans les champs, sur des rivages, sur des collines. C’est aussi ce que tu recherches ordinairement avec le plus d’ardeur. Mais c’est un goût très vulgaire. Il ne tient qu’à toi de te retirer à toute heure au-dedans de toi-même. Il n’y a aucune retraite où un homme puisse être plus en repos et plus libre que dans l’intérieur de son âme; principalement s’il y a mis de ces choses précieuses qu’on ne peut revoir et considérer sans se trouver aussitôt dans un calme parfait, qui est, selon moi, l’état habituel d’une âme où tout a été mis en bon ordre et à sa place.

   Jouis donc très souvent de cette solitude, et reprends-y de nouvelles forces. Mais aussi fournis-la de ces maximes courtes et élémentaires, dont le seul ressouvenir puisse dissiper sur-le-champ tes inquiétudes, et te renvoyer en état de soutenir sans trouble tout ce que tu retrouveras.

   Car enfin, qu’est-ce qui te fait de la peine ? Est-ce la méchanceté des hommes ? Mais rappelle-toi ces vérités-ci : que tous les êtres pensants ont été faits pour se supporter les uns les autres; que cette patience fait partie de la justice qu’ils se doivent réciproquement; qu’ils ne font pas le mal parce qu’ils veulent le mal. D’ailleurs à quoi a-t-il servi à tant d’hommes, qui maintenant sont au tombeau, réduits en cendres, d’avoir eu des inimitiés, des soupçons, des haines, des querelles ? Cesse donc enfin de te tourmenter.

   Te plains-tu encore du lot d’événements que la cause universelle t’a départi ? Rappelle-toi ces alternatives de raisonnement : ou c’est la providence, ou c’est le mouvement fortuit des atomes qui t’amène tout; ou enfin il t’a été démontré que le monde est une grande ville…

   Mais tu es importuné par les sensations du corps ? Songe que notre entendement ne prend point de part aux impressions douces ou rudes que l’âme animale éprouve, sitôt qu’il s’est une fois renfermé chez lui, et qu’il a reconnu ses propres forces. Au surplus, rappelle-toi encore tout ce qu’on t’a enseigné sur la volupté et la douleur, et que tu as reconnu pour vrai.

   Mais ce sera peut-être un désir de vaine gloire qui viendra t’agiter. Considère la rapidité avec laquelle toutes choses tombent dans l’oubli; cet abîme immense de l’éternité qui t’a précédé et qui te suivra; combien un simple retentissement de bruit est peu de choses; la diversité et la folie des idées que l’on prend de nous; enfin la petitesse du cercle où ce bruit s’étend. Car la terre entière n’est qu’un point de l’univers; ce qui en est habité n’est qu’un coin du monde; et dans ce coin-là même, combien auras-tu de panégyristes, et de quelle valeur ?

   Souviens-toi donc de te retirer ainsi dans cette petite partie de nous-mêmes. Ne te trouble de rien; ne fais point d’efforts violents; mais demeure libre. Regarde toutes choses avec une fermeté mâle, en homme, en en citoyen, en être destiné à mourir. Surtout, lorsque tu feras dans ton âme la revue de tes maximes, arrête-toi sur ces deux : l’une, que les objets ne touchent point notre âme, qu’ils se tiennent immobiles hors d’elle, et que son trouble ne vient jamais que des opinions qu’elle se fait au-dedans; l’autre, que tout ce que tu vois va changer dans un moment, et ne sera plus ce qu’il était. N’oublie jamais combien il est arrivé déjà de révolutions, ou en toi, ou sous tes yeux. «Le monde n’est que changement; la vie n’est qu’opinion»1.

Pensée pour moi-même, livre IV, art 3. traduction de 1803 de M. de Joly. Marc-Aurèle  

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le gardien de l’espace intérieur

Posté par othoharmonie le 12 février 2014

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     Restez présent, restez conscient. Soyez en permanence le gardien lucide de votre espace intérieur. Il vous faut être suffisamment présent pour pouvoir observer directement le corps de souffrance et sentir son énergie. Ainsi, il ne peut plus contrôler votre pensée.

     Dès que votre pensée se met au diapason du champ énergétique de votre corps de souffrance, vous y êtes identifié et vous le nourrissez à nouveau de vos pensées.

     Par exemple, si la colère en est la vibration énergétique prédominante et que vous avez des pensées de colère, que vous ruminez ce que quelqu’un vous a fait ou ce que vous allez lui faire, vous voilà devenu inconscient et le corps de souffrance est dorénavant « vous-même ». La colère cache toujours de la souffrance.

    Lorsqu’une humeur sombre vous vient et que vous amorcez un scénario mental négatif en vous disant combien votre vie est affreuse, votre pensée s’est mise au diapason de ce corps et vous êtes alors inconscient et ouvert à ses attaques. Le mot « inconscient », tel que je l’entends ici, veut dire être identifié à un scénario mental ou émotionnel. Il implique une absence complète de l’observateur.

    L’attention consciente soutenue rompt le lien entre le corps de souffrance et les processus de la pensée. C’est ce qui amène la métamorphose. Comme si la souffrance alimentait la flamme de votre conscience qui, ensuite, brille par conséquent d’une lueur plus vive. Voilà la signification ésotérique de l’art ancien de l’alchimie : la transformation du vil métal en or, de la souffrance en conscience. La division intérieure est résorbée et vous devenez entier. Il vous incombe alors de ne plus créer de souffrance.

    Concentrez votre attention sur le sentiment qui vous habite. Sachez qu’il s’agit du corps de souffrance. Acceptez le fait qu’il soit là. N’y pensez pas. Ne transformez pas le sentiment en pensée. Ne le jugez pas. Ne l’analysez pas. Ne vous identifiez pas à lui. Restez présent et continuez d’être le témoin de ce qui se passe en vous. Devenez conscient non seulement de la souffrance émotionnelle, mais aussi de « celui qui observe », de l’observateur silencieux. Voici ce qu’est le pouvoir de l’instant présent, le pouvoir de votre propre présence consciente. Ensuite, voyez ce qui se passe.

    Le processus que je viens de décrire est profondément puissant mais simple. On pourrait l’enseigner à un enfant, et espérons qu’un jour ce sera l’une des premières choses que les enfants apprendront à l’école. Lorsque vous aurez compris le principe fondamental de la présence, en tant qu’observateur, de ce qui se passe en vous – et que vous le « comprendrez » par l’expérience -, vous aurez à votre disposition le plus puissant des outils de transformation.

   Ne nions pas le fait que vous rencontrerez peut-être une très grande résistance intérieure intense à vous désidentifier de votre souffrance. Ce sera particulièrement le cas si vous avez vécu étroitement identifié à votre corps de souffrance la plus grande partie de votre vie et que le sens de votre identité personnelle y est totalement ou partiellement investi. Cela signifie que vous avez fait de votre corps de souffrance un moi malheureux et que vous croyez être cette fiction créée par votre mental. Dans ce cas, la peur inconsciente de perdre votre identité entraînera une forte résistance à toute désidentification. Autrement dit, vous préféreriez souffrir, c’est-à-dire être dans le corps de souffrance, plutôt que de faire un saut dans l’inconnu et de risquer de perdre ce moi malheureux mais familier.

Mettre en pratique le pouvoir du Moment présent, Ariane édition. Eckhart Tolle    

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