Kryeon – Le Retour

Le Retour

Parabole de Kryeon 

 par Lee Carroll

Kryeon – Le Retour dans A et B 1563891_3398377

 

L’histoire Michaël Thomas 

Mike poussa sa corbeille de documents avec un peu trop de vigueur sur la cloison de son bureau. Des morceaux de plastique éclatèrent ici et là. Encore une fois, un objet à portée de sa main subissait l’expression de sa colère. La situation qu’il vivait lui semblait de plus en plus exaspérante. Tout à coup, une tête se pointa à travers les feuilles vertes d’une plante artificielle trônant à sa gauche. 

- Tout va bien ? demanda John, du module voisin. 

Les cloisons de chaque module étaient juste assez hautes pour donner l’impression que chacun disposait d’un bureau privé. 

Mike avait placé plusieurs articles en hauteur sur sa table de travail. Ainsi, il avait l’illusion d’être à plus de deux mètres de ses collègues. D’ailleurs, tous partageaient ce leurre d’être seuls et de pouvoir converser sans oreilles indiscrètes autour. Le reflet blanc des tubes fluorescents suspendus au-dessus des modules baignait Mike et les autres d’un éclairage artificiel que l’on ne trouve que dans les grands établissements ou les usines. La lumière absorbait tout le rouge du spectre et pâlissait tout ce qu’elle touchait, même sur le territoire de la Californie ensoleillée. 

Des années sans soleil direct avaient donné à Mike un teint blafard. 

- Un petit saut aux Bahamas pourrait tout régler rapidement, répondit Mike sans même se tourner vers John, qui reprit sa conversation téléphonique en haussant les épaules. 

Tout en prononçant ces paroles, Mike savait pertinemment qu’il n’irait pas aux Bahamas avec le salaire de commis aux commandes qu’il gagnait dans ce “ trou ”, ce moulin à ventes dans lequel tous les employés travaillaient. Il commença à ramasser les morceaux de plastique éparpillés et soupira… comme il le faisait de plus en plus souvent depuis quelque temps. Que faisait-il ici ? Pourquoi n’avait-il ni l’énergie ni la volonté de rendre sa vie plus intéressante ? Son regard se posa sur le stupide ourson en peluche qu’il s’était offert. Au cou du petit animal, on pouvait lire : “ Serre-moi ”. Tout près, Mike avait déposé sa caricature préférée : une illustration montrant un oiseau qui s’échappait d’un personnage qui le faisait toujours rire. 

Quant à lui, il se sentait plutôt habité par un oiseau de malheur. Mike avait beau épingler des visages souriants et des blagues autour de lui, il se sentait coincé. Son existence ressemblait à la reproduction répétée d’une même photocopie. Chaque journée se répétait inlassablement et semblait dépourvue de sens. La frustration et l’inutilité qu’il ressentait le mettaient en colère et le déprimaient. De plus, on commençait à le remarquer. Son supérieur y avait même fait allusion. 

Michaël Thomas était dans la mi-trentaine. Comme plusieurs de ses collègues, il était en “ mode de survie ”. Il occupait le seul poste qu’il avait pu trouver où il n’avait pas vraiment à se préoccuper de son rendement. Il n’avait qu’à être là pendant huit heures durant, puis à retourner chez lui, dormir, régler ses factures durant ses jours de congé et retourner au travail chaque lundi. 

Mike se rendit compte qu’il connaissait les noms de quatre personnes seulement dans ce bureau de Los Angeles, qui en comptait un peu plus de trente. Il s’en fichait. Pourtant, il était là depuis plus d’un an, depuis la rupture qui avait détruit sa vie pour toujours. Il n’en parlait jamais, mais ses souvenirs le hantaient presque toutes les nuits. 

Mike vivait seul, avec son poisson. Il aurait aimé avoir un chat, mais son propriétaire l’interdisait. Il se savait en train de jouer le rôle de la victime, mais son estime personnelle était nulle. Il continuait d’entretenir cette blessure, qui était toute sa vie, la gardant intentionnellement ouverte et vive de façon à pouvoir la ressentir à volonté. Il croyait ne pouvoir rien faire d’autre et n’était pas certain d’avoir l’énergie de changer quoi que ce soit, même en le souhaitant ardemment. Trouvant l’idée amusante, il avait appelé son poisson “ Le Chat ” et lui parlait chaque fois qu’il quittait l’appartement ou il y entrait. 

- Aie confiance, Le Chat, lui disait-il avant de partir. Bien sûr, le poisson ne répondait jamais. 

Mesurant plus d’un mètre quatre-vingt, Mike en imposait, jusqu’à ce qu’il sourie. Aussitôt, il faisait fondre tous les préjugés des gens d’abord impressionnés par sa stature. Ce n’était pas un hasard si son principal outil de travail était le téléphone. Ainsi, les clients ne pouvaient le voir. C’était là une façon commode de renier son meilleur attribut. En fait, il s’était emmuré pour mieux se donner le loisir de se délecter du mélodrame à l’image de sa situation actuelle. Il excellait en relations humaines, mais il utilisait rarement ses talents, sauf en cas de nécessité absolue dans le cadre de son travail. Mike n’entretenait pas facilement d’amitiés, et le sexe opposé n’avait aucune place dans son champ d’intérêt actuel, même si certaines de ses représentantes auraient souhaité le contraire ! 

- Mike, lui disaient parfois ses collègues masculins, quand as-tu été chanceux la dernière fois ? Tu as besoin d’une femme ; cesse de te ronger les sangs ! 

Puis, ils rentraient chez eux retrouver leur famille, leur chien, leurs enfants… parfois même un poisson! Mais Mike ne pouvait envisager l’idée de reconstruire sa vie affective. Ça n’en valait pas la peine, se disait-il. J’avais déjà trouvé ma compagne, mais elle ne le savait pas. Il avait été très amoureux et avait misé gros sur cet amour. Pour elle, ça n’avait été qu’un jeu. Quand Mike en avait finalement pris conscience, son avenir s’était en quelque sorte effondré. Il avait aimé cette femme d’une passion qu’il ne croyait jamais pouvoir revivre un jour. Il lui avait tout donné, mais elle avait tout rejeté. 

lire la suite ou le début ICI http://othoharmonie.unblog.fr/le-retour-de-michael-thomas/

 

 

 

9782920987296FS dans A et B

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